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Du 22 au 25 septembre 2015, 19h
Les enchaînés
Danse - Hors-série
Chorégraphie et interprétation : Karina Champoux
Musique originale et interprétation : Philippe B

Au son du métronome, les lumières deviennent des ombres qui s’étirent en un halo grisâtre, les imposants escaliers se transforment en labyrinthes qu’on arpente, les colonnades et les moulures en un extravagant décor. Empruntant l’identité visuelle du film noir, Karina Champoux et le musicien, compositeur et interprète Philippe B investissent le café-bar de l’Agora de la danse pour une performance sombre et éloquente. De travail de présence en incarnation théâtrale, les deux protagonistes font face aux fantômes qui résident en eux, noués, suspendus dans le passé. Élégants, tout en sobriété à l’extérieur, ils masquent comme ils peuvent les tourments qui les accablent, intimement liés par une tension commune. Accueilli dans l’espace en formule cabaret, le public assiste à la quête de ces deux êtres blessés, statufiés par l’amour perdu et l’abandon. Les notes d’une composition originale interprétée en direct au piano s’égrènent, graves et puissantes, comme autant d’hommages au maître du suspense, Alfred Hitchcock, et à l’architecture du lieu.


Costumes : Denis Lemieux
Éclairages : Alexandre Pilon-Guay
Répétiteur : Pierre-Marc Ouellette
Conseillers artistiques : Alix Dufresne, Émilie Laforest
Photo : Pierre-Luc Moisan

Tarif : 24$

Parole de chorégraphe : 24 septembre

Une production Karina Champoux et Philippe B


Agora de la danse - La présentation a lieu au bar-café de l’Agora de la danse
840, rue Cherrier
Billetterie : 514 525-1500, réseau Admission 514 790-1245
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Critique

En parfaite symbiose

En septembre 2016, quatre institutions majeures – Les Grands Ballets Canadiens de Montréal, l’École de danse contemporaine de Montréal, Tangente et l’Agora de la danse – investiront l’Espace danse, en plein cœur du Quartier des spectacles. Ce nouveau lieu exclusivement dédié aux arts chorégraphiques servira de centre de diffusion, de création, de formation et d’entrainement, permettant aux artistes de se développer à leur plein potentiel. Ayant fréquenté assidument l’Agora de la danse comme interprète et comme spectatrice, Karina Champoux avait envie de rendre hommage à l’architecture de ce lieu emblématique avant le grand déménagement. C’est donc dans le café-bar de l’Agora qu’était présenté son spectacle Les enchaînés, créé en collaboration avec l’auteur-compositeur-interprète Philippe B.

Se servant de l’imposant escalier central de l’Agora de la danse à la fois comme scène et comme décor, les deux artistes se sont inspirés de l’esthétique du film noir pour proposer une réflexion intime sur l’amour perdu et sur l’abandon. Dans les films d’Alfred Hitchcock, les escaliers portent une double signification, à la fois montée vers la connaissance et descente vers le chaos. Entre tension et relâchement, Karina Champoux rappelait autant une ballerine de boîte à musique qu’une poupée désarticulée. La musique de Philippe B., qui mélangeait improvisation, thèmes connus et motifs répétitifs, s’accordait parfaitement avec les mouvements lents, minimalistes et rigides de la danseuse. À plusieurs moments, on croyait d’ailleurs entendre des thèmes tirés des bandes sonores de Bernard Herrmann, connu pour avoir composé la musique de certains des plus grands films d’Hitchcock (Citizen Kane, Psycho, The Birds).

Les lumières d’Alexandre Pilon Guay ajoutaient aussi une dimension à la fois féérique et inquiétante au spectacle, que ce soit grâce aux ampoules nues qui éclairaient le piano, à l’ombre du métronome projetée sur l’immensité des colonnes de l’escalier, ou encore à une lumière rouge qui morcelait le visage et le corps de la danseuse. Lors d’une des plus belles scènes du spectacle, Philippe B. prenait Karina Champoux en photo alors qu’elle était étendue dans les marches de l’escalier, dans la noirceur complète. Ainsi, seul le flash de la caméra éclairait d’une lumière vive le corps de la danseuse, qui changeait de position entre chaque cliché, renvoyant directement aux photos prises sur des scènes de meurtre.

Puisque le lieu était à la base de leur projet de création, Philippe B. et Karina Champoux ont choisi de reconstituer le mouvement et l’activité qui régnaient durant les répétitions, alors que des étudiants passaient régulièrement dans les corridors. C’est pourquoi ils n’ont pas essayé d’atténuer les bruits de pas dans les locaux avoisinants ou les voix provenant du hall d’entrée qui pouvaient encore être entendus lors du spectacle. Il s’agissait pour eux de s’imprégner de l’histoire, des vibrations et du mouvement attachés à ce lieu de passage. Le tableau Migration, de la peintre et danse Christina Coleman, installé en permanence sur le mur du fond du second palier de l’Agora, prenait d’ailleurs une tout autre signification dans le cadre du spectacle.

Les enchaînés constitue une fusion parfaitement réussie de deux univers artistiques pourtant assez éloignés l’un de l’autre. Karina Champoux, que l’on a l’habitude de voir dans les chorégraphies rythmées de Danièle Desnoyers ou de Dave St-Pierre, montre ici une tout autre facette de sa personnalité, alors que Philippe B., habitué aux collaborations musicales (Pierre Lapointe, Les sœurs Boulay, Groenland), se révèle sensible à la fragilité de sa complice.

25-09-2015