Si Mel et Véro tiennent un salon de geishas, c’est parce que, de toute la GRC, elles sont les deux seules grosses. En effet, non seulement le criminel recherché est-il extrêmement violent, mais il est aussi obsédé sexuellement par les grosses femmes. Entre le service des clients réguliers et l’apprentissage de leurs chorégraphies, les deux agents doubles tentent de reconstituer l’histoire de ce tueur en série japonais, qui a assassiné une dizaine de geishas. Leurs gros corps engoncés dans des kimonos contrastent de manière criante avec les manipulations délicates que requièrent des activités telles que le service du thé et l’origami.
Amélie Prévost et Mélissa Dion Des Landes signent à quatre mains une comédie policière exubérante, qui sort des sentiers battus. Les auteures n’en sont plus pas à leurs premières armes, mais cette collaboration toute neuve donne un souffle nouveau à leurs plumes. Cette voix est porteuse d’un féminisme subtil, qui propose des personnages de femmes auxquelles un physique atypique sert davantage qu’il ne nuit..
Scénographie, costumes et accessoires Elen Ewing
Son et projections Hugues Clément
Éclairages
Michael Fortin
Chorégraphies Stéphanie Thellen
Combat Paul De Tourreil et Pascal Paré
Dessins et infographie Christian Séguin et Pascale McCoy
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 22 au 27 novembre
Régulier : 23$
Carte premières : 11,50$
Une création des Grosses Geishas
par Olivier Dumas
Dans une programmation théâtrale régulière, les compagnies privilégient généralement les contenus plus sérieux ou les démarches artistiques aux ambitions plus recherchées. Or, ces jours-ci, c’est une pièce sans prétention au titre accrocheur, Les Grosses Geishas, qui est présentée au Mainline. Attachante, la production se démarque principalement par son humour pétillant qui a le mérite de ne pas trop se prendre au sérieux.
Les deux comédiennes principales de la production, soit Mélissa Dion Des Landes et Amélie Prévost, ont bricolé à quatre mains une histoire volontairement peu vraisemblable, mais qui se révèle surtout être une farce truculente. L’intrigue plonge dans l’univers loufoque de deux policières de la GRC aux rondeurs assumées qui doivent se travestir en geishas pour mettre la main au collet d’un tueur en série obsédé par les femmes corpulentes. Comme le suspect fantasme également sur les séduisantes créatures d’inspiration japonaise, les deux protagonistes décident de tenter le tout pour le tout en ouvrant un salon de thé. Elles doivent également composer avec un contrôleur aux taquineries douteuses et un client obnubilé par les traditionnels chants et danses de cet art oriental qu’elles prétendent maîtriser à la perfection.
Devant ces Grosses Geishas, il demeure impossible de s’ennuyer une seule seconde. C’est une pétarade de péripéties souvent saugrenues et d’une succession de répliques parfois vaches, mais qui s’avèrent toujours adéquates par rapport propos. Par ailleurs, de nombreux effets cocasses viennent principalement de la dichotomie entre les personnalités plutôt rustres de ces deux héroïnes à la langue bien pendue (à qui le désormais matricule 728 aurait servi entre autres d’inspiration selon le programme) et le raffinement spécifique aux dames de compagnie qu’elles doivent incarner. Certains ricanements et gestes maladroits d’Amélie Prévost rappellent même la personnalité de Dominique Michel dans certains sketches de Moi et l’autre. Avec leurs kimonos aux couleurs voyantes et leurs visages recouverts d’un maquillage blanc, les deux fausses geishas provoquent plusieurs fous rires chez le public dans l’exécution maladroite lors de leurs rituels chorégraphiques. Nous baignons ainsi dans une atmosphère d’absurde total plus près du burlesque que de la comédie psychologique à la Molière.
Quant au déroulement de l’action, il demeure volontairement prévisible pour mieux se moquer des canevas et dénouements typiques à ce genre d’histoire cousu de fils blancs. Pendant l’heure et demie que dure la représentation, les deux comédiennes-auteures se payent la traite et s’en donnent à cœur joie dans l’exposition des clichés, des stéréotypes culturels assez près des idées véhiculées dans certains médias populistes du Québec. Et c’est probablement dans cette autodérision truculente et vivifiante des obsessions et fantasmes morbides que Les Grosses Geishas se démarquent des autres propositions scéniques du moment. À révéler les travers, angoisses et contradiction des personnages, la pièce a fait réagir vivement l’auditoire lors de la première médiatique.
Les interprètes déploient une énergie contagieuse. Mélissa Dion Des Landes et Amélie Prévost provoquent plusieurs étincelles entre elles et avec leurs trois partenaires de jeu tous convaincants, dont Gabriel Lessard qui se révèle allumé dans une prestation très athlétique.
Plus habitué aux univers sombres (Kick, Menteur), Michel-Maxime Legault signe une mise en scène ingénieuse et simple. Les images projetées sur le rideau apportent une dimension visuelle attrayante et amusante. Elles s’imprègnent des illustrations du genre des mangas et des dessins animés satiriques de la télévision (la série Batman des années 1960, par exemple). Les extraits sonores confèrent à l’ensemble une dimension d’étrangeté tout en accentuant une forme de distanciation par rapport au réalisme.
Bien sûr, on ne quitte pas les lieux en ayant vécu une expérience théâtrale mémorable. Mais le temps passe rapidement en l’agréable compagnie de ces Grosses Geishas à la parole acidulée et aux éclats de rire tonitruants.