Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
13-14 février 2013, 20h, 15-16 février 2013, 20h et 23h supplémentaire 8-9 mars 2013
Orange mécaniqueOrange mécanique
Texte de Anthony Burgess
Adaptation française de Nicolas Laugero Lasserre et Alexandre Berdat
Livret et adaptation québécoise Alexandre Goyette
Mise en scène Véronique Marcotte
Avec Maxime Le Flaguais, Sylvain Marcel, Roger La Rue, Félix-Antoine Tremblay, Marianne Thomas, Geneviève Langlois, Danny Gilmore

Adaptée au cinéma par Stanley Kubrick en 1971, Orange Mécanique présente l’histoire d’Alex et sa bande de « drougs » qui passent leurs nuits à terroriser les habitants de leur ville jusqu'à ce qu’Alex se fasse trahir par ses copains. Emprisonné pendant 14 ans, des psychanalystes l'emploient comme cobaye dans de nouvelles techniques expérimentales destinées à freiner la criminalité. Alex ne se doute pas de ce qui l’attend et les conséquences que ces nouvelles techniques vont entrainer… Orange Mécanique a été jouée au théâtre à plusieurs reprises dans les grandes villes de : Londres, Chicago, New York, Paris et Los Angeles.


Section vidéo
une vidéo disponible


Direction artistique Denis Bouchard
Costumes Michel Robidas
Scénographie Nicolas Ricard
Musique Danny Lutz

Tarifs (frais de services en sus)
Catégorie 1 : 58,50$
Catégorie 2 : 48,50$
Catégorie 3 : 42,50$
Catégorie 4 : 38,50$

À l'Impérial de Québec les 20 et 21 février 2013, 20h, 22 et 23 février 2013, 20h et 23h
Au Théâtre du Casino du Lac-Leamy le 12 et 13 avril 2013, 20h (1-877-977-7970)

Une production Tandem.mu - www.orangemecanique.ca - page Facebook


Théâtre Olympia
1004 St-Catherine Est
Billetterie : (514) 845-3524
 
______________________________________
 Critique
Critique

par Ariane Cloutier


Crédit photo : Pierre Bourgault

La première de la version québécoise d’Orange mécanique présentée à l’Olympia ce mois-ci (puis en tournée au Québec) fut très attendue : tapis rouge, gotha du milieu des télécommunications et file d’attente de deux coins de rue sur la rue Ste-Catherine. 

Qu'est-ce qui définit nos attentes par rapport à ce spectacle? De prime abord, une méga campagne de promotion par Tandem et la présomption qu’une brochette d’artistes aussi talentueux et reconnus devrait normalement mener à une recette réussie. De plus, ajoutons le fait que l’imaginaire collectif est toujours empreint de l’immense succès du film de Kubrick de 1971, sans oublier le rayonnement du livre ultérieur, qui jouissait déjà d’une certaine notoriété dans les années 60. L’adaptation théâtrale, écrite en 1986 par l’auteur du livre original Anthony Burgess, devrait elle aussi offrir une certaine garantie de qualité. On mentionne aussi une forte affluence du public pour la version de la pièce présentée par le Cirque d’hiver Bouclione à Paris en 2006.

Or, la mouture québécoise ne lève pas. Elle nous donne l’impression de manquer de propos, de sensibilité et de « senti ». Comme si chacune de ses scènes était une succession d’images fortes avec très peu de corrélation entrent elles.

La première partie, constituée de l’épopée ultra violente d’Alex (Maxime Le Flaguais) et sa bande de droogs, devrait nous plonger dans leur univers d’adolescents sans limites. Mais, quelque chose cloche et nous empêche de nous rapprocher de ce personnage à la fois hideux et fascinant. Peut-être est-ce dû au fait que la narration est effectuée par un personnage extérieur qui crée une certaine distanciation, contrairement au livre et au film, dans lesquels la narration est effectuée par le fougueux rebelle lui-même. Par contre, Maxime Le Flaguais nous livre un Alex très juste et ses acolytes, Danny Gilmore et Félix-Antoine Tremblay, le soutiennent parfaitement.

La deuxième partie présente l’emprisonnement d’Alex dans un centre de détention, sa « rédemption », auprès d’un aumônier de service, et sa « guérison », grâce à l’efficacité du traitement Ludovico (une espèce de thérapie cinématographique). Cette partie, dans laquelle ont peut admirer les performances soutenues de Geneviève Langlois et Sylvain Marcel dans les rôles respectifs de la ministre de l’Intérieur et du Dr Brodsky, propose déjà un peu plus de mordant. C’est alors que l’on met en évidence les réflexions sur le conditionnement social d’un individu face aux notions du bien et du mal. Ces thèses behavioristes sont au cœur du roman, telles qu’exposées par les paroles de l’aumônier : « Quand un homme cesse de choisir, il cesse d'être un homme ».

Si le jeu est à la hauteur, par rapport au langage, quelque chose semble s’être perdu dans la traduction. Le processus est complexe : il s’agit quand même de l’adaptation québécoise d’une traduction française d’une pièce anglaise adaptée d’un livre dont le langage principal est inspiré d’un jargon anglo-russe. Il semble en effet nécessaire que plusieurs niveaux de langage soient utilisés pour départager les personnages. De plus, il semble utile qu’Alex s’exprime de façon plus poétique et articulée que ses droogs. Pourtant, le résultat final nous donne une impression de manque de continuité dans le style.

Pour ce qui est de la scénographie et de la mise en scène, il est impossible de ne pas se référer au film. Certains éléments du film de Kubrick tissent un sentiment contradictoire et grandiloquent envers les actes répressibles du jeune voyou : que ce soit par une esthétique magnifiquement soignée, une chorégraphie parfaite des mouvements des personnages, faisait ressembler les scènes de viols à des ballets ou des peintures érotiques, le tout enrobé de musique classique à la fois voluptueuse et violente. Kubrick a d’ailleurs été sévèrement réprimandé à l’époque, car une vague de crime a suivi la sortie du film en Angleterre, le forçant même à retirer le film des cinémas, pourtant couronné de succès au box-office.

On retrouve une très pâle copie de cette impression à travers le contenu de la pièce. Les combats semblent peu crédibles et on se rend compte que ce qui semblait ultra violent à l’écran à l’époque de Kubrick devrait être à présent amplifié pour avoir le même impact sur les spectateurs. Nos yeux sont à présent habitués à un tel bain de sang chaque fois que sort un nouveau film de Tarantino et des images pornographiques beaucoup plus crues que celles évoquées par la projection de Ludovico sont à la portée de clic sur Internet. Donc, la pièce ne peut rendre le sentiment d'agression qu'ont pu éprouver les spectateurs de l'époque devant le film.

La scénographie et les costumes présentent tout de même quelques belles trouvailles, mais peut-être aurait-il fallu complètement copier ou oublier l'esthétique du film de Kubrick plutôt que de s'en éloigner timidement. Le traitement du son, un peu effacé, devrait aussi être ramené en premier plan, afin de rendre à la musique l’importance primordiale et l’effet d’envoûtement qu’elle possède dans l’histoire originale.

Peut-être est-ce trop ambitieux de reprendre un chef d’œuvre si l’on n’ose pas s’en distancier suffisamment pour le dépasser. Ce que la production semble tenter de faire par cette performance, c’est de l’éloigner de tout propos subversif, afin de connaître le succès, mais non le scandale qui pourtant l’a accompagné à l’origine.

17-02-2013