Douze monologues, douze portraits de femmes musulmanes, tantôt drôles, tantôt poétiques, tantôt poignants…et toujours émouvants. À travers l’intimité de ces femmes, un regard inédit, sans voyeurisme ni tabou.
Le plaisir, la jouissance, le mythe de la virginité, la tradition, les préceptes du Coran, la maternité, l’homosexualité, la circoncision, l’excision, le mariage forcé ou arrangé, le viol…autant de sujets traités avec délicatesse pour ouvrir un dialogue fructueux entre les cultures. Pour décrire leurs vies, l’auteur Adelheid Roosen a interviewé 74 femmes musulmanes de la première et de la deuxième génération, issues de l’immigration marocaine, algérienne, turque, égyptienne, somalienne, iranienne, irakienne de 17 à 85 ans.
Par la meilleure connaissance de l’autre tel qu’il est et non tel qu’il est fantasmé, la pièce Les Monologues voilés donne une représentation juste et nuancée des femmes musulmanes, de leur histoire, de leurs désirs, de leurs droits, de leurs luttes pour l’égalité et contre les discriminations, à la fois au sein de leur propre famille culturelle et vis-à-vis du regard occidental.
En sensibilisant avec humour à la vie des femmes musulmanes via des parcours multiculturels, Les Monologues voilés participent au dialogue indispensable pour créer de la découverte et du lien avec un parti pris intergénérationnel rare. La mise en valeur de ces trajectoires lutte contre les préjugés en dévoilant des musulmanes à visage humain.
Les Monologues voilés, un spectacle vivant accompagné de chant et de musique porté par quatre comédiennes livrant des portraits à la fois tendres et poignants de femmes musulmanes.
par Pascale St-Onge
Lever le voile
Si Les monologues du vagin ont fait l'histoire théâtrale, Les monologues voilés l'ont certainement remuée à nouveau. Librement inspiré et adapté de la pièce d'Eve Ensler, Adelheid Roosen ajoute à ce projet sa touche personnelle : il s'agit ici de douze portraits de femmes musulmanes face à leur sexualité et autres sujets intimes. Les voix des 74 femmes interviewées pour le projet prennent corps grâce à quatre comédiennes, elles-mêmes sans voile sur scène, devant nous.
La pièce a fait éclat un peu partout dans le monde depuis 2003, et ce, avec raison. Les textes, traitant de réalités qu'on préfère parfois taire, sont touchants et crus et renferment des révoltes tranquilles jusqu'ici rarement proclamées avec, paradoxalement, sensualité et festivité. Sans censure, les préjugés et clichés prennent une nouvelle forme, le point de vue diffère et un lien se crée avec cette communauté dont on sait trop peu.
Ces femmes nous laissent entrer chez elles, dans leur salon. Un air de fête remplit la scène, pendant que Hassiba Halabi, l'une des comédiennes, qui est également musicienne, joue et chante avec les autres qui dansent ensemble. Elles laissent faire ce regard de l'Autre sur elles, elles se dévoilent et nous prouvent que la Femme existe bel et bien sous ce voile, sous cette religion. Cette femme qu'Eve Ensler nous a présentée en 1996, elle est la même au sein de cette communauté. La Femme est telle qu'elle est, peu importe la culture ou la religion. Elle peut être épanouie, a des désirs et des petites (ou grandes) misères comme toutes les femmes du monde. Au fond, il suffisait de prendre le temps de les regarder vivre, de les écouter pour l'apprendre. Voilà ce que nous révèle Adelheid Roosen avec ce spectacle.
C'est un public déjà conquis d'avance qui prenait place lors de la première, à la Cinquième salle de la Place des Arts. Il est vrai que les comédiennes sont douées, que leurs histoires nous traversent et certaines nous habiteront plus particulièrement après le spectacle, notamment celle sur l'homosexualité d'une d'entre elles. Pourtant, le spectacle n'est pas sans défaut. Au-delà de certaines longueurs dans le texte, évoquons simplement que la mise en scène, pour laisser toute la place à ces témoignages, est sans surprise. Un moment ou deux nous réjouissent, tel ce grand voile blanc en début de spectacle, mais plus le spectacle avance, plus ils se font rares. Au final, tous les autres éléments du spectacle sont négligés afin de mettre de l'avant l'élément gagnant de la production : elles. Un choix tout à fait respectable.
Les monologues voilés tente de réconcilier ces femmes, cette culture entière avec la nôtre. On lève le voile sur leur vie et en cela, ce spectacle aux allures de théâtre documentaire, ce résultat d'une enquête vaste, est nécessaire. On comprend pourquoi le spectacle fait le tour du monde, mais on lui souhaite également un second souffle afin d'être revisité scéniquement puisque la voix, elle, a tant à dire.