DANZ • LES GRANDS BALLETS CANADIENS DE MONTRÉAL
Collage d’Ohad Naharin, DANZ propose une rétrospective qui explore pleinement la signature artistique du chorégraphe israélien. Membres et colonnes vertébrales étonnamment flexibles, mouvement profondément ancré et petits gestes faisant contrepoint à de fougueuses explosions; tous émanent du spectaculaire langage corporel créé par Naharin. Ces séquences exigent des danseurs des Grands Ballets Canadiens qu’ils fassent appel aux rythmes et aux sons de leur propre corps, exprimant les sensations intimes qu’ils ressentent en situation de liberté totale. DANZ, c’est le puzzle coloré et énergique d’un artiste au sommet de son art, dont on livrera un extrait pour l’occasion.
KHAOS • GINETTE LAURIN / O VERTIGO
Le monde bouge. Partout. La nature gronde, déborde, les hommes crient, de colère, de faim. Qu’en comprenons-nous? Qu’y pouvons-nous? Danser encore et créer, pour vivre, survivre. Saisir le chaos, en jouer et en jouir, le déjouer. KHAOS témoigne de l’espoir en la vie, mais également de sa rugosité. Avec toute l’audace des corps abandonnés à leur intensité intime. La chorégraphe de renommée internationale Ginette Laurin, figure de proue de la danse contemporaine canadienne, compte plus de 50 créations à son actif. O Vertigo réunit autour d’elle collaborateurs et interprètes passionnément engagés dans le processus créatif et qui marquent de leurs personnalités chacune des œuvres de la compagnie, parmi lesquelles ce magnifique KHAOS, dont un fragment sera offert.
HARRY • LES BALLETS JAZZ DE MONTRÉAL
Dans cette création taillée sur mesure pour les excellents danseurs des BJM, le chorégraphe d’origine israélo-américaine, Barack Marshall, s’est inspiré des batailles intérieures auxquelles l’humain est confronté. La pièce s’articule ainsi autour du personnage d’Harry, lequel peine à surmonter des puissances aussi réelles qu’existentielles. Cette œuvre, d’une grande énergie, met en exergue un thème récurrent de l’Humanité : les conflits et la capacité de l’homme à les surpasser. Un extrait de ce récent opus, rempli d’espoir et d’humour, sera présenté. Compagnie de renommée internationale, les BJM — aujourd’hui sous la direction artistique de Louis Robitaille – agissent comme de véritables ambassadeurs de la culture québécoise. Ils célébraient, en 2012, leurs 40 ans.
QUOTIENT EMPIRIQUE • RUBBERBANDANCE GROUP
La nostalgie est un sentiment indissociable du passé. Toutefois, le passé change souvent quand s’y ajoute la perspective. Notre affection pour le passé augmente-t-elle ou diminue-t-elle avec la perspective? Si le résultat est divisé par le dénominateur universel regret, que nous reste-t-il? Maître dans le croisement des styles, classique, contemporain ou urbain, le chorégraphe canadien d’origine américano-mexicaine Victor Quijada présentera un extrait de QUOTIENT EMPIRIQUE, cette œuvre brillante pour six danseurs sur la nostalgie, le regret et le caractère changeant de nos identités. Accent sur la beauté poétique, l’athlétisme du physique et la géométrie complexe du corps. À voir.
LE SACRE DU PRINTEMPS • LA COMPAGNIE MARIE CHOUINARD
Ce classique de Stravinsky explore à sa façon un Nouveau Monde et marque l’entrée de la danse dans la modernité. Dans la trajectoire de Marie Chouinard, LE SACRE DU PRINTEMPS occupe une place particulière. En revisitant ce puissant hymne à la vie, la chorégraphe a créé sa toute première œuvre à partir d’une partition musicale. Elle y retrouve une pulsation originelle en résonance avec sa propre gestuelle. Contrairement aux chorégraphes qui l’ont abordé jusqu’ici, Marie Chouinard a construit son SACRE autour de solos, cherchant à réveiller en un mouvement à la fois fort et limpide, le mystère de chaque danseur. Un morceau choisi de cette création à l’avant-garde sera présenté.
par Olivier Dumas
Pour commémorer le premier demi-siècle de vie de la Place des Arts, cinq compagnies montréalaises de danse qui se sont illustrées sur les scènes locales et internationales ont proposé à tour de rôle un extrait de l’une de leurs plus récentes productions. La soirée fut un réel enchantement d’une heure quarante avec ce Maisonneuve danse.
Avant l’exécution des nombreux danseurs et danseuses, l’ancienne étoile de ballet maintenant animatrice de télévision, Geneviève Guérard, a lu un court texte qui a rappelé les balbutiements de ce lieu intégrateur de plusieurs disciplines artistiques, qui a accueilli des créateurs de partout à travers le monde. Heureusement, la petite présentation ne s’est pas trop étirée, alors que la tentation de succomber à cet exercice est souvent grande lors des événements anniversaires.
Il est difficile d’écrire une critique honnête sur un tel spectacle, car chacun des fragments présentés sur la scène est extirpé de créations. Dans un monde idéal, les segments sélectionnés doivent être jugés par rapport à la globalité de leurs représentations initiales. Et comme la totalité équivaut à plus que toutes ses parties réunies, tentons malgré tout de témoigner une appréciation vibrante de ces signatures distinctives.
Au lever du rideau, le Khaos concocté avec brio par Ginette Laurin et sa compagnie O Vertigo, qui compte parmi ses grandes réussites une sublime La Luna dont j’ai personnellement gardé un souvenir mémorable, expose les vibrations pendant une dizaine de minutes d’un univers sous les pulsions de l’urgence où s’éclatent et se percutent des corps incandescents. Avec une musique près de la transe, c’est un hymne à un monde dur et violent qui se cherche à se réinventer et à vibrer malgré les bruits, la fureur et la rugosité de ses créatures.
Par la suite, les airs de frivolités d’Harry des Ballets Jazz de Montréal ont récolté également des applaudissements nourris. Avec son mélange de candeur et de sérieux qui ne tombent pas dans la lourdeur, les interprètes s’exécutent sous la gouverne du chorégraphe d’origine israélo-américaine, Barack Marshall. Le numéro s’articule autour du protagoniste du même nom que le titre, lequel veut combattre les épreuves du destin. Les rituels de la vie et de la mort sont caricaturés pour en extraire autant le risible que le recueillement.
La compagnie Marie Chouinard a marqué les esprits avec sa relecture audacieuse du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky, l’une des compositions musicales les plus marquantes du début du 20e siècle. À l’origine créé pour Nijinski, Le Sacre avait scandalisé par son approche novatrice et fait entrer la danse dans la modernité. À la fois sombre et éclatant, sensuel et d’une grande tristesse, cette charge émotive se construit comme un tableau où les artistes incarnent des pulsions sur scène avec un sens de l’esthétisme et de l’incantation formidables, que l’on peut voir dans leurs silhouettes athlétiques et couvertes de sueur. La chorégraphie a dépassé les effets décoratifs superflus qui étaient présents dans son travail sur une autre partition classique, celle des 24 Préludes de Chopin.
Après l’entracte, le Quotient empirique du Rubberband Dance Group a composé un tableau très saisissant d’une dizaine de minutes. Sur une trame musicale plutôt atmosphérique, la troupe de six danseurs génère la sensation d’une immense vague qui porte en elle toute une gamme de sentiments, dont la nostalgie et la difficulté de transcender nos difficultés d’évolution personnelle. Le croisement entre la légèreté des mouvements et l’atmosphère mélancolique explore des territoires très intéressants.
Morceau de clôture, le collage de l’artiste originaire d’Israël, Ohad Naharin, s’intitule Danz. La production des Grands Ballets canadiens de Montréal demeure toutefois le segment le moins saisissant. Des 25 minutes présentées, certaines redondances étaient perceptibles, notamment quant à la musique composée en grande partie de sons gutturaux. Pourtant, malgré ces faiblesses, les quelques fragments du spectacle témoignent d’une harmonisation entre un certain classicisme et un désir d’innovation avec une pointe comique et une belle fluidité dans les mouvements ludiques.