Une voix solo, scandée par les sonorités du piano et de la guitare, pour traduire l’éprouvante aventure d’un père et de sa fille qui se mesurent aux plus hautes et exigeantes montagnes en solitaire. Destins entremêlés : lui, alpiniste célèbre, s’élance seul sur une paroi himalayenne jamais vaincue, et chute ; elle, suivant les traces de son père, tombe dans une crevasse. Par-delà l’espace et le temps, ils vont s’aider l’un et l’autre à s’arracher à leur abîme.
Dans le cadre des Weeks-ends de la chanson Quebecor, le Théâtre du Vertige présente ENVOL, une pièce de l’auteur et comédien André Frappier, avec en ouverture les chansons de Christian Frappier, dans une mise en scène de Sébastien Frappier.
Seul en scène, André Frappier devient le porteur des deux personnages qui affrontent à mains nues leur destin solitaire. Deux êtres excessifs avec leurs failles, leur abîme. Quand leurs amours se sont refroidis, quand le monde autour d’eux s’est ratatiné, la montagne en a profité, elle les a pris corps et âme. Leur ascension est à l’image de leur vie… extrême.
« Aujourd’hui, on cherche à tout prix la sécurité et le confort dans les moindres actes de notre vie et même dans nos aventures. Dans ma pièce, j’ai voulu mettre en scène des personnages qui affrontent leur vie et la montagne sans filet, » dit l’auteur. « Si la chute est peut-être inévitable, elle peut permettre une remontée vers une liberté nouvelle. »
Éclairages Jean Laurin
Prix : 19.15 $ + frais de service
Studio-Théâtre de la Place des Arts
175, rue Ste-Catherine Ouest
Billetterie : 514 842-2112 ou sans frais au 1 866 842-2112
par Daphné Bathalon
« Ça déraillait en moi depuis quelque temps », nous confie d’entrée de jeu Patrice, un alpiniste d’expérience, piégé par une crevasse au cœur du mont Lhotse dont il faisait l’ascension. En pensée, il fait appel à sa fille, avec qui il partage un intérêt pour la montagne. Il a besoin d’elle pour se tirer de là : « Porte sur tes épaules le père trop faible pour achever sa migration. » C’est d’ailleurs la voix de cette fille, elle-même aux prises avec des angoisses et des obsessions, que le comédien et auteur André Frappier fait entendre dans Envol, bien plus que celle du père.
Chantal n’a, depuis toujours, vécu que pour cette seule passion pour l’escalade, grimpant les sommets à la poursuite de son père, grand absent de sa vie. Une vie par ailleurs marquée par de douloureuses pertes, celle d’une sœur d’abord, puis celle d’un père (parti en expédition et jamais revenu) ; enfin, celle d’un fils et d’un amour possible. Il est donc question du lourd héritage familial et filial, de ce que l’on transmet en poids de malheur à nos propres enfants et qu’ils transmettent à leur tour aux leurs.
Les montagnes jalonnent le récit de Chantal, elles ont été autant d’épreuves et de pistes de désaccords entre le père et la fille. Des montagnes qui deviennent des parois tueuses la séparant de tous ses êtres chers. L’ascension de l’alpiniste est hélas aussi semée d’embûches pour elle que pour le spectateur. La nervosité du comédien, palpable et audible, fait trembler ses mains et chevroter sa voix, rendant par moments le texte confus. La nervosité heureusement s’atténue vers la fin de l’escalade, se transformant en une vulnérabilité touchante, mais un peu tard pour rattraper l’attention du public. Le texte se révèle pourtant bien intéressant, notamment pour le parallèle que l’auteur établit entre le cheminement intérieur de son personnage et celui de l’ascension de la montagne Cho Oyu, l’un des sommets les plus hauts du monde.
Étrange choix aussi que de faire porter par un homme la voix de cette femme. Il se crée rapidement une distanciation qui brouille notre intérêt pour la quête de Chantal, et sa survie. C’est bien dommage, car le texte contient quelques pépites de paroles que l’on aimerait pouvoir attraper au vol. Le récit est bien enveloppé par des éclairages discrets qui suggèrent les heures du jour et de la nuit, et les lieux que Chantal traverse. À la guitare, Christian Frappé accompagne fidèlement le parcours de l’alpiniste, tant physiquement que psychologiquement. La dernière partie, où l’on délaisse les montagnes et l’escalade pour plonger dans les causes sociales, comme les conditions de vie des sherpas ou le statut politique du Tibet, semble, par comparaison, plutôt maladroite.
Envol ne parvient pas à atteindre les sommets auxquels aspire son personnage principal et nous sème à mi-pente, un peu perdus mais désireux pourtant de suivre le chemin si tentant que laisse entrevoir le texte.