Sept hommes, six comédiens et un danseur, osent se taire pour mieux se faire entendre, pour donner la parole au corps. Ici, pas de texte derrière lequel se cacher. L’unique rempart face aux regards est le groupe et la force du geste. Ensemble, ils jouent, s’élancent, glissent, s’entrechoquent et s’étreignent dans un abandon collectif, unis par la sueur dans un engagement sincère. Dénués de toute connaissance ou technique en danse, les interprètes n’ont d’autre choix que de se laisser aller aux consignes de Karine Ledoyen qui a su exploiter habillement leur inexpérience pour explorer l’univers masculin. Sous sa dictée, ils articulent un nouveau langage physiquement intense et exigeant pour les apprentis danseurs qu’ils sont. Cette partition les expose de leur énergie la plus brute à une tendre vulnérabilité. Un jeu collectif authentique et convaincant où se rejoignent dans un même souffle la danse et le théâtre.
Section vidéo
Assistance à la chorégraphe
Ginelle Chagnon
Conseiller artistique
Daniel Danis
Création en coproduction avec
Daniel Danis, Arts/Sciences et le collectif du Temps qui s’arrête
Conception sonore
Jean-Michel Dumas
Conception lumières
Sonoyo Nishikawa
Costumes Dominic Thibault
Photo David Cannon
Parole de chorégraphe : 19 février
Billet : 28 $ (22 $ pour les aînés, 20 $ pour les étudiants, les professionnels de la danse et tout spectateur de 30 ans et moins)
Production Danse K par K
Dates antérieures (entre autres)
Chantiers, Carrefour 2013 + Périscope du 4 au 9 novembre 2014
par Marie-Luce Gervais
Tout part du coup de foudre que ressent Éliot Laprise en assistant au spectacle Uprising du chorégraphe britannique Hofesh Shechter. Sa route croise ensuite celle de Karine Ledoyen, puis c’est la naissance de l’idée. Si sept gars, six comédiens et un danseur, se réunissent sous l’oeil attentif d’une chorégraphe dans le but de créer un spectacle de danse, sans leur matériau habituel qu’est la parole, quel langage allait-il naître de cette rencontre ? L’impressionnant résultat se trouve, bien sûr, dans Danse de garçons.
D’entrée de jeu, l’espace, qui répartit les spectateurs de part et d’autre de la scène, donne une certaine impression de ring de boxe. L’arrivée des interprètes, tous au pas de course, évoque également ces entrées très solennelles des athlètes qui s’apprêtent à performer. Parce que c’est ce dont il s’agit ; une incroyable performance physique, voire quasi acrobatique. Les sept garçons de cette danse brutale font preuve d’une impressionnante agilité et il s’en dégage une franche camaraderie. Ils nous entraînent dans leur univers mâle en nous partageant des moments tantôt ludiques, tendres ou poétiques, tantôt violents, inquiétants ou sensuels. Plusieurs tableaux se succèdent; on passe d’une démonstration d’art martial ponctué de sons caricaturaux à une bataille armée de madriers de bois, puis d’un jeu d’équilibre au mains à mains dans lequel l’un des protagonistes a les yeux bandés, puis encore à un moment touchant dans lequel l’un des hommes, attiré par la lumière, est porté vers celle-ci avant de s’échapper du groupe, évoquant une sorte de renaissance. La quête de l’équilibre à travers le déséquilibre teinte la majorité de ces tableaux, que ce soit à travers ces corps qui frôlent la chute à répétition, à travers l’effondrement d’une structure de bois qui survient dès le début du spectacle ou même à travers la finale dans laquelle les interprètes sont en équilibre fragile sur les madriers devenus des balançoires instables.
La partition exigeante physiquement de ces interprètes permet l’utilisation de l’épuisement pour atteindre une troublante vérité. Leur abandon laisse place à une intimité qui donne un aspect profondément humain à cette performance. Comme il s’agit majoritairement d’acteurs, ce n’est pas la précision du mouvement ou le symbole de celui-ci qui est mis de l’avant, mais plutôt l’évolution du geste menant à un jeu plutôt sensoriel et théâtral qu’esthétique.
Danse de garçons, c’est un jeu de guerriers, c’est de l’énergie brute à la fois violente et touchante, c’est une complicité palpable entre une bande d’amis comédiens qui ont fait le pari de nous passer son message sans texte, à travers la rencontre des corps, du mouvement et de la sensibilité de chacun. Pari hautement réussi.
par Francis Bernier
Présenté pour la première fois à la salle Multi du complexe Méduse lors du 14e Carrefour international de théâtre de Québec, le spectacle Danse de garçons y avait connu un tel succès que l'on a décidé de le présenter à nouveau cette année, mais cette fois au Théâtre Périscope. La création hybride mise de l'avant il y a maintenant plus d'un an par Elliot Laprise, Steve Gagnon et Karine Ledoyen est toujours aussi captivante et n'a absolument rien perdu de sa verve poétique.
Danse de garçons nous invite à voyager au cœur de la masculinité, dans tout ce qu'elle a de plus vulnérable. Six comédiens et un danseur (Fabien Piché) se mettent à nu pour présenter ce qu'ils sont à travers un langage qui leur est propre, reposant que sur des gestes et des émotions. Le spectacle oscille entre la danse et le théâtre, tant et si bien qu’il est difficile de dire laquelle des deux disciplines est mise à l'avant-plan dans toute cette mixité, chacune y perdant quelques-uns de ses principaux repères au passage. Ici, on oublie le concept de personnage et de dialogue relatif au théâtre et les chorégraphies, quant à elles, ne sont pas constituées de mouvements précis ou calculés au centimètre près, mais plutôt d'un amalgame de gestes brusques et spontanés.
Les sept garçons s'élancent au pas de course sur la scène disposée au centre des spectateurs. Entre danse et combat, ils sautent, courent, frappent dans les airs, crient, se foncent les uns dans les autres, donnent tout ce qu'ils ont. Comme seul élément de décor, on retrouve une quinzaine de madriers empilés de façon disparate, qui seront séparés les uns des autres, avec fracas, par Elliot Laprise, déclenchant tout un vacarme dans la salle de spectacle du Périscope. On utilisera ces simples éléments de bois pour construire tantôt une route ou un labyrinthe, tantôt un radeau ou une prison. À travers un schéma narratif constitué de tableaux, on présente la fragilité et la dureté de l'homme en utilisant parfois des images très crues, voire même dérangeantes. Le tableau mettant en scène Jocelyn Pelletier qui se fait agresser entre quatre murs est d'ailleurs particulièrement troublant. La trame sonore concoctée par Jean-Michel Dumas se doit d’être mentionnée, ajoutant énormément à l'intensité du spectacle. La chorégraphe Karine Ledoyen signe une œuvre inspirée et profonde qui s'interroge sur la réalité masculine sans chercher à l'encenser ou à la stigmatiser. Une œuvre qui arrive à exprimer la virilité en faisant fi de l'acte et de la parole.
Danse de garçons prouve qu'il est possible d'émouvoir sans les mots et de faire pleurer en usant uniquement du geste. Un spectacle multidisciplinaire original, à la fois empreint de sensibilité et de violence, qui ne laisse personne indifférent.