Solstice c’est un Noël de notre temps : frisquet et enneigé, un temps des fêtes comme les autres, quoi… Clarathéna n’a pas du tout le coeur à la fête : son père lui manque, beau-père et demi-frère lui tapent sur les nerfs. Que contient donc, cette année, la grosse boîte que son père a envoyée par avion ?
Solstice est un texte de Véronique Pascal très librement inspiré du classique de Noël Casse-Noisette. Un univers délirant alliant le conte traditionnel à l’esprit halluciné de Tim Burton. Ludique et festif ce conte est une véritable surprise nous entraînant dans des zones inexplorées, nous déboussolant aussi en nous montrant une facette inattendue de Noël. Sans tomber dans la caricature, Solstice promet d’être coloré et explosif.
Assistance à la mise en scène Catherine Germain
Scénographie, costumes et accessoires Josée Bergeron-Proulx
Composition musicale Gaël Lane-Lépine
Crédit photo: Swann Bertholin
Une création du Théâtre du 450
Chapelle Saint-Antoine, Maison Gisèle-Auprix Saint-Germain
150, rue Grant (coin Saint-Charles), Longueuil
Billetterie : (450) 646-6435
par Olivier Dumas
Alors que la saison théâtrale ralentit le rythme à l’approche de Noël, certains classiques perpétuent des traditions pratiquement immémoriales, dont le plus célèbre exemple demeure Casse-Noisettes. Ces dernières années, par contre, une nouvelle tradition voit le jour dans certaines disciplines artistiques : celle de se réapproprier les thématiques autour du temps des Fêtes pour les actualiser (comme la chanteuse Maryse Letarte dans un album saisonnier remarquable) ou, encore, les décaper de leurs vernis ancestraux. Et avec la pièce Solstice - L'étonnant Noël où personne n'a eu de cadeau, le Théâtre du 450 situé sur la Rive-Sud, à Longueuil, nous propose une création divertissante de haute tenue qui s’inscrit dans cette mouvance.
Le texte porte la signature de Véronique Pascal, l’une des comédiennes du spectacle, qui s’illustre également depuis quelques années comme dramaturge. En décembre 2010, elle avait proposé un conte urbain très caustique dans les soirées du même nom qui font la pluie et le beau temps sur la scène de La Licorne. La présente œuvre reprend un peu le même ton sarcastique. Les répliques s’amusent à décarcasser les individus de leurs idéologies factices et à les mettre à nu devant leurs contradictions aussi éphémères que les saisons. Pour Solstice, le Père Noël, la Fée des étoiles, les parents et les ados en prennent pour leur rhume. Si les péripéties demeurent souvent prévisibles, elles laissent poindre heureusement quelques grincements de dents.
Le récit d’une durée avoisinant une heure quinze s’articule autour de Clarathéna, une jeune fille révoltée pour qui les festivités, la tourtière et le sapin aux lumières multicolores n’ont aucune valeur ou saveur réjouissante. Son père, un mélange d’Elvis Gratton (sans la portée politique) et de Liberace (par ses costumes d’un goût douteux), passe les Fêtes à Rio de Janeiro. Pour plaire à son nouveau conjoint, la mère visionne année après année les mêmes films du répertoire de saison dont Le sapin a les boules (il ne manque à l’énumération que La mélodie du bonheur ou Maman j’ai raté l’avion). Le beau-père et le beau-fils sont insupportablement niais, tandis que l’entourage du Père Noël préfère assouvir ses tentations libidineuses à la distribution des cadeaux pour les tout-petits.
Comme dans toute comédie qui se respecte, les stéréotypes, facéties et clichés d’occasion passent à la moulinette. La figure paternelle gagne son fric à rédiger des bouquins bidon sur la réussite personnelle, la protagoniste principale vit à fond sa crise d’adolescence, son prétendant brille par sa naïveté. Sous la loupe de l’auteure, la fin de l’année se démarque davantage par les excès mercantilistes que par son esprit de recueillement. Par ailleurs, certains airs traditionnels sont repris et parfois volontairement déformés avec sarcasme, complétant ce tableau ironique.
Sur la petite scène aménagée à l’intérieur de la Chapelle Saint-Antoine, la distribution s’éclate avec bonheur et délectation, dans une énergie assez contagieuse pour interpeler directement certaines spectatrices le soir de la première. Dans le rôle de Clarathéna, Kim Despatis insuffle énergie corporelle à un visage blasé caractéristique de l’adolescence prise entre la contestation et le désir d’être aimée. Véronique Pascal compose à la perfection une mère des plus attentionnées et sirupeuses par ses manières affectées lors des échanges avec ses proches. Leurs partenaires de jeu sont également très justes et espiègles dans leurs réparties.
On peut souligner la scénographie colorée qui veut rappeler l’univers des meilleurs films de Tim Burton, surtout au lever du rideau. Les scènes, parfois entrecoupées d’intermèdes musicaux, dont un rap, s’enchainent rapidement, donnant un tonus et une rigueur au spectacle. Comédien remarqué dans de brillantes productions comme Je voudrais me déposer la tête et S’embrasent, Christian Baril démontre ici une grande habileté dans la direction d’acteurs et dans ses dispositions à faire ressortir le grotesque sous-jacent aux apparences de l’humour convivial.
Le soir de la première, quelques ajustements étaient encore à effectuer dans l’articulation et l’audibilité des voix pour quelques passages chantés. Certaines scènes paraissaient un peu trop précipitées (comme la parodie de jeu-questionnaire télévisé) pour savourer toute l’absurdité présente dans l’écriture de Véronique Pascal. Autrement, c’est une invitation à se rendre dans le Vieux-Longueuil pour applaudir et encourager une compagnie sympathique dans un climat de convivialité pour un Solstice d’une année qui s’achève en emportant, au mieux, quelques balivernes.