Vernissage : jeudi 10 mai – 17 h
L’œuvre de Lara Kramer met en contraste les relations brutales qu’entretiennent les peuples autochtones et la société coloniale. Dans le cadre de cette performance et installation, Kramer plonge le spectateur dans la réalité de l’ancienne Pelican Lake Indian Residential School où ont étudié trois générations de sa famille. Produite en collaboration avec Stefan Petersen, Phantom… explore les contrecoups résiduels des pensionnats et le traumatisme qui imprègne notre paysage.
Lara Kramer est une chorégraphe et artiste multidisciplinaire ojie-crie. Ses travaux ont été encensés par la critique, y compris Native Girl Syndrome, œuvre traitant et de la victimisation des femmes autochtones et des séquelles laissées par le génocide culturel.
Crédits supplémentaires et autres informations
Photo Lara Kramer
Lara Kramer Danse (Montréal)
La présence sensible et forte de l’artiste multidisciplinaire Lara Kramer est partout dans l’installation Phantom Stills and Vibrations, qui prend place au MAI jusqu’au 10 juin 2018, à l’occasion (aussi) du Festival TransAmériques.
La silhouette de l’artiste d’origine métissée ojie-crie et menonnite est la seule qui habite physiquement les lieux alors qu’elle apparaît vêtue d’un grand drap blanc dans une série de polaroïds pris devant l’ancien pensionnat autochtone de Pelican Falls, en Ontario. Derrière elle, la façade beige du bâtiment, froide et sans identité particulière, semble faire bloc face aux vibrations de l’artiste.
Les traumatismes et les fractures au sein de la communauté de la région de Thunder Bay se répercutent dans le silence qui règne sur les différentes stations formant l’installation de Kramer. Disposées dans l’espace, ces stations renvoient à une absence, à une culture réduite à s’exprimer en catimini, dans l’intimité, et à une société fragmentée par les politiques colonialistes ou capitalistes. Car tantôt c’est le territoire qui souffre, les cultures de riz sauvage noyées par dessein industriel, tantôt c’est le cœur battant de la communauté, emmurée par des plaques de tôles, glaciales en hiver.
Phantom Stills and Vibrations parle aussi de la distance entre la réalité quotidienne des communautés et le reste de la société canadienne. Une barrière qui prend la forme d’une pellicule plastique séparant le public et l’espace central de l’installation, où une embarcation cassée en deux pointe vers le ciel. Entre quatre piliers de béton, Lara Kramer et Stefan Petersen se meuvent avec lenteur. La silhouette de Kramer se découpe sous un drap blanc, sorte de linceul dans lequel elle s’enveloppe et contre lequel elle se débat parfois dans un élan rapidement contenu. Le drap blanc fait écho aux couvertures du pensionnat, sagement pliées et alignées sur des bancs d’école contre l’un des murs de la salle d’exposition. De l’autre côté de l’espace de performance, Petersen lime des fusains de couleur sur un drap, traçant des formes abstraites que l’on peut imaginer village ou paysage et que Kramer vient balayer d’un seul mouvement en roulant dessus.
Pour toute ambiance sonore, l’artiste fait d’abord résonner des bruits de la nature, bourdonnements d’insectes et chants d’oiseaux, créant un environnement paisible, avant de graduellement saturer l’air d’une vibration persistante (moteur? vrombissement électrique?) qui trouble et angoisse avant de replonger dans le silence.
Avec Phantom Stills and Vibrations, Lara Kramer nous fait vivre l’espace d’un instant la charge émotive et même physique de ces fantômes hérités d’un passé colonialiste et d’une société qui a longtemps tenté d’exclure tout un pan de sa collectivité : la culture et les communautés des Premières Nations. Il faut aller entendre sa parole.