Adaptation du roman de Hjalmar Söderberg, publié en 1905, la pièce de théâtre Doktor Glas est un véritable tour de force. Seul sur scène, Krister Henriksson incarne le docteur Glas, une âme romantique et solitaire qui compense une vie de regrets en se dévouant corps et âme à ses patients. L’action se déroule à Stockholm, vers la fin du XIXe siècle.
Krister Henriksson est un célèbre acteur suédois, vedette de la série Wallander, traduite dans plusieurs langues et diffusée à Télé-Québec. La pièce a connu un immense succès dans les pays nordiques et ailleurs notamment à Londres. Le quotidien d’information britannique The Guardian en a d’ailleurs fait une critique dithyrambique, où on décrit Doktor Glas comme un hybride entre un suspense, un essai métaphysique avec des moments poétiques, et quelques bribes d’humour sinistre.
Adaptation du roman de Hjalmar Söderberg
Mise en scène Peder Bjurman
Avec Krister Henriksson
Crédits supplémentaires et autres informations
Présenté au cours du Printemps nordique
Tarif : de 35.01 à 90.00 $
Théâtre Royal Dramatique
Cette année, le printemps n’est pas seulement froid, il est nordique! Du 4 au 29 avril, la Place des Arts invitait en effet le public à s’immerger dans la grande vivacité culturelle des pays du nord, de la Suède au Danemark en passant par la Finlande, l’Islande et la Norvège. Danse, théâtre, crique, arts numériques et visuels, musique, littérature… c’était l’occasion de visiter des œuvres et des artistes moins connus au Québec.
Pour clore sa dernière semaine de Printemps nordique, la PdA recevait le Théâtre dramatique royal de Suède Dramaten et son Doktor Glas. Adaptée du roman de Hjalmar Söderberg, la production du Dramaten prend la forme d’un étrange thriller au rythme presque alangui, celui de son personnage principal. Le texte de Söderberg, publié en 1905, avait durement été accueilli en son temps en raison des sujets abordés : suicide, viol conjugal, meurtre. Il résonne encore aujourd’hui.
Le docteur Glas du titre est un homme vieillissant et plein de regret. Il a passé sa vie à la regarder filer sans lui, sans jamais vraiment s’investir dans quoi que ce soit. Devenu médecin sans passion, sans ambition ou philanthropie, il se promène dans les rues de Stockholm sans en voir la beauté, avec dans les poches le moyen de mettre un terme aisément à sa vie dans la même solitude qui a régné sur son existence. Un jour, il se trouve néanmoins une raison d’être lorsque la femme du révérend Gregorius vient lui demander son aide.
Seul en scène, Krister Henriksson (plus connu pour son interprétation de Wallander dans la série du même nom) maîtrise le récit et le livre avec un contrôle et une lassitude qui auraient pu ennuyer, mais qui au contraire magnétisent. Le charisme de l’acteur suédois est un véritable phare sur la grande scène dépouillée du Théâtre Maisonneuve. Le metteur en scène et scénographe Peter Bjurman, collaborateur régulier de Robert Lepage, lui offre un vaste plateau, cintré en son centre par un cube aussi imposant que vide. Comme elle le fait avec le docteur Glas, la lumière traverse ce cube sans jamais l’atteindre et rien ne parvient à le remplir.
Quelques changements d’éclairage, quelques notes de musiques accompagnent subtilement l’acteur dans cette mise en scène à la fois minimaliste et très cinématographique, où l’esprit tourmenté du personnage semble se refléter dans l’intensité lumineuse. La tonalité de l’acteur et la façon dont il fait respirer le texte dictent le rythme de l’ensemble. Henriksson, en une économie de gestes, mais le regard précis, incarne le docteur avec une grande sensibilité sous-jacente tout en donnant la parole aux autres personnages du récit. D’une voix doucereuse, il fait résonner les mots du révérend Gregorius, en élevant la note, il évoque la douceur et la frayeur de sa femme.
Véritable tour de force, ce solo donne l’occasion de découvrir un auteur, Söderberg, et d’observer le travail minutieux d’un grand acteur, Henriksson. Doktor Glas présente un magnifique aperçu de ce que la dramaturgie nordique a à offrir et d’un certain ton doux-amer que nous avons en commun.