Pendant la fin de semaine de la fête des Mères, en route vers Toronto pour aller récupérer la mythique courtepointe de leur mère décédée depuis peu, Nathalie et Anne Sophie se retrouvent coincées dans un motel de Laurier-Station en raison d'une improbable tempête de neige. Tout sépare ces deux sœurs qui ont perdu contact depuis longtemps. Dans ce petit motel, tenu par l'exubérante Carolanne et sa fille Cassidy, elles vont se dévoiler, se confronter, douter de tout, pleurer, rire, rager. À travers de surprenantes rencontres et de truculents souvenirs, les rivalités fraternelles et les fêlures de l'enfance refont surface. L'auteure, qui nous a déjà donné La robe de Gulnara, aborde les rapports familiaux avec délicatesse et humour, tout en soulevant les fragilités et les blessures qui construisent l'identité de chacun.
Section vidéo
une vidéo disponible
Équipe de création : Andrée Bilodeau, France Deslauriers, Vano Hotton, Patrick Ouellet et Jennifer Tremblay
Suivi d'une rencontre avec les artisans de la production.
Une production signée la Compagnie dramatique du Québec
Dates antérieures (entre autres)
Du 1er au 26 novembre 2011 - Périscope (Québec)
par Magali Paquin
En chemin vers Toronto pour récupérer la courtepointe de leur défunte mère, Nathalie (Sophie Dion) et Anne-Sophie (Véronique Côté) frappent une tempête de neige printanière et s’arrêtent dans un motel miteux de Laurier-Station. Dans leur chambre d’un soir s’entrechoqueront les tribulations d’une vie. Les leurs, mais aussi celles d’autrui : de Martin (Nicolas Létourneau), le conjoint de Nathalie, pris dans les affres de la reproduction masculine, ainsi que de Carolanne (Joëlle Bond) et de sa fille Cassidy (Krystel Descary), les tenancières de l’établissement.
La banalité du titre « Laurier - Station » ne doit pas masquer la charge de son sous-titre : « 1000 répliques pour dire je t’aime ». Le texte de la dramaturge Isabelle Hubert, l’un de ses plus aboutis, navigue adroitement entre le drame et l’humour, entre la colère et l’amour, désamorçant toute forme de lourdeur sans pour autant miner l’intensité des situations déployées. Dans les interstices du récit principal, se glissent de savoureuses répliques, ici sur la vie de famille, là sur les relations humaines. On ne peut que se sentir impliqué dans les drames pourtant étrangers qui se jouent devant soi. Les tempéraments des personnages et leurs difficultés s’ancrent dans une certaine universalité malgré leur singularité : si on ne s’y imagine pas soi-même, ce sont d’autres que l’on y voit.
Tous les acteurs rendent justice au texte, à commencer par Sophie Dion, totalement habitée par la fougue et la fragilité de son personnage, Nathalie. Celui-ci est d’ailleurs au cœur de la trame du récit, comme le confirment les apartés narratifs lancés çà et là, assurés par Véronique Côté. Celle-ci doit relever le défi de composer avec la dualité de son rôle, soit d’être tour à tour narratrice et partie prenante de l’action. Ces parenthèses ont un effet ambigu : elles précisent le personnage de Nathalie et révèlent des détails du passé familial, tout en marquant une rupture de l’action. Du coup, une couche supplémentaire s’ajoute à tous ces drames humains superposés. Car cette pièce en est une de juxtaposition, ou plutôt de conjonction entre de multiples vécus individuels. Là où deux sœurs remuent leur passé, un conjoint rencontre ses propres difficultés, une mère se bute aux siennes, une jeune fille souffre. Les relations humaines y sont un inextricable enchevêtrement d’influences et de dépendances réciproques ; elles se construisent en se répondant constamment. Tous les pronoms, du JE au NOUS en passant par le TU et le IL, n’y sont non pas des entités autonomes, mais des construits relationnels en mouvement perpétuel. La mise en scène de Jean-Sébastien Ouellette s’inscrit dans cette même perspective : alors que se superposent les drames, se superposent aussi les lieux. En une seule pièce tiennent plusieurs décors, principalement la chambre de motel et celle des parents des deux sœurs. Des projections de tapisseries fleuries sur les cloisons précisent visuellement le lieu de l’action, mais cette précaution n’aurait probablement pas été nécessaire pour en saisir l’intention. On sent définitivement la présence malgré la distance, la complicité affective en dépit de l’absence physique.
Du texte à la mise en scène, « Laurier - Station » présente une superbe cohérence qui en fait une pièce complète et achevée. Lorsqu’on considère le principe de confluence comme étant sa trame de fond, on se prend à regretter que l’action ne se déroule pas à Vallée-Jonction…