Elle dit être la mère de ses fils mais n’y comprend plus rien. Comme un carrousel, sa mémoire se met à tourner, à monter, à descendre pour retrouver Marie, sa grand-mère alcoolique, sa mère Florence, meurtrie par les religieuses au pensionnat avant de l’être par son mari. Tout apparaît, disparaît et se mêle : Charlevoix, le Fleuve, un trop grand cheval noir, la route 138 qui libère et qui tue, les oncles qui chantent à l’hôtel-motel-bar-salon, les mains des hommes sur son corps. Et cette question terrible : le rôle des mères est-il de rester? Après avoir tenu en haleine bon nombre de lecteurs et de spectateurs avec La Liste, l’auteure, Jennifer Tremblay, redonne la parole à cette femme sans nom qui veut désormais cesser de souffrir.
Interprétation musicale Jasmin Cloutier
Assistance à la mise en scène et régie Marie-Hélène Dufort
Scénographie Guillaume Lord
Costumes Elen Ewing
Éclairages Alexandre Pilon-Guay
Musique originale Pascal Robitaille
Accessoires Julie Measroch
Direction technique Louis Héon, Francis Laporte
Du 17 octobre au 6 novembre 2014
7 octobre, 20h, Maison de la culture Frontenac, 2550, rue Ontario Est
514-872-7882
9 octobre, 20h, Maison de la culture Côte-des-Neiges, 5290, chemin de la Côte-des-Neiges
514-868-5160
15 octobre, 20h, Maison de la culture Pointe-aux-Trembles, 14001, rue Notre-Dame Est
514-872-2240
25 octobre, 20h, Maison de la culture Rosemont-Petite-Patrie, 6707, avenue De Lorimier 514-872-1730
6 novembre, 20h, Maison de la culture Marie-Uguay, 6052 Boulevard Monk
514-872-2044
Autres dates dans la province sur le site du Théâtre d'Aujourd'hui
Billets :
Salle Pauline-Julien : 36$
Production du Théâtre d'Aujourd'hui
Dates antérieures
Du 14 janvier au 8 février 2014, Théâtre d'Aujourd'hui (création)
par Daphné Bathalon
« Pourquoi cette grille qui se refermait sur ma mère se referme-t-elle encore sur moi? » Voilà la question obsédante que ne cesse de poser la narratrice à l’âme de sa grand-mère morte, tandis qu’elle fait route sur la 138 pour aller au chevet de sa mère mourante. Par cette interrogation, c’est toute la question de l’héritage et du legs maternel que soulève la femme incarnée par Sylvie Drapeau, encore une fois magistrale dans ce registre dramatique.
Après le succès critique et populaire de La liste, présentée aux quatre coins du Québec et ailleurs dans le monde, et traduite depuis en cinq langues, l’auteure, Jennifer Tremblay, pressée de questions sur son personnage par le public, a eu l’idée d’un nouveau spectacle solo pour Sylvie Drapeau, Le carrousel, qui sera bientôt suivi de La délivrance. L’auteure, lauréate d’un prix du Gouverneur général pour La liste, s’attaque cette fois à une tout autre période de la vie de son personnage central. Dans un moment hors du temps, celle-ci s’interroge sur le passé de sa mère et les actes de sa grand-mère, tout en exprimant son propre amour pour ses enfants.
« Je suis la mère et la fille, la suite et l’origine. » Avec Le carrousel, le metteur en scène Patrice Dubois a voulu se rapprocher du réel, de ce que la pensée humaine a de décousu, de spontané, de brut lorsqu’on l’expose sans intermédiaire. Dubois a donc misé sur le souffle du texte en lui laissant toute la place, et n’évoquant qu’à l’occasion la route sur laquelle voyage le personnage, et le paysage de conifères noirs qui le bordent. Aussi, la parole de Drapeau se rapproche-t-elle du tourbillon incessant tandis que la narratrice, projetée dans l’espace en mouvement sur la 138, s’offre un temps d’arrêt mental pour exhumer le lourd legs des deux femmes, des deux mères, qui l’ont précédée.
Parce que notre esprit fait constamment revenir les mêmes éléments et les retourne dans tous les sens pour mieux les examiner, la pièce se construit dans un mouvement perpétuel entre le passé évoqué, le présent, les bribes de souvenirs, les sensations et les questions. À sa manière unique, Tremblay cisèle cette pensée et nous fait voyager à travers elle dans le temps et l’espace pour nous amener à mieux comprendre la force, mais aussi la fragilité de cette femme. Un texte déconstruit qui creuse son passé pour mieux dégager la route devant elle et lui permettre d’avancer. Mais il vient un moment où ce carrousel de pensées et de souvenirs, même porté par l’intensité dramatique et amoureuse de Drapeau, tourne un peu à vide, en nous laissant sur les bas-côtés de la route. Malgré le rythme imposé par les mots, qui forment une solide partition, on peine par moments à s’accrocher au fil de la pensée, très vive, de la narratrice.
Heureusement, Sylvie Drapeau réussit à nouveau à nous éblouir avec son talent rayonnant. Elle donne corps et voix à une femme pleine de passion, d’amour et de colère, au cœur rouge et palpitant, et incarne à elle seule tous les personnages évoqués par ses souvenirs. Elle vit totalement chacun des états d’esprit et des sentiments créés par ces évocations. Outre la performance d’actrice de Sylvie Drapeau, il faut mentionner la scénographie légère de Guillaume Lord, qui découpe l’espace scénique avec des rideaux de dentelle dans lesquels les éclairages d’Alexandre Pilon Guay font merveille. Et puis, il y a bien sûr la très belle musique de Pascal Robitaille, jouée sur scène par le musicien Jasmin Cloutier : elle berce tout le spectacle.