Evelyne est diplômée d'une école de théâtre, Sophie‐Anne a un bac en communication. Elles sont engagées par un séduisant publicitaire pour faire un nouveau type de marketing qui s'insinue dans le quotidien et exige réalisme et naturel : elles jouent à être des amies à la table d'un café. Leur but : imposer une marque de produits de beauté. Partition de haute voltige pour deux actrices. À trop bien jouer, l'on peut se perdre soi‐même.
Avec sa compagnie, Théâtre Point d’Orgue, Louis Karl Tremblay a notamment mis en scène Les Troyennes au Bain Saint‐Michel et Yvonne, Princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz au Théâtre Prospero. En avril 2013, il proposera une version inédite des Atrides à l’Église Saint‐Jean‐Baptiste.
Conception Andréane Bernard
Tarif : 20$
régulier.
17$
étudiant/uda
Achat
des
billets
le
soir
même,
en
espèce
seulement
Une production Les actrices de l'invisible - Événement Facebook
par Véronique Voyer
Se laisser jouer pour mieux acheter (?)
Votre vie personnelle peut-elle permettre à une grande compagnie de faire du profit? Sans problème! Déguisée sous des airs d’amitié, la promotion d’un produit explore une nouvelle avenue : le marketing d’infiltration. Cette pièce de théâtre in situ pousse l’impro publicitaire jusqu’aux limites de la réalité.
Écouter ce qui se dit à la table d’à côté est une indiscrétion qui pourrait vous coûter cher. 32,95$ plus exactement, si vous vous laissez tenter. Le concept est simple : deux copines discutent de Judith, une amie commune, dans un café. Cette dernière n’est plus en couple parce que son chum préfère les hommes. Les détails s’accumulent pour plus de naturel, mais l’essentiel du message est toujours le même : il faut lui acheter un panier cadeau Vichy. Comme quoi, le support moral des amies après une rupture semble bien inutile comparé à cette offre incroyable qui se décline en multiple avantage pour l’épiderme.
Le patron des jeunes femmes (Simon Boudreault) débarque à l’improviste pour vérifier si le papotage est lucratif, si le ton est juste, ce qui laisse planer un climat de surveillance à la Big Brother. La rousse (Marie-Ève de Courcy), bachelière en communication, survoltée par le regard des hommes, n’est pas indifférente au charme de son supérieur. Lorsque ce flirt se transforme en compétition, la chicane en temps réel complique la complicité superficielle et l’autre amie (Véronique Gallant), comédienne de métier qui désire tant jouer, commence à en avoir assez des faux-semblants. Dans des apartés au micro, la belle blonde souligne le vide et le paradoxe de la chose d’un ton grave, dans des vêtements qui l’agressent, qui ne la reflètent pas du tout, mais qui, selon son propre aveu, lui font malgré tout plutôt bien. Les valeurs versus l’opportunité.
Dans une mise en scène de Louis-Karl Tremblay, le temps s’accélère entre deux cafés, sous des lumières stroboscopiques alors que les actrices demeurent immobiles. La première scène relève un pari audacieux : les actrices jouent faux et ne s’écoutent pas, ce qui pique le public qui n’a pas encore compris qu’il assiste à une conversation commanditée. Une fois que ce contrat est clair entre les interprètes et le public, la publicité grossièrement déguisée devient risible, voire hilarante. Le public apprécie alors le jeu des comédiennes : posé et juste de la part de Véronique Gallant et d'un timing comique parfait, aux expressions amplifiées, mais jamais loin d'une certaine réalité, chez Marie-Ève Courcy.
On savoure la répétition de cette mise en situation ponctuée des cris d’exclamation plus ou moins juste des actrices qui nous font le plaisir de mal jouer. Le hic, c’est qu’on reconnait tous un(e) ami(e) dans celle qui louange un produit ; vous savez, cette personne qui a les yeux brillants lorsque sa carte de crédit chauffe?
Détour par les toilettes à la sortie, une affiche Vichy pique ma curiosité. Et si cette pièce qui tourne en dérision la publicité cachée était en fait mise en scène pour vendre un produit? Mystère. Reste que c’est la première fois que cette pièce est montée au Québec et ce ne sera pas la dernière. Le mot de la fin au sociologue Jean Baudrillard qui semble avoir inspiré le contenu de cette pièce : « Le bonheur, inscrit en lettres de feu derrière la moindre publicité pour les Canaries ou les sels de bain, c’est la référence absolue de la société de consommation : c’est proprement l’équivalent du salut. »