Après 20 ans d’absence, l’éblouissant Nederlands Dans Theater revient enfin à Montréal avec son approche novatrice de la danse portée par des danseurs d’exception. Dans Sehnsucht et Stop-Motion, Paul Lightfoot, le directeur artistique de cette compagnie de renommée internationale, déploie toute l’ampleur de la signature qu’il a développée avec sa complice de longue date et conseillère artistique Sol León. Esthétiquement très différentes, ces deux oeuvres témoignent d’une écriture sophistiquée dans une scénographie aussi efficace qu’épurée : un cube ouvert en suspension pour la première ; des projections géantes pour la seconde. La lumière y transfigure l’espace autant que dans In the Event, de Crystal Pite, qui complète le programme. Entre jeux d’ombres, ralentis, gestes syncopés et arrêts sur image, la chorégraphe offre ici l’une de ses plus surprenantes créations. Un très grand moment de danse, un spectacle d’une beauté inouïe, tout en nuances et en virtuosité. Un événement.
Le Nederlands Dans Theater (NDT) est l’un des grands leaders en danse contemporaine et l’une des plus belles compagnies du monde. Depuis sa fondation en 1959, cette compagnie révolutionnaire a construit un riche répertoire de 600 pièces de maîtres chorégraphes, tels Jiří Kylián, Hans van Manen, Sol León et Paul Lightfoot, chorégraphes résidents du NDT ainsi que de chorégraphes associés, tels Crystal Pite et Marco Goecke. Les danseurs du NDT sont réputés pour leur polyvalence, leur étonnante technique et leur virtuosité. Toujours à l’avant-garde, la compagnie travaille constamment à repousser les limites de la création pour définir la danse de demain.
Sehnsucht
Chorégraphie Sol León, Paul Lightfoot. Musique Ludwig van Beethoven Pianoconcerto Nr. 3 in C-minor, Opus 37: Movement II: Largo. Symphony Nr. 5 in C-minor, Opus 67: Movement III: Allegro and Movement IV: Allegro-Presto. Pianoconcerto Nr. 4 in G-major. Opus 58: Movement II: Andante con Moto. Enregistré par Berliner Philharmoniker chef d'orchestre Herbert voKarajan (Symphony Nr. 5) et le chef d'orchestre Claudio Abbado (Pianoconcertos Nr. 3 & 4); pianiste Maurizio Pollini. Lumières Tom Bevoort. Costumes et décor Sol León, Paul Lightfoot.
Première mondiale 7 mai 2009, Lucent Danstheater, The Hague. Première mondiale version longue 25 novembre 2010, Lucent Danstheater, The Hague.
In the Event
Chorégraphie Crystal Pite. Musique Owen Belton – nouvelle composition; enregistrement du piano Jan Schouten. Décor Jay Gower Taylor. Costumes Crystal Pite, Joke Visser.
Première mondiale 16 avril 2015, Lucent Danstheater, The Hague.
Stop-Motion
Chorégraphie Sol León, Paul Lightfoot. Musique Max Richter: Ocean House Mirror, Powder Pills Truth, He is here, Everything is burning, November, Monologue, A lover’s complaint, On the Shore, End title, Sorrow Atoms, How to die in Oregon. Lumières Tom Bevoort. Décor Sol León, Paul Lightfoot. Costumes Joke Visser, Hermien Hollander. Vidéo Sol León, Paul Lightfoot (concept), Rahi Rezvani (caméra et direction), Dicky Schuttel (caméra), Dicky Schuttel, Harmen Straatman (édition).
Première mondiale 29 janvier 2014, Lucent Danstheater, Den Haag.
Durée 2h
Tarif : à partir de 41,50$
Rencontre post-spectacle avec les artistes
Vendredi 4 novembre 2016
Production Nederlands Dans Theater
Section vidéo
Après plus de 20 ans d’absence, le Nederlands Dans Theater est de retour à Montréal pour présenter un programme triple au Théâtre Maisonneuve. Fondée en 1959, cette troupe est reconnue internationalement pour la polyvalence de ses danseurs âgés de 22 à 38 ans. Le Figaro Magazine a même qualifié la compagnie de l’une des sept merveilles du monde de la danse. Parmi son répertoire d’œuvres contemporaines, le Nederlands Dans Theater compte des créations de Jiri Kylián, Ohad Naharin, William Forsythe ou encore Nacho Duato.
Avec Sehnsucht, les chorégraphes Sol León et Paul Lightfoot ont voulu aborder la question du désir et de la nostalgie. La pièce s’ouvre sur un danseur recroquevillé sur le sol, entièrement dépouillé de son caractère anthropomorphique. Jusqu’à ce qu’il se redresse pour se mettre debout, la position qu’il adopte le rapproche d’un animal à carapace, ou encore d’un rocher. À l’arrière de la scène, un couple de danseurs évoque les souvenirs d’un passé révolu dans un cube qui semble suspendu dans les airs. Si les quelques meubles – une table et une petite chaise – recréent l’intérieur d’une maison, une impression d’étrangeté se dégage de ce décor épuré. En effet, une ombre sur le plancher laisse deviner la présence d’une fenêtre au plafond, et la porte d’entrée est placée à l’horizontale plutôt qu’à la verticale. Puis, le cube se met à tourner sur lui-même, plongeant les interprètes dans un environnement proche du rêve qui les oblige à s’adapter à la nouvelle configuration de l’espace, dans lequel les objets sont constamment dans une relation anormale les uns avec les autres. Ainsi, l’attention du spectateur est sans cesse partagée entre le soliste à l’avant-scène et le couple dans la structure suspendue. Le cube recule ensuite pour faire place à une danse de groupe très rythmée où une dizaine de danseurs s’exécutent sur de la musique de Beethoven.
Dans un tout autre registre, la pièce In the Event, de la chorégraphe canadienne Crystal Pite, rend hommage à la puissance de la nature et au mystère de l’âme humaine sur une musique originale percussive. La pièce débute alors qu’une danseuse git étendue sur la scène, entourée de sept autres danseurs qui la regardent. Inspirée de la perte d’un être cher, Pite a voulu explorer la manière de réagir d’un humain qui vit un traumatisme. Elle a donc conçu une chorégraphie très expressive, proche du rituel, dans laquelle les danseurs habillés de noir multiplient les chutes au ralenti, les gestes saccadés et les mouvements désarticulés. Une narration naît également des jeux d’ombre chinoise que permettent les éclairages très sombres et la projection d’éclairs qui rappellent un orage électrique. In the Event présente une belle alternance entre les solos et les danses de groupes, qui ajoute du dynamisme à des images parfois un peu trop illustratives et convenues liées à la thématique du deuil.
La pièce Stop-Motion, de Sol León et Paul Lightfoot, débute avec la projection de la fille des chorégraphes sur un grand écran qui surplombe la scène. Lentement, elle se tourne, observe le public, baisse la tête. À l’occasion, elle semble regarder les danseurs évoluer sur scène comme un manipulateur surveillerait ses créations. Sur une musique très cinématographique de Max Richter, les danseurs évoquent comment le passé et l’avenir se fondent dans le présent. À l’approche de la destruction du Lucent Danstheatre, le théâtre de résidence du Nederlands Dans Theatre, León et Lightfoot ont voulu transmettre dans leur création leurs appréhensions face à ce bouleversement majeur pour la compagnie. Au plus fort de la pièce, le danseur afro-américain Prince Credell danse un magnifique solo sur une scène couverte de farine, dont la blancheur rappelle la poussière d’un bâtiment en démolition. La descente des éclairages et l’abaissement des rideaux qui closent le spectacle s’ajoutent également à cet imaginaire de destruction.
Malgré la diversité des œuvres de la soirée, les trois chorégraphes semblent avoir le même intérêt pour le monde en transformation. Chacune des pièces pose la question d’une renaissance provoquée par un changement majeur dans l’environnement intime ou social de l’individu. Moins pour l’innovation de son langage chorégraphique que par sa technique irréprochable, le Nederlands Dans Theatre prouve qu’il a sa place parmi les compagnies les plus prestigieuses de la danse contemporaine.