Imaginez que la loi de la gravité perde le nord et change complètement les règles du jeu… Élaboré à partir de cette prémisse, le spectacle Leo de la compagnie allemande Circle of Eleven, entraîne un homme faussement ordinaire dans une aventure hallucinante qui fait vaciller notre perception du réel et éblouit nos sens. L’acteur-acrobate Tobias Wegner interprète avec brio ce personnage confiné dans une pièce avec, pour seule compagnie, une petite valise. Apprivoisant peu à peu ce monde sens dessus dessous, l’homme choisit de déjouer la gravité de la situation en explorant les nouvelles possibilités qui s’offrent à lui. Porté par l’allégresse, il se livre à une multitude de prouesses physiques et déploie des trésors d’inventivité qui sont autant d’indicateurs des rêves et des désirs qui l’habitent.
Évoquant tantôt l’ère du cinéma muet d’un Buster Keaton, tantôt la magie d’un Fred Astaire ou la charge poétique des exploits de Philippe Petit, cette œuvre inclassable, appuyée par une mise en scène de haut niveau signée Daniel Brière, provoque le rire ainsi que le ravissement et ne suscite rien de moins que l’admiration.
Depuis sa création, Leo remporte un succès phénoménal sur la scène internationale, récoltant au passage trois prix, dont la plus haute distinction, au fameux Fringe d’Édimbourg de 2011. Celle-ci lui a valu d’être présenté pendant plus d’un mois dans un théâtre Off-Broadway à New York.
Production artistique Gregg Parks
Scénographie, lumières Flavia Hevia
Vidéo Heiko Kalmbach
Animation Ingo Panke
Costumes Heather Maccrimmon
Chorégraphie Juan Kruz Diaz De Garaio Esnaola
Billets :
Théâtre Outremont : 43 $ - rég., 35 $ - aînés, 28 $ - étudiants
Production : Circle of Eleven (Berlin), présentation TOHU
Dates antérieures (ente autres)
Du 30 octobre au 24 novembre 2012 - Espace Libre
par David Lefebvre (2012)
Après avoir visité les États-Unis, l'Iran, la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne, la Pologne, le Zimbabwe et l'Écosse, la compagnie Circle of Eleven s'arrête à l'Espace Libre pour nous présenter son incroyable et inclassable spectacle Leo. Entre le mime, le clown, l’acrobatie, la danse, le théâtre et l’installation vidéo, Leo est un remarquable petit bijou de création, ludique et débordant d’imagination.
Confiné dans un espace restreint, un homme découvre que le mur contre lequel son dos repose possède d'étranges propriétés, dont celle d’attirer à lui objets… et corps. D’abord abasourdi, Leo s’adapte peu à peu à ce nouvel environnement qui défie les lois de la physique et s’amuse à faire quelques acrobaties, levant les pieds en même temps, se maintenant parfois complètement en l’air, comme en apesanteur, ou se tenant à l’horizontale, à quelques pieds du plancher.
Pour ce tour de force, la scène est divisée en deux. D’une part il y a Tobias Wegner, l’acrobate ; de l’autre, le personnage de Leo, ou plutôt, le résultat sur écran des chorégraphies de Wegner (signées Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola) capté par une caméra renversée. C’est que le plancher de Wegner est le mur de Leo, et vice-versa, ce qui permet à l’interprète de « tricher » contre les lois de la gravité – à notre plus grand plaisir. Il ne s’agit pas ici d’une démonstration de puissance du corps, mais bien de l’agilité physique d’un véritable virtuose qui, immanquablement, nous fait croire à un moment ou à un autre en l’impossible.
Leo s’inspire d’un segment d’à peine 5 minutes créé par Wegner, que Circle of Eleven désirait développer. Daniel Brière est ainsi invité par la compagnie pour la création de ce spectacle, et lui donner un sens plus théâtral que circassien. Une occasion en or pour le concepteur québécois de travailler et d’explorer la gestuelle plutôt que la « dramaturgie littéraire » propre au théâtre conventionnel. Sa mise en scène, extrêmement précise, crée un fil narratif simple, mais efficace, et interroge du même coup la notion de la perception : celle du spectateur devant la duperie, et celle du personnage envers lui-même, envers sa propre évolution. On navigue toujours entre deux eaux, entre une certaine réalité et une projection fantasmée, touchant à une poésie du corps que l'on retrouve au cirque, tout aussi comique que déconcertante.
Sans paroles, Leo profite de sa petite valise magique qui lui impose quelques rythmes musicaux : percussions, ballet, heavy metal – qui l’envoie tête en bas dans le coin de la pièce – ou style crooner à la Sinatra, lui permettant d'enchainer les pas de danse, du break dance, contre un mur plutôt que le sol, aux entrechats exécutés sans toucher terre. Leo aura beau cogner sur les murs, il reste seul dans cet espace étroit, qu’il décore alors avec une craie, trouvée aussi dans sa valise : table, chaises, radio, chat, fenêtre et poisson naissent sur le mur du fond. Poussant quelques notes de son saxophone (Wegner a réellement tous les talents), Leo s’aperçoit que son petit appartement meublé prend vie, grâce à la jolie animation, en superposition sur l’écran, d’Ingo Panke. Alors que la pièce se remplit de l’eau de l’aquarium renversé, Leo s’aventure dans le monde du dessin animé, nageant sous les mers entre les requins et autres créatures de l’océan, au son du Lac des cygnes de Tchaïkovski.
La longue finale, plus dramatique et contemporaine, nous impose le désarroi de cet homme en perte de repères. Mais la petite valise réserve une dernière surprise à notre héros, qui lui permet de s’échapper de sa solitude d’une touchante manière.
Dès le début de la représentation, un sourire béat se colle à notre visage. Grâce à ses prouesses et aux moments de pur ravissement qu'il procure, Leo nous ramène à nos sept ans, et ça fait un bien fou.