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Du 5 au 23 février 2013, 20h
Les Bas-Fonds
Texte basé sur Les Bas-fonds de Maxime Gorki et Donzoko de Kurosawa
Mise en scène par René Migliaccio
Avec Louise Boisvert (Louka), Pascale Brochu (Vassilissa), Catherine Brunet (Natacha), David Cloutier (Aliochka), Grégoire Cloutier (L'Acteur), Marc Deschênes (Medvedev), Émilie Fecteau (Anna), Bernard Fontbute (Satine), Jean-Charles Fonti (Pepel), Charles Mayer (Le Baron), Omar Alexis Ramos (Boubnov), Robert Reynaert (Kostylev), Stéphanie Ribeyreix (Nastia), Monia Routhier (Kvachnia), Jay Jay Simon (Kletch)

Les Bas-fonds est un portrait puissant et humaniste d'un groupe de gens misérables, ivrognes, prisonniers de leur passés et condamnés à des modes de vie impitoyables Leur désespoir et leur détermination à trouver une vie nouvelle où ils seraient enfin libres de leur vie sans lumière, réveille en nous les sentiments de compassion, et nous entraîne vers le bien et la justice sociale. Des personnages universels qui révèlent les failles de notre réalité sociale.

Enveloppé par le multimédia La mise en relief de la scène théâtrale par l’esthétique cinématographique du film expressionniste en noir et blanc. Le spectateur voit les personnages de la vraie vie, l'itinérance vécue à Montréal, ces portraits profonds de femmes et d'hommes qui regardent les actes de la scène comme le drame onirique de leur existence. Ces images projetées à même les murs du théâtre s’inscrivent dans la pierre et nous mettent dans un univers néo-réaliste, noir et blanc. La symbolique de l'espace social dépasse alors le cadre de la scène et nous fait vivre le drame comme le voyage mythique d'une société en quête de Justice et de Bien.

Stylisé par le Réalisme Expressionniste Le « Réalisme Expressionniste » s’appuie sur les techniques de l'action réaliste, mais saisit cette réalité et la pousse avec émotion et physicalité au-delà du naturalisme dans une forme expressionniste. Ce style original de jeu mis au point par le directeur artistique est l’expression d’une réalité non littérale rendue par l’émotion dans une recherche esthétique du geste, du masque, et du mouvement. Le masque devient alors un archétype, une manifestation symbolique de l’existence du personnage.


Conception éclairages par Stéphanie Johnson.
Montage sonore par Olivier Ginestet.
Montage vidéo par René Migliaccio

Une production Compagnie de la lettre 5


Ateliers Jean-Brillant
661 Rose de Lima
Billets en vente via La Vitrine - www.lavitrine.com / 514-285-4545
ou à la porte des Ateliers les soirs de représentation
 
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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon

Quel meilleur lieu de représentation aurait pu choisir la jeune compagnie de la Lettre 5 que ces Ateliers Jean-Brillant pour y offrir Les bas-fonds, sa nouvelle production? On dirait l’endroit spécialement conçu pour accueillir ce spectacle. Même si ce lieu non conventionnel est en passe de devenir une véritable salle de spectacle tant les productions s’y multiplient, il conserve un cachet particulier. Ce lieu vivant et plein d’histoires, bien plus qu’une simple toile de fond, est tout à fait ce qu’il fallait pour Les bas-fonds.

Écrite en 1902 par le Russe Maxime Gorki, la pièce n’en est pas moins d’une criante actualité. L’itinérance, à laquelle elle s’intéresse, n’a hélas rien de bien nouveau. Visible partout à Montréal comme dans de nombreuses villes du monde, l’itinérance est paradoxalement un sujet assez peu abordé au théâtre. La Lettre 5 s’y attaque de front avec sa nouvelle création, inspirée de la pièce de Gorki et du film Donzoko d’Akira Kurosawa. Les bas-fonds du titre sont ceux d’un groupe d’individus, bien différents les uns des autres, mais tous unis par une même misère. Voleurs, assassins, prostitués, miséreux, ils sont jugés par la société, cataloguée, relégués aux coins sombres. Les bas-fonds propose une véritable incursion dans leur quotidien désillusionné, et dresse le portrait de leurs peurs, de leurs rêves brisés comme de leurs rêves d’évasion.

Une troupe de quatorze comédiens se partage la scène et autant de personnages. Un choix clairement assumé par le metteur en scène René Migliaccio; un choix qui aurait pu être casse-gueule, mais se révèle plutôt payant. L’esprit de groupe fonctionne bien, et les échanges sont vifs et assez naturels (quoique certains comédiens lancent à l’occasion leurs répliques avec trop d’empressement). La Lettre 5, fidèle à sa recherche d’un réalisme expressionniste inspiré du théâtre allemand et japonais, nous donne d’emblée à voir le vrai visage de la misère : pas celle de comédiens aux visages blanchis par le maquillage, mais celle vécue par des hommes et des femmes qui ont connu la rue. En projection, avant et pendant toute la représentation, ils nous rendent regard pour regard, sans ciller. En tout début de spectacle, une femme nous raconte sa jeunesse et sa vie d’aujourd’hui. De quoi nous donner tout de suite le ton de la pièce : pas joyeux, mais avec une faible note d’espoir au bout. L’Itinéraire et la Rue des Femmes, deux organismes qui viennent entre autres en aide aux sans-abri, ont d’ailleurs contribué au projet.

Malgré l’heure cinquante que dure le spectacle, pas de temps morts. Les personnages se dévoilent peu à peu à nous. Ils sont tous prisonniers de leur propre misère, incapables de songer à un moyen de s’en sortir ou de passer de la pensée aux actes. La distribution est inégale, malheureusement, mais dans l’ensemble, chacun s’en sort assez bien.  Certains personnages se montrent plus consistants, tel celui de Pepel, voleur de père en fils, incarné par Jean-Charles Fonti, ou celui de Satine, un alcoolique désabusé, interprété avec une certaine fragilité par Bernard Fontbuté. Le personnage du Baron, le cynique de service, joué par Charles Mayer, pique également notre intérêt. Dommage que le trublion joué par David Cloutier n’apporte pas grand-chose à l’histoire, et que la gestuelle appuyée de Louise Boisvert en Louka détonne de l’ensemble. Sa Louka se glisse pourtant habilement dans la vie de tous les protagonistes, les relève, tentant de les amener à échapper à leur condition. Parce que tout ne finit pas toujours bien pour tout le monde, bien peu de personnages y parviendront.

La Lettre 5 réussit à boucler cette nouvelle production presque sans fausse note avec une adaptation pertinente et captivante qui nous permet d’apprécier le travail des comédiens et du metteur en scène sur les pulsions profondes des personnages des Bas-fonds, des émotions-souvenirs qui vont s’imprimer dans la mémoire du corps.

16-02-2013