Sur le mode de la fantaisie, de la dérision et de la parodie, Projet Bocal aborde les thèmes de l’amour et de l’éphémérité, de l’espérance et de la crainte de l’avenir.
Les trois créateurs/acteurs de cet objet théâtral inhabituel multiplient les ruptures de ton et les effets de décalage, enchaînant courtes scènes et numéros musicaux comme autant de fragments de ce bocal dans lequel ils jouent et enferment, pour leur plus grande joie, les spectateurs.
Servi par le talent de ses interprètes, Projet Bocal joue de l’inattendu et provoque la surprise et le rire intelligent.
Section vidéo
deux vidéos disponibles
Aide et conseil à la scénographie Elen Ewing
Éclairages Jérémie Boucher
Assistance à la mise en scène Camille Gascon
Théâtre Outremont 27,60 $ régulier, 23 $ aînés, 18,40$ étudiants
Une production Projet Bocal
Dates antérieures
Du 11 au 22 mars 2013, La Petite Licorne (création)
Zoofest 2013
par David Lefebvre
Après Théâtre sans animaux (2003, 2006), ou même Pour faire une histoire courte (2004), c'est avec bonheur que l'on retrouve le théâtre absurde à la (Petite) Licorne, grâce au collectif Projet Bocal, composé de Sonia Cordeau, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande. Si le trio nous promettait « un voyage vers l’inattendu et le plaisir du fun » (sic), le pari est relevé avec brio.
Il est difficile de ne pas comparer la forme que prend le spectacle - courtes pièces et chansons - au succès télévisuel Les Appendices. Le type d'humour y est souvent comparable, et le trio compte tout de même dans ses rangs l'une des deux filles de l'émission humoristique de Télé-Québec. Ceci dit, les trois comparses propose une création bien distincte : ils s’en permettent allègrement et s’amusent indubitablement sur la petite scène très fifties, avec rideaux de dentelle, costumes, table, chaises et frigo style Westinghouse rétro par lequel les comédiens font leur entrée. Sans oublier les dizaines de pots Masson qui servent de luminaires, accrochés un peu partout au-dessus de la scène.
Cordeau, Lacroix et Lalande, qui signent les textes et la mise en scène, proposent ainsi une quinzaine de sketches ou courtes formes, à l’humour parfois burlesque, souvent absurde ; le trio maîtrise à la perfection l’effet de décalage pour provoquer le rire, et ce, de façon presque instantanée. Que ce soit devant un gros bocal dont le vide devient rapidement terrorisant et qu’on essaie, en vain, de remplir de sons et de mots ; un pastiche de film d’horreur ; des discussions qui dégénèrent totalement ; une animatrice d’un centre spatial plutôt timide ; les élucubrations d’une femme en jouissance qui désire aller manger du poisson froid avec les Inuits et faire tellement de compote de pommes qu’elle s’habillerait des pelures et des pépins ; d’une annonce de mise à pied ou d’une surprenante maladie qui fait jaillir des agrumes par tous les orifices du corps, on ne peut que s’esclaffer jusqu’en avoir mal au ventre. Si, parfois, on frise l’hyper vulgarité, dans un sketch entre la parodie des pièces irlandaises qui ont fait la renommée de La Licorne lors des dernières années et une blague salace, tout est si grotesque et caricatural qu’on ne peut qu’en rire sans en être offusqué. Un moment plus tendre vient s’immiscer au cœur de cette création singulière, donnant la parole tour à tour aux trois comparses. Alors que le premier nous partage un texte poético-romantico-lugubre, la seconde nous révèle un souvenir de jeunesse tragique où elle perd son cornet dans la piscine, puis la troisième discourt sur les espérances d’amours éternelles, des paresseux de l’affect et des affirmations que l’on voudrait irréfutables, tout en faisant référence au chanteur Johnny Ace et son succès Pledging My Love.
La musique fait d’ailleurs partie intégrante du spectacle, rappelant un des moments marquants de la création Éponyme (Fake-Fiction), de Le P.I.Q.U.A.N.T. (Usine C, avril 2011) : le gang du Bocal offre quelques versions plutôt bien foutues de quelques hits, dont You Belong to Me de Jason Wade, Total Eclipse of the Heart de Bonnie Tyler, en belle harmonie, et un You Can’t Hurry Love (Phil Collins) qui reste longtemps en tête, bien après la fin du spectacle. Mais c’est grâce à trois chansonnettes originales, dont une très sentie et jouissive qui rappelle le style direct de Lisa Leblanc avec « J’m’en câlisse… en pyjamas à 6h… », que le groupe s’éclate totalement, à la guitare, à la mandoline, au xylophone ou au tambourin. À croire que ces trois-là savent tout faire, et bien le faire.
Savoureux et efficace jusqu’à la dernière seconde, ce Projet Bocal divertit la galerie de façon tout aussi intelligente qu’absurde. Un moment de pur (et parfois d’étrange) bonheur qui fait espérer une deuxième édition du projet, tant le foisonnement créatif de ces jeunes comédiens et auteurs décoiffe et réjouit.