Une nuit, sur l'accotement de la 20 près du Madrid, deux hommes en déroute marchent vers les funérailles de René Lévesque et se souviennent. Dans un modeste logement, un intellectuel désargenté mesure la valeur de son travail, de même que son inutilité. Dans un bar de Timmins, un poète alcoolique rencontre un indien ivre mort qui lui offre une bière sachant qu'il n'a que 16 cennes à la banque. Près de lui, une femme confesse avoir déjà été nommée la plus belle femme sur la planète mais elle ne se rappelle plus sur quelle planète.
Après sa mise en scène du spectacle Le Boss est mort d'Yvon Deschamps, qui sera repris cette saison en tournée partout au Québec, Dominic Champagne poursuit, avec la complicité de comédiens inspirés et de musiciens en spirale, une exploration intime, en paroles et musique, des personnages de ce vieux Canada français qui n'en finit pas de survivre à lui-même.
Tout ça m'assassine un spectacle à la rencontre de trois paroles, perdues dans la brume ou noyées dans l'alcool, où se mêlent et s'emmêlent théâtre, poésie, musique, un peu d'angoisse et de liberté...
Concepteurs Michel Crête, Ludovic Bonnier, Étienne Boucher, Guillaume Cyr, Cédric Lord et Philippe Gendreau
Cinquième Salle PdA:
Prix régulier : 38$
Création du Théâtre Il va sans dire - Page Facebook de la pièce
Dates antérieures
29-30-31 mars 2012 - Théâtre Outremont - dans le cadre de la 7e édition de Semaine de la citoyenneté
Du 4 au 15 octobre 2011, 20h, sauf samedis 16h - Cinquième salle PdA
par Sara Fauteux
Tout ça m’assassine se décline en trois moments, trois courtes pièces interprétées par Sylvain Marcel, Julie Castonguay, Alexis Martin, Normand D’Amour et Mario Saint-Amand. Sur une scène installée comme un bar, quatre hommes et une femme un peu déchus, trompés dans leurs idéaux, nous confient une partie de leur histoire et, à travers leurs récits, tracent un peu celle du Québec. Ces cinq interprètes chevronnés livrent des performances savoureuses, simples et maitrisées, tout comme la mise en scène style cabaret de Dominic Champagne.
Les textes de Pierre Lefebvre, Dominic Champagne et Patrice Desbiens sont habiles, intelligents et souvent extrêmement drôles. Sylvain Marcel est drôle et touchant dans le rôle du poète déchu. Il est accompagné au micro par Julie Castonguay empruntant le rôle d’une femme confessant sa jeunesse et sa beauté envolée. Ils s’enfoncent tous deux dans un gouffre poétique avec la langue magnifique du poète ontarien francophone Patrice Desbiens.
Alexis Martin est hilarant dans son interprétation du texte de Pierre Lefebvre Confessions d’un cassé dans lequel un intellectuel de salon mesure l’inutilité de son travail et dénonce les obsessions de performance et de consommation de notre société capitaliste. Le comédien est tout à fait à son aise dans ce rôle et joue habilement de ce ton bien à lui, de cet humour savoureux et pince-sans-rire qu’on lui connait si bien.
Mario Saint-Amand et Normand D’Amour (dont le rôle était interprété par Antoine Bertrand à la création de la pièce en 2011) livrent un duo du genre clown blanc, clown noir, où deux hommes se rendent aux funérailles de René Lévesque. Chemin faisant, ils se souviennent de notre histoire nationale. Nous sommes « René » disent-ils en affirmant que devant leurs nombreux espoirs brisés, les Québécois se sont toujours relevés.
Sur le programme de Tout ça m’assassine, on peut lire « courtes pièces sur l’air du temps ». Pourtant, en écoutant les textes de ces auteurs, il apparait plutôt comme un spectacle de courtes pièces nostalgiques et passéistes. En effet, comment ne pas se questionner sur la pertinence d’une telle oeuvre? Nous sommes devant un passé qui ne veut pas mourir et un futur qui peine à naitre, disent les personnages de la pièce. Mais avec un tel spectacle, ne sont-ils pas en train de s’acharner à l’empêcher de mourir justement?
Pour une certaine génération, il semble que la force sociale, la beauté et l’espoir du Québec ne s’incarnent que dans le souvenir d’une époque révolue. Une époque dont il faut être fiers certes, dont il faut se souvenir, mais qui est bel et bien révolue. Tout ça m’assassine est un spectacle réussi, mais impertinent. Il y a quelque chose de profondément déprimant à écouter ces artistes talentueux s’acharner à faire revivre une poésie, un univers, un humour qui appartient au passé.
Une nouvelle poésie est née, une nouvelle fougue politique est installée, un nouvel espoir vibrant et combattif habite les Québécois. On en a eu la preuve au printemps dernier, mais aussi dans l’effervescence artistique et culturelle qui ne fait que grandir depuis des années et qui témoigne d’une société éveillée et
saine. Les Québécois sont effectivement « René » encore une fois et depuis un bon moment déjà.
par Cynthia Beauchemin (2011)
Le Théâtre Il va sans dire est une figure importante de l’univers théâtral québécois depuis plus de 25 ans. Ce lieu de création prolifique a donné naissance à des pièces marquantes telles que Cabaret Neiges Noires, Circus Minimus ou encore L’Odyssée d’après Homère.
Tout ça m’assassine est une création collective regroupant trois courtes pièces de Dominic Champagne, Pierre Lefebvre et Patrice Desbiens, mises en scène par Dominic Champagne. À la fois théâtre, poésie et musique, cette création parle de liberté, d’identité québécoise et d’angoisse face à l’avenir.
Avec Confessions d’un cassé (texte de Pierre Lefebvre), un intellectuel, interprété par Alexis Martin, se questionne sur l’inutilité de son travail. Son discours, empreint de cynisme, retrace les différents boulots à salaire minimum qu’il a occupés durant sa vie tout en écorchant au passage notre société axée sur la consommation et la performance.
La déroute (texte de Dominic Champagne) suit deux amis, Antoine Bertrand et Mario Saint-Amand, dans leur périple entre Montréal et Québec, en route (à pied!) pour les funérailles de René Lévesque. Cette longue marche se prête bien à l’évocation de l’histoire du Québec, histoire semée d’espoirs souvent déçus, mais toujours renouvelés.
À travers ces deux pièces, Sylvain Marcel et Julie Castonguay donnent vie à la poésie de Patrice Desbiens.
Avec sa mise en scène impeccable et des acteurs plus vrais que nature, Tout ça m’assassine est une pièce forte, qui réussit l’exploit de ne jamais être moralisatrice malgré un texte fortement engagé. Ponctué de moments cocasses, ce texte nous amène à réfléchir sur l’avenir du Québec, sur notre tendance à délaisser le bien de la collectivité au profit de notre individualisme. Malgré un portrait plutôt sombre de notre avenir, la pièce nous laisse tout de même une lueur d’espoir en nous rappelant qu’à travers notre histoire, nous avons toujours su nous relever et revenir plus fort après chaque coup dur.