The air conditioning has failed, creditors are circling like sharks and the publisher will sleep with anything that moves. Welcome to the offices of Ars Poetica, a struggling Montréal literary magazine where chaos reigns and disaster is never more than an errant BlackBerry click away.
Ars Poetica is a comedy about poetry, wireless communications and the wayward impulses of loveSet and Costume Design by Veronica Classen
Lighting Design by David-Alexandre Chabot
Adults $20 / Students and Seniors $15 / Groups 6+ $10
Previews (Jan. 17 & 18) are 50% off and Jan. 22 is Pay-What-You-Can.
Production InfiniTheatre
par Ariane Cloutier
« The callings of law and literature place the highest value on the same virtues: clarity, conviction and grace. » Arthur Holden
Ars Poetica vous permet de rire à un moment où l’hiver se fait le plus froid; quel bon remède contre la dépression saisonnière! Dans une programmation théâtrale montréalaise où les drames se succèdent, Infini théâtre a relevé le grand défi de faire rigoler un public sans tomber dans une légèreté de propos. Cette pièce, en sélection lors du dernier concours de Write-On-Q, nous rappelle la nécessité de la comédie, qui peut à la fois être divertissante et ouvrir l’esprit à une saine analyse sociale. L’écriture brillante d’Arthur Holden avait déjà été reconnue par la compagnie lors de la première édition du concours, en 2008, dont il fut le lauréat pour la pièce Father Land. Rebaptisée Infini Théâtre en 1997 par Guy Sprung (directeur artistique), cette troupe montréalaise anglophone existait depuis 1988 sous le nom de Theater 1774. On pourrait croire que le sujet de la pièce, la lutte pour la survie d’une petite maison d’édition littéraire anglophone à Montréal, en est inspiré. Son mandat est de dépister et de promouvoir les talents émergents en écriture théâtrale, voire même de détourner le talent d’écrivains d’autres médias vers le théâtre.
L’histoire tourne autour de Naomie, une jeune stagiaire du magazine littéraire poétique anglophone Ars Poetica, qui se retrouve confrontée à son père avocat par ses ambitions d’études poétiques à NYU. L’illustre avocat est invité à rencontrer le président d’Ars Poetica, le très charismatique et manipulateur George, pour potentiellement participer au financement qui permettrait au magazine de ne pas crouler sous les dettes. On remarque immédiatement le point de vue résolument conservateur de Hugh (l’avocat interprété par Howard Rosensteins) à son exclamation « Je paie les taxes, vous les consommez ». Pourtant, les deux hommes, à leur manière d’argumenter, de convaincre, de détourner l’argent, présentent plusieurs similarités dans leur gestion des affaires professionnelles et sentimentales. Lorsqu’à la surprise générale, on découvre que le père récalcitrant a écrit un sonnet pétrarquiste durant sa jeunesse étudiante, on comprend que c’est plutôt la peur du rejet que l’appât du gain qui a motivé son choix de carrière. Il résume la position de l’artiste comme étant fait d’«espoir et de terreur».
Le texte est une autoréflexion sur le travail de l’auteur dans le monde de la publication et sur la valeur de l’artiste dans la société. S’y ajoute une dimension sociopolitique par la confrontation des individus de profession libérale à ceux du milieu artistique et par la quête de financement. De plus, les relations se nouent et se dénouent suivant un schème moral plutôt insidieux. On remarque souvent que les personnages ont besoin les uns des autres, sans pour autant être capables de l’admettre ou de se compromettre. Le personnage de George est le plus complexe, interprété avec beaucoup de grâce et un adorable accent du Pays de Galles, par Noel Burton. À noter une très belle performance de Julia (Paula Jean Hixson), son bras droit à la revue, et l’avènement d’Elana Dunkelman, interprétant Naomi. Le désespoir hystérique de Diane Langlois (Danielle Desormeaux), qui croit être sur le point de perdre sa position au Conseil des arts du Canada pour compromission professionnelle, est à la fois émouvant et exaspérant. Quoi qu'il en soit, les personnages féminins, exerçant un pouvoir plus subtil, attirent davantage de sympathie par leur authenticité.
Un décor de bureau plutôt réaliste se dresse dans l’environnement improbable du Bain Saint-Michel. Malgré une scénographie dotée d’une belle profondeur, l’espace vers l’arrière-scène est peu utilisé, les comédiens y effectuant surtout des mouvements latéraux. Les personnages entrent et sortent soit par la porte (côté jardin), soit par la fenêtre (côté cour), la division de l’espace en 2 pièces donnant lieu à de multiples jeux de dissimulation.
L’écriture d’Arthur Holden est forte et hilarante. Il installe à merveille des personnages typés et des dialogues épicés qui donnent un réalisme précieux à ceux-ci. Les thèmes récurrents de l’histoire sont la fuite, l’évitement et le chantage. À tour de rôle, chacun des personnages y est confronté et en est l’auteur. Ils semblent sans cesse contraints à remplir les attentes des autres. Sans un petit clin d’œil à la vie sentimentale et sexuelle des protagonistes mâles définitivement corsée, la fin nous semblerait un peu trop heureuse. La structure d’Ars Poetica est celle d’une comédie de mœurs classique : personnages tartuffards pris en flagrant délit, état matrimonial forcé, contexte initial compliqué menant à une chute soudaine vers un dénouement heureux, confrontation entre la jeunesse en quête de liberté et la génération précédente autoritaire. Cet exercice de genre est typiquement relevé d’une touche d’ironie et d’un discours critique sur la société actuelle. La poésie tient lieu dans la pièce de l’ultime art sous-payé parmi les métiers artistiques. Holden se positionne par rapport à la valeur absolue de la poésie (représentant l’art en général) par rapport à sa valeur actuelle sur le marché.
Infini Théâtre, prônant la nécessité sociale du théâtre, remplit son rôle en tant que miroir des questionnements de sa communauté.
“Poetry, even the darkest poetry, is an expression of joy.
Money is needed; but money is never the point.
Money is good. Art is better.
Poetry is useless and necessary.” Arthur Holden
* Citations de Holden (http://www.poetry-quebec.com/pq/interview/article_559.shtml)