Au cœur du ring, sous le feu des projecteurs, quatre individus se rencontrent, s’affrontent et gagnent tantôt en animalité, tantôt en humanité.
Animal triste est une œuvre sur la condition humaine, sur la place que l’Homme s’octroie alors qu’il est et reste toujours « un animal comme les autres ». Pour s’extraire de ce chemin, il construit une famille, une civilisation, conquiert, et souvent domine ou opprime. Il est cet être insignifiant qui aspire à un peu plus et à un peu mieux. Mélanie Demers tente ici de saisir la nature et la posture de l’Homme dans toute son Humanité.
Après 10 ans de carrière en tant qu’interprète avec O Vertigo, Mélanie Demers fonde sa compagnie MAYDAY où elle explore le lien puissant liant le poétique et le politique. Socialement engagée, elle voyage pour enseigner la danse au Kenya, au Niger, au Brésil et en Haïti. La réalité des pays en voie de développement la mène vers un art qui n’a de sens que dans sa capacité à susciter l’action et la réflexion. C’est dans cette perspective qu’elle crée les pièces Les Angles Morts (2006), Sauver sa peau (2008), Junkyard/Paradis (2010), Goodbye (2012), MAYDAY remix (2014) et WOULD (2015). Au cours de la prochaine année, Mélanie Demers œuvrera à l’étranger à titre de chorégraphe invitée, entre autres, au Skånes Dansteater à Malmö et à OperaEstate Festival à Bassano. À ce jour, elle compte une vingtaine de créations à son actif. Elle a présenté ses œuvres dans une trentaine de villes en Europe, en Amérique, en Afrique et en Asie.
Section vidéo
Répétitions Anne-Marie Jourdenais
Dramaturgie Angélique Willkie
Éclairages Alexandre Pilon-Guay
Musique Jacques Poulin-Denis et Anthoine Berthiaume
Direction technique Olivier Chopinet
Photo Mathieu Doyon
Durée 1h
Tarif de 22$ à 35$
Production MAYDAY
Coproduction Festival Danse Canada
Résidences de création Agora de la danse, Circuit-Est centre chorégraphique
Le 22 février dernier, l’édifice Wilder a été inauguré en plein cœur du quartier des spectacles à Montréal, devenant ainsi le quartier général de la danse à Montréal. Les Grands Ballets canadiens de Montréal, l’École de danse contemporaine de Montréal, Tangence et l’Agora de la danse se partagent ainsi les différents espaces de l’édifice, comprenant notamment trois salles de spectacle et une salle de répétition bien adaptées à la réalité des danseurs, notamment par le biais d’un plancher résilient. La directrice générale de l’Agora de la danse, Francine Bernier, espère qu’une fois bien installés dans l’édifice, le partage d’un même espace puisse donner lieu à un mélange entre le ballet et le contemporain, ainsi qu’à des collaborations artistiques entre les différentes entités.
C’est à Mélanie Demers qu’est revenue la tâche d’inaugurer la salle Françoise Sullivan. Francine Bernier considère qu’en tant qu’Haïtienne de mère québécoise blanche, cette artiste représente bien le Québec d’aujourd’hui ainsi que le milieu de la danse contemporaine majoritairement composé de femmes. Cette danseuse et chorégraphe a fait ses études à l’École de danse contemporaine ; elle a ensuite dansé au sein de la compagnie O Vertigo, ainsi que dans plusieurs spectacles diffusés par Tangence, avant de créer sa propre compagnie, Mayday. Elle a également remporté le prix du Conseil des arts et des lettres du Québec 2015 pour la meilleure œuvre chorégraphique avec son spectacle Would.
Avec Animal triste, Mélanie Demers a voulutransposer l’histoire de l’humanité dans le corps des interprètes Marc Boivin, Francis Ducharme, Chi Long et Riley Sims, en construisant une chorégraphie autour des thématiques de l’évolution, de l’héritage et de la filiation. Inspirée par le best-seller Sapiens, de l’auteur israélien Yuval Noah Harari,elle explore, à travers quatre chapitres, les contradictions entre l’individualité et le vivre-ensemble, ainsi qu’entre ce qui tient de l’inné et de l’acquis.
Mélanie Demers a choisi de faire appel à des danseurs aux âges et au parcours fort différents, ce qui reproduit un portrait social hétéroclite à l’image du métissage de la société contemporaine. Si les mouvements très intuitifs des danseurs au début du spectacle rappellent certains comportements animaux, la représentation du corps se modifie au cours de la pièce pour donner lieu à un solo final bien construit aux allures de rituel, performé par le cadet de la distribution, Riley Sims. Les quatre interprètes arborent un collier de perles enroulé plusieurs fois autour de leur cou. C’est que ce bijou représente pour Demers à la fois un signe civilisé de royauté, tout en restant très primitif par son matériau naturel. Néanmoins, la théâtralité très présente dans les œuvres précédentes de Mélanie Demers est évacuée d’Animal triste, alors que la chorégraphe explore davantage le travail physique brut des danseurs.
La scénographie se limite à des dizaines de projecteurs disposés tout autour de la scène, dont les fils électriques jaunes encombrent la surface de danse. Dans un tableau initial (et initiatique), les danseurs dégagent lentement la scène en allant brancher chacun des projecteurs sur les murs de la salle, créant ainsi un espace vide rappelant une arène (ou un enclos). La conception sonore d’Antoine Berthiaume et Jacques Poulin-Denis, qui mélange musique atmosphérique et chansons populaires, accompagne bien l’évolution que met en relief Mélanie Demers dans sa création chorégraphique. Le recours à des répliques de films ou à des airs connus ajoute un côté ludique au spectacle.
Soulignons pour finir qu’en marge d’Animal triste, l’Agora de la danse présente 17 photographies prises par Maurice Perron de la performance « Danse dans la neige » de Françoise Sullivan datant de l’hiver 1948. Cette exposition, présentée dans le café-bar du Wilder, rappelle que cet acte dansé il y a près de 70 ans est considéré comme un moment fondateur de la modernité en danse.