2026 avant J.-C : le trône d’Argos, ville de la Grèce antique, est disputé entre deux frères jumeaux, Atrée et Thyeste. Après une guerre civile de cinq ans, Atrée accède au trône et obtient le pouvoir absolu. Pour se venger, Thyeste séduit la femme de son frère et vole le trésor national. Atrée répond à cette vengeance et, après avoir tué les enfants de Thyeste, les sert à manger à son frère. Ainsi commence la saga des Atrides caractérisée par un enchaînement de crimes barbares issus d’une soif de pouvoir et commis au nom de la Justice.
Une création du Théâtre Point d'Orgue
Fondé en janvier 2008 par quatre finissants de l'École supérieure de théâtre de l'UQAM, le TPO a pour mission d'encourager la relève artistique montréalaise qui s'investit dans le théâtre et de rendre celui-ci accessible au plus grand nombre.
Assistance à la mise en scène et régie Sonia Montagne
Adaptation Mathieu Leroux et Louis-Karl Tremblay
Décor Karine Galarneau
Lumières Nancy Bussières
Costumes Fannie Breton-Yockell et Marie-Philippe Comeau
Accessoires Geneviève Boivin
Musique Michel Smith
Environnement sonore Steve Lalonde
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 18 au 25 avril
Régulier : 39$
Carte premières : 19,50$
Une création du Théâtre Point d'Orgue
par Daphné Bathalon
Famille de sang
« Nous ne choisissons pas notre famille… Elle s’impose à nous pour le meilleur et pour le pire. »
Louis-Karl Tremblay
Librement adaptée des textes des grands auteurs tragiques Eschyle, Euripide, Sénèque et Sophocle, Les Atrides du Théâtre Point d’Orgue comptent trois bonnes heures et trente minutes. Mais il ne faut pas se laisser impressionner, car cette production vaut largement le détour.
À Argos, en Grèce, deux frères jumeaux, Atrée et Thyeste, se disputent le trône du roi. Leur haine est si forte qu’Atrée tue les enfants de son frère et les lui fait manger… Ainsi, la malédiction des dieux s’abat-elle sur la lignée d’Atrée, dont les descendants ne connaîtront pas la paix. Le père tuera sa fille, la femme tuera son époux, les enfants tueront leur mère, perpétuant le cycle sanglant des Atrides.
Le temps de quelques jours, l’église Saint-Jean-Baptiste, sur la rue Rachel, se transforme pour accueillir une impressionnante troupe de 26 comédiens et de sept musiciens, un projet ambitieux! D’église, elle devient temple, cité d’Argos, île battue par les flots, palais des Atrides ou flottille de guerre. Les six tableaux qui composent la pièce offrent à voir la rageuse agonie de cette famille tout en faisant découvrir la somptueuse architecture de l’église. Une sacrée ironie quand on pense que, pendant des siècles, l’Église condamnait tout théâtre profane. Et nous voilà, au début du 21e siècle, assis sur ces durs bancs de bois, à écouter le récit d’une lignée maudite par les dieux.
Dans l’ensemble, la distribution, bien qu’inégale, s’en sort bien. Maxime Paradis en Thyeste et Frédéric Blanchette en Agamemnon tirent néanmoins leur épingle du jeu en servant de grandes tirades. Le tourment moral du roi Agamemnon est particulièrement touchant : doit-il sacrifier sa fille pour permettre à l’armée grecque de voguer vers Troie? En seconde partie de spectacle, Émilie Cormier et Benoît Drouin-Germain incarnent avec candeur et violence les deux héritiers maudits des Atrides, Électre et Oreste.
La scénographie et l’éclairage servent également la production. Les lumières soulignent la beauté de certains éléments architecturaux tout en plongeant parfois le public dans le noir pour mieux mettre au jour la souffrance ou la folie des personnages. Imaginez les voiles blanches des navires de la flotte grecque en partance pour Troie, hissées en attente du vent favorable qui les emportera vers la guerre… Imaginez-vous assis dans le chœur d’une église complètement sombre, alors que du fond de la nef s’avancent trois silhouettes difformes, les terribles Érynies… De puissantes images appuyées par la trame sonore et les chants du chœur, qui résonnent parfaitement dans l’église. Toutefois, l’acoustique particulière complique la tâche aux comédiens. Certains projettent moins bien, d’autres sont largement enterrés par la trame sonore, nous faisant perdre quelques répliques.
Évitant habilement le piège de se servir de l’imposante et magnifique architecture de l’église comme d’une simple toile de fond, le metteur en scène Louis-Karl Tremblay tire pleinement parti des lieux. Il crée des espaces scéniques en déplaçant le public de manière à lui offrir différents points de vue de l’église, de la nef au transept en passant par le chœur et la chaire, devenue tour d’observation, et l’entrée de la sacristie, transformée en porche du palais d’Argos. Le rapport frontal du premier tableau, plus conventionnel, cède rapidement, tandis que les comédiens quittent la scène pour se déplacer entre les bancs, tout autour de nous. Pour l’avant-dernier tableau, le public s’installe carrément dans le chœur, devenant partie prenante de l’assemblée des citoyens d’Argos.
Ce n’est pas tous les jours qu’on a le plaisir de voir de grandes tragédies si bien servies par les lieux dans lesquels elles sont montées. Et l’église Saint-Jean-Baptiste se révèle le meilleur des écrins pour cette audacieuse et réjouissante proposition présentée jusqu’au 28 avril.