Troisième Espace Theatre est fier de présenter sa troisième production Proje(c)t; les bonnes. L’idée principale est de transposer l’histoire de Solange et de sa soeur Claire, deux servantes, dans le riche manoir d’une Canadienne anglaise de Westmount. Dans cette adaptation libre, Claire et Solange vont traverser différentes époques : de la Grande- Dépression à la postmodernité montréalaise.

Solange (Camila Forteza) et Claire (Marie-Ève Bérubé) travaillent pour une riche femme. Durant son absence, elles s’amusent à fabuler le meurtre de Madame (Alexandra Petrachuk). Relations floues, jeu de rôles, évoluant constamment entre idées de grandeur et de persécution. Malheureusement, leur petit rituel laisse des traces et leur manigance se retourne contre elles. Se sachant bientôt dévoilées aux yeux du monde, entre délire et paranoïa, elles accomplissent pour la dernière fois cette cérémonie. Un jeu qui leur sera fatal.

L’enjeu est d’exposer les difficultés et les inégalités sociales des femmes de 1940 à aujourd’hui. Est-ce toujours à la mode d’avoir à sa merci une domestique à la maison? Quelles sont maintenant leurs conditions de travail? D’après nos recherches préliminaires, les employées de ces quartiers, tels Westmount et Outremont, sont rarement chapeautées par des Québécoises francophones, mais des immigrantes bel et bien venues d’Amérique du Sud et des Philippines. À cet égard, avons-nous évolué depuis les années 40 ?

Adaptation du texte de Jean Genet
Mise en scène: Roxane Loumède-Jutras
Interprétation Marie-Ève Bérubé, Camila Forteza et Alexandra Petrachuk

Depuis 2015, Troisième Espace Théâtre cherche à bâtir des ponts entre les théâtres anglophone et francophone de Montréal. Pour sa troisième production, la compagnie propose une transposition de la pièce française Les bonnes de Jean Genet dans le Westmount des années 1940. Ainsi, les domestiques Claire et Solange, francophones, sont employées par une riche anglophone de Montréal. Les deux sœurs parlent donc en français lorsqu’elles sont ensemble, mais elles s’expriment en anglais lorsqu’elles imitent leur maîtresse ou lorsqu’elles s’adressent à elle. Non seulement la situation dramatique des Bonnes se prête naturellement aux aspirations bilingues de la compagnie Troisième Espace, mais ce mélange des langues ajoute une profondeur sociale et politique à la pièce de Genet.

Alex Petrachuk incarne une Madame excentrique et distinguée à souhait. Avec son maquillage prononcé, ses bas résille, sa cigarette et son manteau de vison, elle dégage une sensualité qui explique bien la fascination qu’éprouvent les bonnes à son égard. À cet effet, Camila Forteza et Marie-Ève Bérubé se prêtent au jeu de rôle avec une intensité troublante, parfois proche du masochisme, ce qui rend crédible la fin tragique de la pièce. En empruntant la robe et le maquillage de leur maîtresse, les bonnes entrent dans un état second qui les dépasse : « Arrête Claire! Redeviens ma sœur! » Grâce à une direction d’actrices irréprochable, la dynamique entre les personnages est bien nuancée et s’écarte d’un manichéisme facile qui opposerait une méchante maîtresse à ses deux bonnes soumises. Au contraire, les trois femmes semblent être particulièrement complices.

Le décor représente essentiellement la chambre de Madame, où trônent un lit défait aux draps de soie et une coiffeuse sur laquelle reposent les accessoires personnels de Madame. Toutefois, deux fenêtres servent de surface de projection pour des images d’archives où l’on reconnait l’architecture de la ville de Montréal. Pour la metteure en scène, cet ancrage dans le contexte québécois permet de rappeler que la majorité des bonnes engagées par les familles bourgeoises montréalaises sont des immigrantes qui doivent parler une langue différente de leur langue maternelle avec leur employeur.

Avec Proje(c)t Les bonnes, la compagnie Troisième Espace réalise de manière exemplaire l’idéal d’un projet théâtral inclusif, rassembleur et bilingue à Montréal.