Cette pièce de théâtre et marionnettes parle d’adoption internationale, de familles d’accueil, insémination et transplantation des enfants d’une culture à une autre. Finalement, elle traite de la quête de moyens des adultes qui veulent être parents et de la quête d’identité des enfants nés de familles atypiques. Voyageant du Québec à la Thaïlande en passant par les États-Unis, cette pièce est aussi un portrait sommaire de la culture bouddhiste et présente deux récits mythologiques d’Asie du sud-est. Ponctuée de poésie avec ses nombreuses séquences vidéo et ses marionnettes d’ombre Indonésiennes ou parsemée d’humour avec ses marionnettes à gaine ou à tige, représentant une mère débauchée, un utérus diva, un petit thaï déraciné ou un cellulaire-cellule de reproduction rabat-joie, la pièce vise à susciter la réflexion et à faire connaître plusieurs sujets méconnus.
Conseillers dramaturgiques Marylène Breault et Martin Mercier
Direction de production Ariane Genet de Miomandre
Assistante à la mise en scène Anne-Marie Taillefer
Création: laboratoire à l'école FACE le 16 septembre 2011
Création théâtre Mythomanie - Groupe Facebook
par Daphné Bathalon
Visakha Puja – Pleine lune de mai est un étrange mélange entre la comédie dramatique et le théâtre documentaire. La pièce présente en parallèle les vies de quatre personnages, tous à la recherche d’un certain bonheur, et des passages informatifs sur la culture thaïlandaise – elle prend alors le ton du documentaire ou du guide touristique. La production n’est malheureusement pas à la hauteur de l’ambitieuse proposition. En dépit de cette volonté de mariage entre la fiction et l’information culturelle, la production manque en effet de souffle. À force d’enchaîner les faits incroyables et les coïncidences invraisemblables, le récit devient complètement tiré par les cheveux, si bien qu’on finit par deviner la suite de l’histoire en misant sur l’option la plus improbable.
Porteur, le thème du déracinement fait pourtant vibrer une corde sensible et pose des questions pertinentes sur les motivations personnelles derrière l’adoption internationale, sur la transplantation d’une culture à une autre et sur ses conséquences dans la vie des enfants adoptés comme des parents adoptifs. À travers l’histoire d’une jeune fille en quête de parents auxquels se raccrocher (pour ne pas finir comme sa mère à qui on l’a arrachée), et d’un homme à la recherche de ses origines, Visakha Puja remonte à la source d’une quête universelle : celle de sa propre identité. Adopté par des Québécois alors qu’il était enfant, qui est vraiment Souchith : un Québécois? un Thaïlandais? un Laotien? Et Sarah, qu’on a trimballée d’une famille d’accueil à une autre : comment peut-elle se trouver un ancrage dans la vie? Comment peut-elle entrevoir un futur et cesser de traîner, comme un boulet, la mère qu’elle s’est inventée?
Cette mère, représentée par une marionnette squelettique, tousse, crache, déparle et jure. Elle n’a rien de la figure maternelle aimante. Cependant, Sarah ne parvient pas à couper le cordon fictif qu’elle a tissé entre elles. Tout en manipulant cette marionnette grise, Valérie Roy incarne également une Sarah vulnérable. Les dialogues entre les deux sont crève-cœur. À l’inverse, le couple formé par Nicolas et Véronique manque de profondeur. Ils sont beaucoup trop dans la parole, pas assez dans l’émotion. Sans arrêt, ils se questionnent. Leur couple a échoué bien avant son entrée en scène.
Toutes les marionnettes sont bien intégrées au spectacle, à commencer par les marionnettes d’ombre issues du théâtre asiatique. Elles apparaissent à quelques reprises, à différents endroits à l’intérieur du décor, pour introduire des mythes et légendes de la Thaïlande. D’autres marionnettes, plus inusitées, surprennent le spectateur, tel le sac à main qui se transforme en l’utérus de Véronique. Il a son mot à dire dans toute cette histoire de maternité, de reproduction et d’adoption. L’homme, lui, dialogue avec son téléphone portable. On passe un moment à chercher le lien entre cet objet et la masculinité avant de comprendre le rapprochement entre cellulaire et cellule reproductrice. Ses incessantes sonneries, qui résonnent toujours aux moments les plus inopportuns, donnent malgré tout lieu à quelques échanges cocasses, quoique franchement machistes. Là encore, la mise en scène de l’échange entre l’homme et son « gène mâle » est plus intéressante que le discours lui-même, un peu appuyé et répétitif.
Dans la mise en scène et la manipulation des marionnettes, dans le travail de recherche et de réflexion, dans la volonté de questionner l’enracinement des êtres humains et leur besoin de se perpétuer à travers d’autres êtres, issus ou non de leur propre chair; dans Visakha Puja, on sent l’envie de dialoguer et de partager une autre culture, mais le spectacle, éclaté, ne parvient malheureusement pas à rassembler toutes ces belles idées pour former un ensemble percutant.