La danse furieuse et la musique explosive d’Uprising, présentée en programme double à Danse Danse en 2009 avec In your rooms, qui s’inspirait des émeutes dans les banlieues françaises, ont marqué notre imaginaire, tout comme la charge puissante et bouleversante de Political Mother qui, en 2012, traitait de dictature et d’oppression. Avec les 14 danseurs de Sun, créée en 2013, Hofesh Shechter creuse encore le sillon du rapport entre l’individu et la société.
Gratter le vernis des apparences
Dans Sun, Hofesh Shechter met cette fois-ci en scène l’idée d’une structure sociale qui, comme le soleil, peut menacer l’humain tout autant que lui faire du bien. Entre ombre et lumière, il crée un espace ambigu où la beauté et le mal font parfois bon ménage, où l’humour et le sarcasme soulagent les tensions. Il invente une tribu singulière qu’il soumet aux caprices d’un machiavélique maître de cérémonie, personnage creux d’une société en quête de sens.
Il orchestre une fête où Wagner flirte avec l’électro-rock, la cornemuse et les mantras, dans un joyeux métissage des danses classique, tribale, sociale, folklorique et contemporaine. Au fil d’une succession de séquences contrastées et souvent théâtrales, il montre comment, sous le confort apparent d’un monde presque parfait, la raison du plus fort façonne nos valeurs, nos jugements et nos vies. Féroce et diablement efficace.
Décors Merle Hensel
Lumière Lee Curran
Costume Christina Cunningham
Crédit photo : prise sur
artnewsportal.com
Durée 1h15
Billets à partir de 37,50$
Production Hofesh Shechter Company (Royaume-Uni)
Section vidéo
Le chorégraphe israélien Hofesh Shechter fait partie des figures les plus importantes de la danse contemporaine. En témoigne la première édition du #HOFEST à l’automne 2015, un festival londonien dédié uniquement à ses œuvres. Du 5 au 7 novembre, l’artiste est de passage à Montréal avec son spectacle Sun, créé en 2013. On y retrouve encore des réflexions qui lui sont chères, notamment le rapport entre l’individu et la société dans laquelle il évolue.
D’entrée de jeu, la voix du chorégraphe se fait entendre par les haut-parleurs du Théâtre Maisonneuve. Comme provenant d’outre-tombe, elle introduit le spectacle en présentant aux spectateurs les dernières minutes de Sun. L’objectif est soi-disant de les rassurer quant à sa finalité heureuse du spectacle. Cet écart entre le happy-ending festif donné à voir au public et l’étrangeté de la voix de ce maître de cérémonie invisible représente bien l’ambivalence qui traverse le spectacle.
Les 13 danseurs démontrent tous une maîtrise virtuose de la danse, autant par leur endurance physique exemplaire que par la finesse de leur interprétation des personnages. Tous habillés avec des costumes blancs de Colombine et de Pierrot, ils enchaînent les entrées et les sorties de scène, ainsi que les solos et les chorégraphies de groupes. Ils campent des personnages à la fois drôle et épeurant, qui rappellent que les apparences sont parfois trompeuses. Il arrive également que les danseurs animent des personnages dessinés sur des panneaux de carton, mettant en relief le rapport de force entre un loup et des brebis, ou encore entre des indigènes et des colons armés. Ces séquences très théâtrales reviennent périodiquement au cours du spectacle pour ponctuer les tableaux dansés et les interventions préenregistrées.
Comme à son habitude, Hofesh Shechter assure la conception musicale du spectacle, qui mélange la cornemuse, les percussions, l’électro-rock et la musique de Richard Wagner. Les contrastes entre ces différents univers, en plus d’être originaux, donnent une force supplémentaire à la pièce. La collaboration du chorégraphe avec des artistes d’opéra lui a sans doute permis d’arriver à une aussi bonne symbiose entre les mouvements des danseurs et leur accompagnement musical.
On ne peut passer sous silence la beauté des éclairages de Lee Curran, notamment son plafond d’ampoules LED ou son immense soleil orangé. L’artiste montre intelligemment que ce soleil en apparence chaud et réconfortant peut aussi être une source de destruction dangereuse pour l’humain. Alternant entre une quasi-obscurité et une clarté aveuglante, les éclairages structurent l’espace et marquent le déroulement cyclique du temps qui passe.
Avec Sun, Hofesh Schechter dresse un portrait d’une société où les masques tombent et où le bien et le mal s’entremêlent. Le chorégraphe montre ce qui se cache sous le vernis d’un monde en apparence fécond et chaleureux.
Mentionnons que la Hofesh Schechter Company sera de passage au Grand Théâtre de Québec le 9 novembre avec Barbarians, un autre des spectacles de son répertoire.