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Du 3 au 10 février 2015, 19h30, sauf 8 février 14h
PiqueJeux de cartes - Pique
Texte de Sylvio Arriola, Carole Faisant, Nuria Garcia, Tony Guilfoyle, Martin Haberstroh, Robert Lepage, Sophie Martin, Roberto Mori
Mise en scène Robert Lepage
Avec Sylvio Arriola, Nuria Garcia, Tony Guilfoyle, Martin Haberstroh, Sophie Martin, Roberto Mori

Profond et provocant, sexuel et surprenant, PIQUE plonge au cœur de la guerre en opposant l’Orient et l’Occident, le bien et le mal, la chute et la rédemption, Éros et Thanatos, le désert irakien à celui du Nevada…

Pendant que les habitués de la Strip de Las Vegas tentent de tirer les bonnes cartes à la loterie de la vie, les soldats américains sont aux prises avec une pluie de dilemmes moraux, eux qui chassent l’As de pique (Saddam Hussein) dans le désert irakien.

Depuis sa création en mai 2012, PIQUE, de la tétralogie Jeux de cartes, a soulevé l’enthousiasme des deux côtés de l’Atlantique. Soulignant le jeu saisissant des interprètes et la puissance symbolique du texte, la critique a également été renversée par la fourmilière mise en place sous la scène, l’esthétique sophistiquée des décors et l’ensemble qui en met plein la vue !

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Dramaturgie Peder Bjurman
Assistance à la mise en scène Félix Dagenais
Musique originale composée et interprétée par Philippe Bachman
Scénographie Jean Hazel
Conception des éclairages Louis-Xavier Gagnon-Lebrun
Conception sonore   Jean-Sébastien Côté
Conception des costumes Sébastien Dionne
Conception des accessoires  Virginie Leclerc
Conception des images  David Leclerc

Tarif(s) Taxes et frais de services inclus :

Régulier 49$ à 70$
Étudiants et moins de 25 ans 25$ à 59,50$
Mordus 52,50$

Durée : 2 h 25, sans entracte

Une production d’Ex Machina créée à l’initiative du Réseau 360° en coproduction avec : Ruhrtriennale , La Comète – Scène nationale de Châlons-en-Champagne °, Cirque Jules Verne & Maison de la Culture – Scène nationale d'Amiens °,  La Tohu - Montréal °, Østre Gasværk Teater – Copenhague °, Roundhouse – Londres °, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg


La Tohu
2345, rue Jarry Est
Billetterie : 514 376-TOHU (8648)

Dates antérieures (ente autres)

Du 14 au 25 janvier 2014 - Tohu

 
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 Critique
Critique

par Marie-Luce Gervais


Crédit photo : Erick Labbé

Intarissable créateur qui fait la fierté du Québec à travers le monde, Robert Lepage revient, pour une deuxième fois à Montréal, avec Pique, première de sa tétralogie Jeux de cartes. Pour lui, les cartes « comportent un ensemble de règles, de signes, de structures mathématiques ou numérologiques, de mythologies et, surtout, de personnages. En les combinant et les ordonnant, on peut créer autant d’histoires qu’il y a d’agencements possibles. » Le pique étant lié à la guerre, le spectacle se déroule dans la ville à la fois flamboyante et superficielle qu’est Las Vegas, le jour où George Bush a déclaré la guerre à l’Irak.

Plusieurs personnages sont présentés à travers de multiples tableaux fragmentés, dont un couple désuni venu se marier en vitesse suite à la grossesse de Madame, des soldats qui s’entraînent dans le désert sous la supervision d’un lieutenant véreux, une Française en voyage d’affaires qui trompe son mari avec un producteur anglais en rechute de sa dépendance au jeu, un étrange cowboy qui semble contrôler le chaos, le personnel de l’hôtel où se déroule la majeure partie de la pièce, une prostituée et une sorte de chaman du désert. Six comédiens, tous très convaincants d’ailleurs, incarnent un nombre impressionnant de personnages qui se relayent sur scène. Ceux-ci communiquent tantôt en français parisien ou québécois, tantôt en anglais ou en espagnol. Des surtitres permettent à tous de bien suivre le texte.

La scénographie de Jean Hazel est un chef d’œuvre d’ingéniosité en soi. Circulaire, elle est composée de trente-six trappes qui permettent apparitions et disparitions du décor et des comédiens en plus de se mouvoir par elle-même. Elle devient, l’espace d’un instant, le désert de Mojave, puis une des salles de jeux d’un casino, avant de se transformer à nouveau en spa ou en chambre d’hôtel. Si la majorité des changements s’opèrent avec fluidité, il suffit toutefois d’un problème technique, comme celui qu’il y a eu lors de la première, pour que le spectacle doive s’arrêter tant tout repose sur ce monstre scénographique. Comme dans tous les spectacles signés Lepage, une grande importance est accordée aux éclairages, qui plongent dans divers univers et créent de magnifiques images.
Si le côté esthétique du spectacle est indéniable et si les images impressionnent de par leur précision et leur poésie, ils mettent toutefois en perspective la pauvreté des textes. L’aspect cinématographique, le manque de profondeur des situations et la fragilité des liens entre les histoires racontées contribuent à créer une distance entre la scène et le spectateur. Celui-ci peut alors s’émerveiller par la technique qui lui est présenté, mais il lui est plus difficile de se laisser bercer par quelque émotion que ce soit.

Pique est un peu à l’image de la ville dans laquelle il se déroule. Tout comme Las Vegas, rien, dans la structure, n’est laissé au hasard, tout est calculé pour donner un effet grandiose et flamboyant. Mais en creusant davantage, sous tout cet apparat se trouve un vide qui n’est caché qu’en surface.

07-02-2015



par David Lefebvre (2014)


Crédit photo : Erick Labbé

À l’issue de la représentation de la première partie de la tétralogie Jeux de cartes de Robert Lepage, une certitude s’impose : la technique scénique, signature inéluctable de l’enfant prodige du théâtre québécois, vole malheureusement la vedette à l’histoire. Pique avait pourtant les atouts pour remporter la mise : d’abord la symbolique arabe originelle de la figure « pique », soit l’épée, ou la guerre, un thème qui fut au cœur des débats et du quotidien du monde entier après l’attaque du 11 septembre. Puis, sur le jeu en général, plaçant les intrigues de l’histoire au cœur de la ville du vice, Las Vegas, en 2002.

Un couple de Québec vole vers Vegas pour un mariage rapide et kitsch, devant le King des kings, après sept ans de vie commune et un bébé à venir ; une immigrante illégale, travaillant comme femme de ménage dans un hôtel huppé, voit certains malaises l’inquiéter – et les médecins voulant bien la recevoir sont rares et chers ; un homme d’affaires anglais, travaillant pour un conglomérat télévisuel, parti à Las Vegas pour vendre une téléréalité, voit ses dettes de jeux et ses démons du gambling le rattraper, alors qu’il tente de tout oublier dans les bras de sa maîtresse française ; un soldat danois, au pays pour s’entraîner en vue d’une mission en Afghanistan avec l’armée américaine, se fait traiter durement, jusqu’au harcèlement sexuel par son supérieur ; un cowboy, rôdant dans l’hôtel, sème la zizanie, inspirant au vice, au chaos, ou dévoilant la dure réalité de certains touristes de passage. « On ne peut lutter contre le chaos, on ne peut apprendre qu’à danser avec lui » dira à la toute fin l’un des personnages.

Pièce chorale, Pique devait être intimement lié, selon son metteur en scène, au monde militaire. Mais il s’approche davantage à celui des combats intérieurs – problèmes moraux, doutes, lâcheté, pouvoir – que de l’armée. Elle creuse aussi le sillon de la mort chez tous les personnages, à différents niveaux, de la petite à la plus laide : que ce soit dans le travail ou au plus profond de son être intérieur, son âme, son cœur, ses relations ou même sa vie, qu’on voudrait voir se terminer.

Malgré les thèmes visités, jamais les personnages n’évoquent en nous un réel intérêt à suivre leurs vies, jamais on ne s’attache sincèrement à l’un d’eux, comme si nous avions conscience, inconsciemment, qu'ils sont simplement de passage, comme à Vegas. Peut-être parce que leur quotidien, voire leur destin, même s’il est ponctué de moments plus ou moins terribles, nous apparaît banal, ou alors les réponses aux questions soulevées lors de la représentation tardent à arriver et finissent par décevoir. La poésie qui se manifestait dans les créations de Lepage, de la tétralogie des dragons en passant par La face cachée de la lune ou même Le projet Anderson, manque à l’appel, étant maladroitement remplacée par une sexualité plaquée ou timide et une violence souvent non assumée. Le surnaturel vient même pointer le bout de son nez lors de la finale ouverte de Pique, alors que le cowboy – ou le diable? – semble prendre possession du corps du vieil anglais, dansant dans les flammes d’un feu de camp. Visuellement réussie, avec les volutes de fumée qui tournoient autour des comédiens, la scène laisse pourtant perplexe sur sa signification réelle, à moins qu'elle ne soit un pont vers les autres pièces de la tétralogie.  

Les six comédiens, qui signent aussi les textes de Pique en compagnie de Lepage et de Carole Faisant, offrent tout un chacun des performances toujours solides et un jeu brillant, changeant de personnage et de langue – du français à l’anglais à l’espagnol – en claquant des doigts.

L’ultime attrait de la soirée réside, sans surprise, au cœur du plateau circulaire faisant office d’aire de jeu, d’une redoutable ingéniosité. Pas moins de trente-six trappes, quatre portes cachées, des accès dissimulés pour les coulisses sous la scène, quatre écrans suspendus ainsi qu’une magnifique conception d’éclairage venant judicieusement compléter en lumière la scénographie, créent la réelle magie de Pique. L’étonnement nous habite tout au long de la pièce, en voyant se transformer cette scène ronde en plusieurs chambres, bar, casino, camp de l’armée ou même en désert du Nevada. Mais est-ce suffisant pour conclure que Pique est une pièce totalement réussie?

Prise seule, cette nouvelle création d’Ex Machina, qui tourne depuis plusieurs mois déjà en Europe, déçoit en partie, manquant de chair autour de l’os technologique qu’elle propose. Par contre, intégrée à Cœur, Carreau et Trèfle, les autres pans de la tétralogie Jeux de cartes, peut-être saura-t-elle trouver sa juste place et être un élément plus unificateur que révélateur. Une théorie qui pourra être contredite ou vérifiée dès le 30 janvier prochain, alors que Cœur prendra justement l’affiche de La Tohu.

15-01-2014