Entrez doucement, à pas feutrés, dans une atmosphère presque d'un autre temps. Laissez-vous emporter par ces quatre femmes aux gestes énigmatiques, troublants et désarmants.
Inspirée du travail iconographique et narratif de l'artiste plasticienne portugaise Paula Rego, dont les thèmes sont souvent exclus de la tradition picturale occidentale, cette invitation de Louise Bédard est une occasion de faire écho au discours que la société porte sur l'âge, processus lent et naturel qui nous entraîne pourtant dans une course effrénée : celle de se prémunir de la vieillesse.
Au travers d'images de femmes magnifiées et blessées, accompagnées de stimuli sonores, visuels, physiques et matériels, La Démarquise ouvre un dialogue où se jouent contrariétés et affranchissement, drame et volupté, porté par la poésie des corps sur scène.
Section vidéo
Composition originale et collage musical Diane Labrosse
Scénographie Marilène Bastien
Éclairages Bruno Rafie
Costumes et photo Valeska G.
Maquillage Angelo Barsetti
Parole de chorégraphe : 17 mars
Prévente 4 pour 64$
Cette œuvre dure plus de 2 heures et le spectateur est invité à circuler librement.
Exposition présentée au Laboratoire de l'Agora de la danse en parallèle.
Production Louise Bédard Danse
Résidences de création Agora de la danse, Circuit-Est centre chorégraphique, Fondation Guido Molinari, Maison de la culture Frontenac
Lorsque le public entre dans la salle de l’Agora de la danse, tout est blanc. Une danseuse est assise sur une chaise sur la scène, avec des lunettes fumées et un drink qu’elle boit doucement. Sur une plateforme qui s’avance dans le public, une seconde danseuse est assise sur une chaise identique. Au centre de la scène, une troisième s’affaire à disposer une bâche sur une structure de bois pour la recouvrir. C’est sur cette pantomime quotidienne que le spectacle débute. Les danseuses échangent de place, se promènent sur la scène. L’une d’elles s’avance en talons hauts, avec une jupe courte et une petite valise d’infirmière qu’elle vide délicatement sur le sol pour en montrer toutes les composantes. Elle se met un pansement sur le doigt, puis range toutes ses affaires. Cette déconstruction du mythe de l’infirmière, l’un des plus grands clichés rattachés au féminin, donne le ton à la nouvelle création de Louise Bédard.
Avec La Démarquise, l’artiste souhaitait interroger son statut d’artiste et son rapport au vieillissement en tant que danseuse et chorégraphe. L’envie de se retrouver entre femmes pour cette création s’est donc imposée d’emblée. C’est un tableau de Paula Rego qui a agi comme point de départ au spectacle. Non seulement Bédard aime la force des traits des personnages de femmes que l’on retrouve dans le travail pictural de Rego, mais la peinture lui permet d’adopter un nouveau regard sur le mouvement. Puiser dans le travail d’autres artistes permet à Louise Bédard d’envisager la danse autrement.
La Démarquise démontre un grand travail de l’espace. Les danseuses évoluent sur une scène presque vide, à laquelle s’ajoutent parfois quelques accessoires comme un coussin de divan, un petit vélo et des montagnes de vêtements. L’épuration de la scène permet ainsi de laisser toute la place à l’interprétation impeccable des cinq danseuses et contrebalance avec la densité des images évoquées. Le spectacle se présente comme un montage de courtes histoires poétiques illuminées par les éclairages éclatants de Bruno Rafie.
À partir de solos que Bédard a travaillés individuellement avec chacune des danseuses, la chorégraphe a produit une œuvre collective où la complicité des interprètes est manifeste. Miriah Brennan, Marie Claire Forté, Alanna Kraaijeveld, Sarah Williams et Gabrielle Surprenant-Lacasse ont un plaisir contagieux à construire sur scène une variété d’univers parfois ludiques, souvent émouvants. Parmi les scènes les plus réussies, mentionnons la démystification du Sacre du printemps, qui fait écho à l’idée de « démarquage » qui se laisse entendre dans le titre du spectacle. Les danseuses, affublées d’une cagoule transparente, reproduisent vocalement le thème de ce canon de la danse contemporaine en faisant des bruits de bouche qui rappellent ceux d’animaux.
La Démarquise présente aussi un travail minutieux sur les nombreux changements de costumes, qui prennent des formes diverses, entre pudeur et impudeur. La lenteur avec laquelle les danseuses enfilent et désenfilent leurs vêtements dans la première partie du spectacle prend des allures de rituel. La scène finale est également magnifique à cet égard, alors que les interprètes utilisent le potentiel visuel du sac à main, qui devient tantôt personnage, chapeau ou accessoire.
La Démarquise s’impose comme une œuvre clé dans le parcours d’artiste de Louise Bédard. En parallèle du processus d’archivage et de passation qu’elle avait amorcés l’an dernier avec la reprise de son œuvre phare Cartes postales de Chimère, l’artiste continue à créer des chorégraphies bouleversantes et poétiques.