Ambrosio est un saint homme aux yeux de la foule pieuse. Mais parmi les roses se cache un serpent; la visite d’un obscur novice confronte le moine à ses propres démons. Les voiles tombent et révèlent la vérité; le couvent des Capucins est hanté de liaisons épistolaires, de meurtres, de magie noire et de corruption.
Fable gothique par excellence, Le Moine témoigne de l’incapacité de l’homme à reconnaître ses failles. Subversif, le roman sème la controverse dès sa parution en 1796, mais gagne l’estime des surréalistes et d’Antonin Artaud qui en fait une traduction personnelle en 1931.
À la recherche d’effets visuels puissants, le metteur en scène Louis-‐Philippe Labrèche se munit de différents médiums artistiques tels la danse, le théâtre d’ombre et les projections afin de raconter cette histoire peuplée de fantômes et de démons. Le spectacle rassemble sept interprètes de la relève théâtrale professionnelle qui s’approprient ce roman phare de la littérature mondiale.
Fondé à Montréal en 2010, le Théâtre de l’Entonnoir a comme leitmotiv la (re)découverte de paroles oubliées, méconnues ou même inexistantes. Après Grand-‐Guignol et Grand-‐Guignol II, la compagnie dépoussière un autre pan du répertoire mondial.
Chorégraphie: Julie Valois
Musique: Guillaume Couture
Scénographie et costumes:
Véronique Poirier
Décor et éclairages : Michel Forget
Coadaptation et dramaturgie:
Guillaume Thériault
Assistance à la mise en scène:
Mélanie Chouinard
Tarif régulier : 23$ tout inclus / tarif réduit : 17$ tout inclus
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 9 au 17 mai
Régulier : 23$
Carte premières : 11,50$
Production Le moine et ses disciples s.e.n.c. présentée par le Théâtre de l'Entonnoir
par Daphné Bathalon
La production du Théâtre de l’Entonnoir a le mérite de faire connaître Le moine, le texte le plus célèbre de l’un des initiateurs du roman gothique, Matthew Gregory Lewis.
Le moine se nomme Ambrosio, mais partout à Madrid, on le connaît sous le nom du Saint, tant ses sermons ensorcellent les nobles et la populace venus l’entendre. Mais ce moine cache en son sein de noirs desseins, excités par une figure démoniaque qui se joue des désirs de l’homme d’Église. Tiraillé entre ses pulsions sexuelles et sa foi religieuse, le moine sombre, semant la désolation autour de lui.
Pour adapter le long et très dense récit de Lewis, la compagnie s’est penchée sur l’œuvre en l’étudiant à travers la loupe de deux autres créateurs : Antonin Artaud, qui souhaitait même faire un film de ce texte, et Carmelo Bene, un artiste italien qui en a fait une adaptation romanesque dans les années 1960. La production de l’Entonnoir mise quant à elle sur la mixité des langages scéniques, comme la danse, les projections et le théâtre d’ombres. Les quelques scènes de danse de la production s’intègrent d’ailleurs parfaitement à l’ensemble. Ainsi, la scène d’ouverture où les corps des danseurs et comédiens sont jetés dans l’existence promettait beaucoup pour la suite, mais la proposition multiple de l’Entonnoir reste plutôt sage pendant l’heure restante pour ne se réveiller qu’à la scène finale entre le moine et sa proie, un tableau au souffle fort.
La compagnie a joué gros en choisissant le Bain Saint-Michel comme lieu de représentation. Cet espace non conventionnel se prête pourtant très bien à la représentation scénique pourvu qu’on sache bien l’occuper. Cette production y réussit-elle? Plus ou moins. La mise en scène de Louis-Philippe Labrèche n’exploite que partiellement ce riche espace. Mises à part quelques scènes se déroulant au fond de la salle ou du bassin (transformé en caveau) et quelques jeux d’éclairage, la majeure partie de l’action est confinée au centre du bassin, aux pieds des spectateurs. Il aurait été intéressant d’occuper pleinement l’espace en utilisant les bords de bassin comme décor pour certaines scènes au monastère ou en ville. La forme du bassin en elle-même fait directement écho au quadrilatère d’un cloître, encadré de colonnades. Une occasion manquée de jouer sur différents tableaux. La production se restreint plutôt au bassin et multiplie les entrées et sorties des comédiens, contraints à monter et à descendre plusieurs fois des escaliers escarpés (et qui craquent bruyamment). C’est bien dommage; le choix a-t-il été dicté par des limitations techniques?
La distribution, composée de jeunes comédiens, s’en tire de son côté relativement bien. L’écho inhérent au lieu nuit parfois à la compréhension du texte, surtout lorsque la musique se fait plus présente, mais tous les comédiens parviennent à bien projeter leurs voix, ce qui n’est pas à négliger dans un tel lieu. En démone rousse, Isabelle Montpetit tire son épingle du jeu, offrant une incarnation toute charnelle bien assumée. Quant à Jérémie Earp-Lavergne, s’il porte la seconde moitié de la pièce sur ses épaules, son moine torturé manque singulièrement de tonus en première partie. Dès lors que la tourmente s’empare de l’esprit du moine, son interprétation devient néanmoins plus inspirée et convaincante.
Il est peu commun de voir monter à Montréal des spectacles adaptés de textes gothiques, et à ce titre, Le moine proposé par le Théâtre de l’Entonnoir demeure un exercice théâtral intéressant malgré ses faiblesses.