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29 et 31 janvier 2014, 20h
Mr. PMr. P
Idée originale Jocelyn Sioui
Création et mise en scène Belzébrute
Avec Éric Desjardins, Amélie Poirier-Aubry et Jocelyn Sioui

Après les succès de Shavirez, le Tsigane des mers et de Manga, Belzébrute renoue avec l’art de la marionnette. S’inspirant du cinéma muet des années 20, le band de théâtre vous raconte rien de moins que l’incroyable histoire du véritable Monsieur Patate. Une œuvre théâtrale colorée aux accents de comédie musicale et de dessin animé imprégnée d’humour et de douce folie. Êtes-vous prêts pour le Grand Rêve Américain?

Figure de proue du théâtre indépendant montréalais, Belzébrute revient en force après les succès de Shavirez et de Manga en renouant avec l’art de la marionnette. S’inspirant du cinéma muet des années 20, le band vous raconte rien de moins que l’incroyable histoire du véritable Monsieur Patate. Oui vous avez bien lu! Vous découvrirez les dessous de la gloire et de la déchéance de cette star internationale. Une œuvre théâtrale colorée aux accents de comédie musicale et de dessin animé imprégnée d'humour et de douce folie.

Avec cette nouvelle création, Belzébrute assume plus que jamais son amour de la marionnette, du théâtre de genre et de la culture populaire. Truffés de références, d'imagination, d'audace et d'ingéniosité, les spectacles du band ne connaissent pas de frontière. Sans doute une des raisons pour lesquelles Shavirez a remporté le prix Coup de Cœur du Jury au plus récent Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières (Off), en France.


Section vidéo


Direction musicale Amélie Poirier-Aubry
Marionnettes Francis Farlay-Lemieux
Castelet Mathieu Poirier-Galarneau
Scénographie Stéphane Heine
Vidéo Jocelyn Sioui
Éclairages Clémence Doray
Photo Georges Dutil

Billet : 20$

Une création de Belzébrute


Gesù
1200, rue de Bleury
Billetterie : (514) 861-4036


Dates antérieures

Fringe Festival, juin 2013

 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Caroline Fortin

Le band de théâtre Belzébrute présente, pour deux jours seulement au Gesù, son tout nouveau spectacle créé lors de la plus récente édition du Fringe, en juin dernier. C’est une idée folle, soit celle d’imaginer Monsieur Patate chanter Mexico, qui est à l’origine d’une première courte forme qui donnera ensuite naissance à ce spectacle, des années plus tard. Un rêve, donc, que Jocelyn Sioui et sa bande réalisent enfin avec cette nouvelle création. Pièce ludique et bédéesque à six mains, inspirée du cinéma muet, Mr. P raconte la montée fulgurante d’une patate chantante vers les honneurs et la gloire. Mais la pression est trop forte, et Mr. P craque ; on assiste alors à sa déchéance, à sa dépendance à l’alcool et aux drogues, aux scandales, puis à sa reprise en main, grâce à son fidèle compagnon canin Pogo, trouvant enfin la force de dire non à son manager. L’American Dream et le star-system, revus et corrigés par le tubercule le plus connu de la planète, à la sauce Belzébrute. Un véritable délice.

Le public est accueilli à l’entrée par Amélie Poirier-Aubry, la musicienne attitrée de la compagnie, vêtue d’une jolie robe de soirée très « années 30 ». Elle circule ensuite parmi les spectateurs, leur demandant de façon tout à fait charmante un cinq cents, pour activer la machine à images (immense et superbe castelet créé par Mathieu Poirier-Galarneau et scénographie par Stéphane Heine), rappelant vaguement les scopitones. Le tintement de l’argent qui s’engouffre dans la machine retentit, les ampoules s’allument, place à la magie de la marionnette ! 

Brillamment conçu par Francis Farley-Lemieux, Mr. P se matérialise sous la forme d’un gros œuf en plastique, un casque-masque peint que les manipulateurs Éric Desjardins et Jocelyn Sioui enfilent tour à tour durant la soirée ; dans un synchronisme étonnant, ils arrivent à créer un personnage en parfaite synergie. Les accessoires sont divers et nombreux : yeux fatigués, hallucinés, heureux, il existe, dirait-on, une paire pour chaque sentiment qui provoque des effets plus rigolos les uns que les autres. Aimantés, les yeux, tout comme les oreilles d'ailleurs, s'échangent ainsi rapidement et avec une certaine précision sur le corps et le visage du personnage. Du petit bar d’où il s’exécute, le soir, assis derrière son piano droit, à son boulot de jour comme concierge, Mr. P voit son talent enfin reconnu, grâce à un agent qui le découvre et lui offre des contrats. Les tableaux s’enchaînent alors, de New York à Hollywood, en passant par Vegas et... Brossard. Sky’s no longuer the limit, voyant même la lune l’accueillir, dans son superbe costume d’astronaute, rappelant davantage la pomme de terre au four que les habits de Neil Armstrong, avant de se lancer en politique.


Crédit photo : Caroline Fortin

Les numéros chantés sont les plus réussis de la soirée, dont celui où Mr. P change constamment de perruques et de chapeaux, reprenant des tubes des années 60 à aujourd’hui, dans un medley hilarant. Les références cinématographiques et musicales sont innombrables, plaquant un sourire sur le visage des spectateurs qui reconnaissent ici et là certains airs ou scènes tirées de classiques du cinéma américain.

Tous ces efforts n’auraient pas du tout les mêmes répercussions sans le fabuleux travail de mademoiselle Poirier-Aubry à la conception musicale et sonore. Toujours en scène, elle interprète la musique en direct ; quand ce ne sont pas des reprises d’artistes connus, ou quelques mélodies savamment empruntés à d’autres compositeurs comme Yann Tiersen, Amélie Poirier-Aubry, s’inspirant du ragtime de l’époque, joue une partition maison qui colle parfaitement à l’ensemble de la proposition. Elle en profite du coup pour nous faire découvrir un nouvel instrument patenté, soit une contrebassine, construite à partir d’une bassine de métal, d’un manche de bois et d’une corde tendue, un instrument qui sonne comme une contrebasse à laquelle on aurait amputé trois cordes. Derrière cet instrument de fortune, rappelant tout autant, et paradoxalement, la femme au foyer des années 50 autant que la femme fatale au collier de perles, la jeune musicienne se tient debout et dégage alors une assurance très sexy et assumée, jouant une mélodie simple, jazzée, presque langoureuse.

Belzébrute adore expérimenter, et Mr. P en est une (autre) preuve indéniable. De la manipulation d’objets à la musique, en passant par la vidéo, les membres du band de théâtre s'éclatent comme des fous. La vidéo, par contre, est ici tout autant un point fort que faible. Les images sont projetées sur un petit écran de fortune, juste au-dessus de la musicienne qui prend place à droite du castelet. Il faut toujours tourner la tête et quitter des yeux l’action de la scène pour voir ce qui se passe à l’écran ; l’installer au-dessus du castelet aurait possiblement été une meilleure idée. Si la plupart du temps la vidéo est utilisée à bon escient, affichant les éléments de lieux ou de temps pour situer le spectateur, à la manière des films muets, elle vient aussi proposer quelques petites séquences filmées. Si quelques-unes sont pertinentes et souvent très humoristiques, lors du passage, entre autres, de Mr. P à Hollywood, où il interprète le premier rôle dans plusieurs films connus, ou encore quelques titres de journaux à sensation, d’autres, comme certains flashbacks à la Toy Story expliquant le lien étroit entre Pogo et Mr P., allongent inutilement le spectacle. La chimie entre les deux amis, très bien rendue sur scène, n’a nul besoin d’explication supplémentaire, même s’il est plutôt rigolo de voir G.I. Joe, Barbie et autre Madame Patate faire ici quelques apparitions éclair.

Jeune compagnie à l’imagination foisonnante et au cœur d’enfant, Belzébrute n’a pas fini de nous en mettre plein la vue et les oreilles. Il ne faudrait en aucun cas bouder son plaisir ou rater la chance de voir ce terriblement comique et sympathique conte moderne qu’est Mr. P.

30-01-2014