Il est de ces œuvres qui marquent une carrière, imprègnent les mémoires, frappent les plumes des critiques. Cartes postales de Chimère en fait partie. Près de 20 ans après sa création Louise Bédard reprend et transmet cette pièce taillée sur mesure pour elle-même en 1996 qui lui a valu notamment de recevoir le prestigieux prix national de danse Jean A. Chalmers. Si ce solo se décline au présent, il mènera une double vie puisque le rôle sera passé simultanément à ces deux danseuses charismatiques que sont Isabelle Poirier et Lucie Vigneault. Chaque soir, il sera porté par l’une ou par l’autre. Cette pièce intimiste, touchant portrait de femme revit sur scène dans le corps de nouvelles interprètes avec la même audace, la même pertinence, la même force. Cette version 2015 est une occasion de se confronter au temps qui passe, de documenter et de conserver un patrimoine chorégraphique, d’immortaliser et de léguer une œuvre essentielle.
En 2015, la compagnie fête ses 25 ans! Pour souligner cet anniversaire, Louise Bédard Danse vous offre, en parallèle aux représentations, une exposition rétrospective du chemin parcouru.
Section vidéo
Musique : Brahms, Kronos Quartet
Musique originale : Michel F. Côté
Scénographie : Richard Lacroix
Costumes : Angelo Barsetti
Éclairages : Lucie Bazzo
Photo Angelo Barsetti
Parole de chorégraphe : 26 février
Billet : 28 $ (22 $ pour les aînés, 20 $ pour les étudiants, les professionnels de la danse et tout spectateur de 30 ans et moins)
Production Louise Bédard Danse, avec le concours de la Fondation Jean-Pierre Perreault
lbdanse.org
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fondation-jean-pierre-perreault.org
par Sara Thibault
Pour souligner les 25 ans de la compagnie Louise Bédard Danse, l’Agora de la danse présente Cartes postales de Chimère, un spectacle phare de la danse contemporaine québécoise créé en 1996. Grâce à la Fondation Jean-Pierre Perreault, le spectacle chorégraphié et interprété par Louise Bédard est également conservé sous la forme d’une boîte chorégraphique. Après Bras de plomb (Paul-André Fortier) et Duos pour corps et instruments (Danièle Desnoyers), Cartes postales de Chimère est le troisième projet qui bénéficie d’un tel souci d’archivage en vue de reconstitutions ultérieures. Ces boîtes contiennent toutes les traces de la production et de la création d’une pièce (vidéos, photos, fiches de costumes, plans de lumière, musiques, cahier de scénarisation, images, dessins). Une partie de ces traces de création (la maquette du décor et des photos de la production originale, par exemple) est d’ailleurs exposée dans une salle de l’Agora de la danse et est accessible au public avant et après le spectacle.
La reprise de Cartes postales de Chimère s’inscrit dans un processus de passation d’un solo qui a marqué le milieu de la danse lors de sa création en 1996. Louise Bédard confie l’interprétation à Lucie Vigneault (26 et 28 février) et à Isabelle Poirier (25 et 27 février), deux danseuses sensibles à sa démarche artistique et qui ont vu la version originale du spectacle. Elles ont d’ailleurs toutes deux une quarantaine d’années, soit l’âge auquel la chorégraphe a conçu sa pièce.
Le spectacle procède en deux temps. C’est la féminité et la grâce de la danseuse qui sont mises en valeur dans la première partie, alors que l’interprète porte une robe légère et semble tournée vers l’introspection. La seconde moitié est beaucoup plus rythmée, lourde et émotive. On aurait dit que l’énergie réprimée dans le corps de l’interprète au début du spectacle explosait et se transformait en un rituel envoutant très théâtral. La danseuse est traversée par toutes sortes de choses et toutes sortes d’histoires. Elle se transforme en une Schéhérazade qui raconte ses voyages dans des pays inventés vastes et variés. Les costumes colorés, lourds et richement ornementés conçus par Angelo Barsetti rappellent d’ailleurs les tissages moyen-orientaux. L’éclectisme des musiques de Brahms et du Kronos Quartet, ainsi que les chants traditionnels composés par Michel F. Côté contribuent aussi à l’exotisme des univers proposés.
Le décor de Richard Lacroix est éblouissant. Suspendus au plafond, 173 portraits sont exposés dans de petits cadres de bois de différents formats, disposés en forme d’arche. Des miroirs placés dans certains de ces cadres permettent de réfléchir la lumière et de créer des jeux d’ombres. Les spectateurs sont disposés de chaque côté de la scène, entourant l’interprète qui danse sous ce mausolée d’inconnus, cette voix lactée humaine.
Sous l’apparence d’une danse très formelle qui oppose tension et relâchement, la chorégraphie de Bédard se montre très sensible.Même si le style de la musique et des costumes ancrent le spectacle dans les années 1990, Cartes postales de Chimère possède une force qui a traversé le temps et qui bouleverse encore autant le spectateur que lors de sa création.