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12-13-14-19-20-21-26-27-28 avril 2012, 20h30, le 22 avril en après-midi
Les Monologues du vagin
Texte Eve Ensler
Traduction de Louise Marleau
Mise en scène de Martin Desgagné
Avec Marilyn Bastien, Carole Chatel, Anne-Maude Fleury

Pièce écrite par la dramaturge américaine Eve Ensler, traduite en 46 langues et présentée dans plus de 130 pays, Les monologues du vagin explore les mystères, les tabous et la complexité des femmes et de leur sexe. Pièce à caractère sociale, Les monologues du vagin est empreinte d’humour et de moments d’émotion et qui ravit le public année après année depuis sa création, en 1996.

Section vidéo
une vidéo disponible


Billets:
25$ régulier
21$ UDA, étudiant et aîné
Une partie des profits sera versée à la fondation La rue des femmes.

Production Théâtre du Lys bleu


Balustrade du Monument-National
1182, Boulevard Saint-Laurent
Billetterie : 514 871-2224

 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas

Créée en 1996 par Ève Ensler, Les Monologues du vagin bénéficie actuellement d’une tribune sensible grâce à la jeune compagnie du Théâtre du lys bleu. Souvent repris lors d’événements spéciaux, le spectacle au parfum sulfureux a su frapper l’imaginaire des individus par son titre accrocheur. Cette pièce est souvent perçue, dans l’inconscient collectif, comme un acte militant, une fantaisie coquine ou encore comme l’expression d’un féminisme radical ; le public en vient à oublier la mission première de ce théâtre de la parole lorsque dépouillée de son aura provocatrice. C’est donc justice rendue, lors des représentations à la Balustrade du Monument National.

Au fil des années, d’innombrables personnalités féminines du Québec, des États-Unis et d’ailleurs sont montées sur une scène pour lire l’un ou l’autre des textes traitant sans pudeur ou faux-fuyants de l’organe génital féminin. Des figures médiatiques comme la chanteuse Eva Avila, la colorée juge Andrée Ruffo ou Mme Justin Trudeau (Sophie Grégoire) ont tenté de s’approprier à un moment ou l’autre les mots de l’auteure et activiste états-unienne pour une cause précise, sensibilisation ou collecte de fonds. Par contre, l’émotion passe davantage lorsque la production compte sur un trio de talentueuses comédiennes de l’envergure de Carole Châtel, Marilyn Bastien et Anne-Maude Fleury.

Depuis son apparition sur la sphère culturelle et médiatique, l’œuvre connue comme Vagina Monologues dans sa langue originale est devenue une référence «culte» pour les mouvements féministes, gais et altermondialistes. À partir d’entrevues réalisées avec plus de 200 femmes de diverses couches de la société (races, orientations sexuelles et statuts sociaux), Ève Ensler a accouché de textes oscillant entre d’innombrables tonalités et situations thématiques. Malgré des moments plus bouleversants sur de dures réalités (dont l’excision des fillettes dans les pays machistes barbares, l’infidélité conjugale et les peurs viscérales sur le plaisir féminin), l’atmosphère dans la salle intime du Monument National baignait davantage dans l’humour convivial, ponctué de certains rires tonitruants. La pièce ne s’inscrit toutefois pas dans les auges des blagues salaces et vulgaires qui ont fait la gloire et fortune des Rosanne Barr, Sandra Bernhard ou autres Cathy Gauthier. Malgré son étiquette de théâtre engagé sur la place du «deuxième sexe», expression rendue célèbre par Simone de Beauvoir, elle ne porte pas, toutefois, par exemple, la richesse engageante, poétique et métaphorique d’un collectif incontournable pour le théâtre comme La nef des sorcières. Mais heureusement, elle ne baigne pas non plus dans les eaux racoleuses des pochades à la Lili Gulliver ou les initiations érotiques du genre Emmanuelle.

L’actuelle production du Théâtre du lys bleu profite de l’approche sensible du metteur en scène, Martin Desgagné qui s’est illustré par son travail sur les deux précédentes éditions des Contes urbains. Tout en restant fidèle à la tradition des tabourets, lutrins et pages du texte tournées tout au long des 80 minutes de la soirée, ce dernier a réussi à rendre vivantes et ardentes ses interprètes, souvent aguicheuses aux regards lubriques entre deux répliques. La convivialité de l’approche permet une unité dans cet univers aux contours variés et pluriels. L’adaptation de Louise Marleau confère à l’ensemble une dimension palpable au contexte québécois par ses expressions et déclinaison des synonymes du sexe féminin, reconnaissables par toutes les oreilles le moindrement averties.

Mais le plus bel attrait de ce spectacle demeure les trois actrices, toujours justes, intenses et vibrantes dans leurs témoignages, revendications, surprises ou confidences. Celles-ci se complètent parfaitement. Avec sa voix chaleureuse qui s’est illustrée ces dernières années dans les pièces Salvador et Anna sous les tropiques, la brune Carole Châtel apporte une belle maturité réconfortante et troublante lorsqu’elle exprime la douleur d’une femme bafouée dans ses relations conjugales. Blonde autant vaporeuse que déterminée, mariant bien l’aplomb et la fragilité, Marilyn Bastien se démarque plus particulièrement dans le monologue traitant du viol des femmes bosniaques. Leur consœur Anne-Maude Fleury est tout simplement remarquable. Cette interprète chevronnée a suscité les réactions les plus enthousiastes, entre autres par son agilité à passer d’un extraordinaire orgasme à un texte sur le douloureux apprentissage de l’amour véritable.

Si des productions antérieures des Monologues avaient déploré des salles inadéquates, la remarque ne s’applique pas ici. La Balustrade constitue un lieu idéal pour une parole aussi stimulante. Par ailleurs, les critiques de théâtre ne mentionnent que très rarement (de mémoire de lecteur) le choix des pièces musicales avant le début de la représentation. Ici, la musique de l’excellent disque en innu Nitshisseniten e tshissenitamin de Chloé Sainte-Marie résonnait de manière judicieuse. Seule petite faiblesse lors de la soirée du premier vendredi, quelques éclairages manquaient de synchronisme par rapport à l’action sur le plateau minuscule de proximité.

Des manifestations comme Les monologues du vagin, imprégnées d’une réputation clinquante de soufre, se démarquent souvent moins par leurs qualités artistiques intrinsèques que par leur aura de scandale. Remercions le Théâtre du lys bleu de ramener ce phénomène à sa dimension théâtrale la plus pure, la plus essentielle. Les spectatrices et spectateurs contribuent également à une bonne action, car une partie des profits sera versée à la fondation La rue des femmes.

17-04-2012