Privé(e)(s) vient de la volonté de poser un regard sur la fiction et la réalité à travers la thématique des relations amoureuses. En expérimentation depuis presque un an, l'équipe du projet Privé(e)(s) propose un regard voyeur et exhibitionniste sur l'acteur et sa vie privée. Jusqu'où la représentation théâtrale s'arrête? Jusqu'où la fiction et la réalité entre en relation lors de la représentation théâtrale? Jusqu'où la notion du personnage peut-elle être évacuée afin de laisser toute la place à l'acteur et à son identité?
À travers différents tableaux, Privé(e)(s) tente de dresser un portrait différent de cette génération de trentenaires posant une réflexion critique et personnelle sur la base de leurs propres relations amoureuses.
Privé(e)s, c'est la mise en spectacle de beaucoup de questions sur le couple, le cul, l'adultère et la rupture à travers le prisme de quatre individus et leur parcours personnels. Beaucoup de voyeurisme, beaucoup d'exhibitionnisme. Des demi-vérités, des demi-confessions et pas beaucoup de tout-nu pour la quantité de cul évoqué. Tout un questionnement. Une réflexion sincère sur la pertinence du vrai au théâtre.
Productions GPI est un regroupement créé dans le but de rallier différents domaines de recherches dans un même tout afin de proposer un regard critique et réfléchi. En jumelant l'expertise de ses membres, des chercheurs et des artistes invités, Productions GPI se muni d'un regard axé sur les arts de la scène, la sociologie, la psychologie et la sexologie tout en demeurant ouvert aux autres domaines de connaissances sociales.
par Ariane Cloutier
Les productions JPI nous livrent, avec Privé(e)(s), un spectacle atypique faisant reculer les limites de la fiction et de l’intime. Pendant plusieurs mois, metteur en scène et comédiens se sont réunis lors de séances bien arrosées pour créer le matériel du spectacle, inspiré des confidences et des réflexions orientées. Selon le metteur en scène Germain Pitre, environ les trois quarts de la pièce seraient tirés de faits vécus. Il en résulte un témoignage vivant et très réaliste d’une génération dans la vingtaine/trentaine, qui se déploie comme une série de sketchs sur la thématique du couple.
Les personnages évoluent dans un décor minimal, simplement constitué de quelques éléments de couleur blanche : un lit, une table et une lampe qui nous situent dans la zone personnelle qu’est la chambre à coucher. À l’opposé, quatre chaises définissent une zone « hors jeu ». C’est l’endroit où s’assoient les comédiens pour échanger entre eux et se poser des questions indiscrètes (semblables aux questions qu'on lance lorsque l’on devient intime avec quelqu’un), qui influenceront le sketch à venir. Par exemple : « Quelle est la pire date? » S’en suivent des anecdotes et des réponses jouées par les acteurs, où s’entremêlent leur vie privée (mais pas tant que ça!) et la mise en scène de Germain Pitre. On traite de séduction, de vie de couple, de naissance et de mort de l’amour, d’honnêteté, d’amitié homme-femme, de maternité, de problèmes érectiles… mais surtout, de sexe et de sensualité.
Dès les premiers moments, l’intensité dramatique d’un couple qui s’engueule à tue-tête nous plonge directement dans la vie intime des protagonistes. De plus, nous sommes littéralement dans le bain avec eux, confiné au fond du bain Saint-Michel. Bien en vue tout en haut du bain, la console technique est opérée par Germain Pitre, qui nous entraîne à travers un parcours sonore émotif très subjectif. L’éclairage brut, principalement diffusé par de simples lampes de construction, rehausse le sentiment de voyeurisme, car le public est presque constamment éclairé. Plus tard, alors que le ton de la pièce se transforme en confidence et en réflexions, nous nous sentons davantage en visite dans le jardin secret des acteurs. Par moment, le public est directement interpellé par un comédien, et ce, dans un langage familier. Cette relation privilégiée crée parfois des malaises, des rapprochements, des rires, des approbations complices de la part des spectateurs et un trouble sentiment d’authenticité.
Une interprétation inspirée de l’improvisation nous est livrée sur scène. Rencontré après le spectacle, le metteur en scène nous confie qu’il a donné un point de départ et de fin à ses scènes, mais que les acteurs réinventent souvent les répliques à l’intérieur de ces bornes. Le jeu des comédiens est ainsi plutôt inégal : on remarque parfois la différence entre les moments spontanés et les moments joués. Par ailleurs, des passages très comiques et une belle franchise rallient rapidement le public aux comédiens.
Il s’agit du tout premier spectacle pour la compagnie JPI, issue d’un groupe d’étudiants de l’UQAM en art dramatique, dont une des missions est d’inciter la collaboration de divers professionnels au monde théâtral. Dans ce cas-ci, un psychologue a suivi l’équipe lors du parcours de création. L’approche du metteur en scène pour cette œuvre est fort originale et les comédiens se livrent généreusement à son expérience. Germain Pitre est actuellement étudiant à la maîtrise en art dramatique, son sujet de mémoire portant justement sur l’état de vulnérabilité de l’acteur en représentation. Souhaitons qu'il ait du temps à consacrer à d'autres conceptions théâtrales tout aussi intéressantes dans un avenir rapproché.