La femme de théâtre radicale Pol Pelletier déclare «Je suis une révolution!» La célèbre féministe, écrivaine, pédagogue et néo-clown occupera une église catholique désacralisée à Montréal pendant un mois. Du 14 novembre au 10 décembre 2012, dans l’église Sainte-Brigide-de-Kildare, immense et vide, Pol Pelletier présentera des spectacles et des événements étonnants, matins et soirs, sans subventions et de manière complètement indépendante.
LA ROBE BLANCHE
Une création de Pol Pelletier, néo-clown.
La toute dernière oeuvre de Pol Pelletier, La Robe blanche, est portée par une petite fille de trois ans qui révèle un des fondements cachés de l’identité québécoise. De la domination de l’Église catholique d’autrefois à notre église moderne, celle du divertissement et de la consommation… Un électro choc théâtral !
Écrite, mise en scène et interprétée par Pol Pelletier, avec collaboration à la mise en scène de Jette Bastian et la musique de Jean-Jacques Lemêtre.
Du 21 au 24 novembre 2012, 20h - 28$
Attention le 22 novembre 2012, spectacle à 21h30
- en partenariat avec l’événement Fin Novembre de l’ATSA -
LES PRÉSENCES DE DÉCEMBRE
Une série de spectacles et d’événements autour de nos grandes disparues. Pedneault, Bersianik et Polytechnique Elles ont toutes donné leur vie…
Les 1er, 2, 3, 5 et 6 décembre 2012, 20h
Hélène et Louky - montage dramaturgique
Avec son effronterie et son humour, la journaliste et écrivaine Hélène Pedneault nous provoquait sans cesse. De son côté, l’écrivaine Louky Bersianik a eu le courage et l’envergure de féminiser la langue française.
Elles nous ont quittées le 1er et le 3 décembre. À travers leurs écrits, deux piliers du mouvement des femmes renaissent.
Sur scène : Pol Pelletier néo-clown, Catherine Dajczman et d’autres présences visibles et invisibles...
1er et 3 décembre 2012, 20h - 22$
Le féminin et la révolution, entretien passionné
Qu’est-ce qu’une révolution ? Le Québec est-il dans un processus révolutionnaire ? Quel rôle la mise à mort des femmes joue-t-elle dans une révolution? Pol Pelletier s’entretient avec le penseur le plus original du Québec, Jean-Jacques Dubois.
2 décembre 2012, 20h : 22$
Prélude au 6 décembre*
La vie, si fragile. En un instant, elle disparaît. Qu’est-ce qui reste ?
Pol Pelletier révèle ses théories sur la Présence et fait apparaître l’invisible.
*Pour les personnes qui n’ont jamais suivi d’atelier avec Pol Pelletier: cette soirée est nécessaire pour comprendre le spectacle du 6 décembre.
5 décembre 2012, 20h : 22$
14 Femmes rapatriées*
Ce soir, nous verrons se matérialiser la psyché collective.
Le 6 décembre. Une tragédie qui massacre à la fois 14 femmes (étudiantes et employée de l’université) et le mouvement des femmes au Québec. Ce qui entraîne ensuite un mouvement de mort dans toute la société.
Tous les 6 décembre, le traumatisme est réactivé.
En réponse au massacre, Pol Pelletier veut transformer cet anniversaire de mort en journée de renaissance et de CRÉATION. La CRÉATION la plus puissante et la plus sauvage, fondée sur le risque absolu.
Sans texte, avec la participation du public, Pol Pelletier mettra à l’épreuve ses théories et ses méthodes de travail, en dirigeant 14 femmes dans un exercice si beau qu’il en est terrifiant.
Comme des chamanes, il faut devenir maître des esprits.
Frissons garantis!
6 décembre 2012, 20h : 28$ et 38$ pour les soirées jumelées du 5 et 6 décembre.
*Pour celles et ceux et qui ont assisté au spectacle du 5 décembre ou qui ont suivi un atelier d’initiation à la présence avec Pol Pelletier.
Offre spéciale avant le 14 novembre 60$ pour La Robe blanche + 2 autres événements au choix (À l‘exception du spectacle 14 Femmes rapatriées) Prix étudiant : billets duo – 40$ (2 places pour le même spectacle aux choix)
LES ENTRAÎNEMENTS DE L’ÉCOLE SAUVAGE
Programme intensif de transformation pendant 21 jours consécutifs. Tous les matins du 16 novembre au 6 décembre, de 7h15 à 8h30
Libérez-vous ! Nous portons tous des poids trop lourds !
Voici une très puissante méthode de nettoyage pour le corps et la psyché.
La méditation dynamique, inventée par un célèbre maître de l’Inde, vous est offerte dans une église catholique désacralisée. Pour une expérience de liberté incomparable.
Celles et ceux qui n'ont jamais fait d'atelier avec Pol Pelletier ou qui ne connaissent pas la méditation dynamique doivent ABSOLUMENT se présenter le 16 à 7h15 pour recevoir un cours d'initiation. Ce sera le seul cours offert.
18$ à la carte. Forfait pour les 21 jours: 200$
par Olivier Dumas
Hélène et Louky
À la suite de sa fabuleusement percutante et essentielle Robe blanche, Pol Pelletier a concocté des événements thématiques autour du féminisme dans le cadre de l’événement Je suis une révolution. Avant sa démolition, l’Église Sainte-Brigide aura vécu des soirées traitant du féminin et de la révolution avec le penseur Jean-Jacques Dubois, sans oublier une commémoration de l’assassinat de 14 femmes à Polytechnique. J’ai eu la chance d’assister à la deuxième représentation du vibrant hommage rendu par la femme de théâtre néo-clown à deux femmes écrivaines remarquables du Québec qui nous ont quitté en décembre: Hélène Pedneault (2008) et Louky Bersianik (2011).
Intitulée Hélène et Louky, montage dramaturgique, la lecture ardente est portée par les voix de Pol Pelletier et Catherine Dajczman. Leur performance a témoigné avec respect de la fougue, de la puissance et de l’engagement des deux créatrices féministes et indépendantistes qui ont cherché par leurs écritures à briser les moules, peurs et stéréotypes d’une société malheureusement trop souvent complaisante dans les idées convenues et consensuelles.
La prestation des deux actrices s’amorce par des extraits de textes d’Hélène Pedneault parus dans son recueil Mon enfance et autres tragédies politiques. Dajczman lit avec emballement la plume humoristique, souvent caustique, de cette femme extraordinaire qui a porté à bout de bras les causes importantes pour son peuple. Elle expose les pensées, aventures et tribulations de l’auteure-journaliste au quotidien rarement banal. Défilent entre autres son obstination à refuser l’idée même du mariage, son attachement viscéral à son père parti beaucoup trop tôt et sa douleur suite au décès sadique de la comédienne Denise Morelle. Car derrière la verve et les phrases écrites avec un vocabulaire d’une remarquable justesse, il y a toute la beauté, l’exigence et la grandeur de l’altruisme refusant d’abdiquer devant la bêtise, l’intolérance et l’obséquiosité des défenseurs du statu quo et de la rectitude politique. Sous le regard complice de Pol Pelletier, tenant une bougie dans ses mains, la présence de Pedneault se fait sentir, tel le volcan à l’écoute de la colère, de la douleur et de joies façonnant l’existence des femmes et des hommes de bonne volonté.
Par la suite, Pol Pelletier interprète un extrait de L’Euguélionne, le joyau le plus connu de l’œuvre riche, plurielle et foisonnante de Louky Bersianik. Cette dernière a publié entre autres le remarquable roman Le Pique-nique sur l’Acropole et l’essai La main tranchante du symbole d’une acuité plus importante que jamais, sans oublier des poèmes malheureusement ignorés de la critique littéraire. Dans l’espace vaste de l’église située sur la rue Alexandre-de-Sève, les mots de l’écrivaine et pionnière dans la féminisation de la langue française ont résonné avec fracas dans une atmosphère respectueuse. Tout comme dans son solo présenté au même endroit les semaines précédentes, l’actrice transmet avec fulgurance cette prose évocatrice par son souffle incandescent qui se traduit dans tous les membres de son corps souple comme une danseuse chevronnée.
Après les applaudissements nourris des spectateurs et spectatrices, Pol Pelletier a martelé la nécessité de se souvenir, de reconnaître et de s’imprégner collectivement de l’héritage incommensurable des créateurs québécois à la parole libre et nécessaire. Hélène et Louky, montage dramaturgique demeure l’un de ces actes de résistance, et surtout, pour moi, un moment inoubliable.
Cette critique a aussi été publiée, le 8 décembre 2012, sur le site Indépendantes.org au http://www.independantes.org/2012/12/08/7466/
07-12-2012
par Véronique Voyer
La Robe Blanche : le paraître c’est lorsque l’être est contaminé par l’avoir*
21 novembre, parvis de l’église Ste-Brigide ; les vendeurs sont rentrés dans le temple et les animaux à cornes aussi. Pol Pelletier est venue y faire la révolution et nous invite à prolonger le Printemps Érable, habillé de rouge, comme si la « révolution avait déjà eu lieu », canard et chèvre en plus.
Majoritairement constitués de jeunes étudiants lors de cette soirée de première, les spectateurs s’assoient par terre, car les chaises ne sont pas fournies : Pol Pelletier veut recréer l’ambiance du théâtre populaire d’antan. La femme de théâtre nous invite à prendre part au « théâtre de l’aventure ».
On n’entre jamais doucement en contact avec l’univers de Pol, on entre en collision. Par exemple, ce mois d’occupation dans une église désacralisée se base sur la manière dont Pol Pelletier définit la révolution : « il faut que chacun aille chercher la vérité en soi et la révèle, c’est ainsi qu’on va faire la révolution ! ». Révolutionnaire, c’est avec une franchise déstabilisante que cette femme s’expose dans La Robe Blanche.
Le monologue s’ouvre sur une histoire d’attouchements sexuels qui met en scène une petite fille et un prêtre. Vêtue de noir, Pol accroche une petite robe blanche en dentelles à son cou. Elle prend la voix fluette d’une fillette pour témoigner de cette histoire qui se déroule à mi-chemin entre Montréal et Ottawa.
La mère de la fillette refuse de croire l’enfant quand elle lui raconte que monsieur le curé veut toujours baisser son pantalon, Pol Pelletier transforme la mère en dragon lorsque cette dernière réduit la fillette au silence. L’histoire des prêtres pédophiles est bien connue, mais Pol Pelletier ne tombe pas dans le cliché. La magie opère et on se laisse happer par le récit qui semble autobiographique, si l’on se fie aux similitudes entre la vie de l’actrice et ce texte.
Au cœur de la pièce, la petite fille s’émancipe après avoir fui la douleur à coup de dépression et retrouve la parole en libérant sa propre vérité. C’est l’inhibition, le non-dit et la peur qui éclate, mais aussi la honte, cette honte qui habite le peuple québécois depuis le viol des Filles du Roy, selon l’analyse d’un doctorant auquel Pol s’intéresse beaucoup; Jean-Jacques Dubois.
Pour souligner son propos, l’actrice casse une branche, comme si c’était le politically correct et la censure des institutions qu’elle brisait. Elle poursuit en dénonçant l’importance du paraître dans notre société et condamne cette manie de protéger l’image que l’on projette, mais surtout comment elle est perçue par notre entourage.
Elle écorche tous ceux qui régissent l’ordre établi, particulièrement sur le plan culturel. À l’ère où la diffamation est un crime qui coûte cher, Pol Pelletier s’attaque à de véritables vaches sacrées de la société québécoise. Elle critique les « hommes-prêtres» à la tête de Tous le monde en parle, le festival Juste pour Rire et le Cirque du Soleil, qualifiant leur « show» de messe pour mieux célébrer l’église de la consommation.
À l’instar de l’église traditionnelle qui domine ces fidèles avec des formules du genre « pardonnez-moi mon père, car j’ai péché », Pol imagine la relation inverse : que tous ceux qui ont pleuré de colère, réduit au silence au fond d’un garde-robe, se lèvent et exigent le pardon. Ce qui habite la foule après cette prestation de Pol Pelletier, c’est le triomphe de la liberté d’expression, un texte-fleuve, une parole forte qui nous enivre de liberté.
*Le titre, inspiré des paroles de l’acteur et metteur en scène Jean-Marc Dalphond, est d’autant plus éloquent que ce spectacle est produit sans subvention.