« Danser c’est prendre position », aime à dire Dada Masilo. Avec une douzaine de pièces à son actif, la danseuse et chorégraphe originaire de Johannesbourg a prouvé que l’on pouvait tout à la fois divertir et faire réfléchir le public, qui en redemande au vu des tournées conduisant Swan Lake et Carmen de par le monde. Sa Giselle – une jeune fille qui meurt après avoir été trahie par un homme – se veut féministe. Des thèmes forts comme le chagrin et la vengeance se télescopent sur scène dans une gestuelle d’une rare inventivité. Dada Masilo aime la danse qui danse. Et de réunir autour d’elle une compagnie simplement éblouissante. Ajoutez au « tableau » une partition de Philip Miller qui emprunte au classique et aux percussions africaines, vous avez une Giselle définitivement de notre temps. Dada Masilo une fois de plus s’amuse du passé pour nous raconter le monde tel qu’il est au présent.
Chorégraphe Dada Masilo
Musique Philip Miller
Interprètes Dada Masilo (Giselle), Xola Willie (Albrecht), Tshepo Zasekhaya (Hilarion), Llewellyn Mnguni (Myrtha), Liyabuya Gongo (Bathilde), Khaya Ndlovu (Mère de Giselle)
Hommes/Willis Thami Tshabalala, Tshepo Zasekhaya, Thami Majela
Femmes/Willis Ipeleng Merafe, Khaya Ndlovu, Zandile Constable, Liyabuya Gongo, Nadine Buys
Crédits supplémentaires et autres informations
Dessins projetés William Kentridge
Assistant Directeur David April
Éclairages Suzette le Sueur
Costumes David Hutt (Act 1), Songezo Mcilizeli, Nonofo Olekeng (Act 2)
Chanteurs Ann Masina, Vusumuzi Nhlapo, Bham Maxwell Ntabeni, Tumelo Moloi. Cordes Waldo Alexande, Emile de Roubaix, Cheryl de Havilland
Cor Shannon Harmer
Percussion Tlale Makhene, Riaan van Rensbur
Arrangement final Gavan Eckhart
Photo © John Hogg
Durée 1h30
Tarifs à partir de 36$
Rencontre post-spectacle avec les artistes
Mercredi 26 septembre 2018
Vendredi 28 septembre 2018
Production Dada Masilo / Danse Factory Johannesburg
Présentation Danse Danse
En ouverture de saison, Danse Danse présente Giselle, de la chorégraphe sud-africaine Dada Masilo. Celle-ci propose une relecture féministe du ballet romantique créé en 1841 à l’Opéra de Paris. Giselle raconte l’histoire d’une femme qui sombre dans la folie et qui meurt après avoir été trahie par l’homme qu’elle aimait. Or, plutôt que de miser sur le chagrin, la folie et la dévastation du personnage principal, Dada Masilo en fait une femme forte, émancipée et combative.
Tout de suite, le spectateur est plongé dans le fourmillement d’un village animé par des rumeurs, des cris, des exclamations et des rires. Dada Masilo, dans le rôle-titre, brille par son agilité et l’expressivité de ses mouvements. Alors que l’Afrique du Sud est tristement reconnue pour ses nombreux cas de violence domestique et d’abus sexuels faits aux femmes, Dada Masilo transpose ces fléaux de manière métaphorique par la danse. Si cette atmosphère festive cadre bien le contexte de l’histoire, la redondance de ces passages brise le rythme de la danse lors des moments plus charnières du ballet. La théâtralité, qui constitue habituellement l’une des forces des œuvres de Masilo, prend ici trop de place et finit parfois par faire écran à la danse.
Plutôt que d’aspirer à une perfection technique dans l’exécution des mouvements, comme l’exige traditionnellement le ballet classique, Dada Masilo laisse à chacun des interprètes la possibilité d’affirmer sa subjectivité en personnalisant ses gestes.
D’importantes modifications sont faites à la partition originale par le compositeur Philip Miller, qui ajoute à la musique classique composée par Adolphe Adam des percussions africaines, des chants et des cris qui rappellent certaines cérémonies de la culture tswana. Masilo transforme aussi les Willis – un groupe de spectres de jeunes fiancées défuntes auxquels se joint Giselle dans le deuxième acte du ballet – en des êtres androgynes assoiffés de vengeance et dont la reine emprunte les traits d’un guérisseur traditionnel africain (flamboyant Llewellyn Mnguni). Vêtus de robes rouge sang, ces êtres prennent des allures de créatures mi-vampires mi-sorcières qui rappellent les cruelles Érynies de la mythologie grecque. Ces costumes flamboyants créés par Songezo Mcilizeli et Nonofo Olekeng marquent un contraste avec ceux conçus par David Hutt pour la première partie du spectacle, dont les tons de beiges et les tissus épais évoquent les habits de certaines cultures africaines. La grande beauté visuelle de Giselle est due en grande partie à la qualité de cette conception de costumes à six mains. Malheureusement, les projections conçues par William Kentridge jouent mal leur rôle de principal élément scénographique du spectacle.
Bien que Giselle donne lieu à quelques solos bien interprétés, les scènes de groupe, notamment celles qui marquent la fin des deux actes, donnent lieu aux moments les plus forts du spectacle. La lenteur de la procession qui transporte Giselle au royaume des Willis est émouvante, tout comme le rituel qui scelle la vengeance de l’héroïne, alors que les danseurs quittent la scène en lançant une poignée de poussière blanche sur le corps de l’homme affalé sur le sol. Plutôt que d’aspirer à une perfection technique dans l’exécution des mouvements, comme l’exige traditionnellement le ballet classique, Dada Masilo laisse à chacun des interprètes la possibilité d’affirmer sa subjectivité en personnalisant ses gestes. Cela crée un riche éventail de personnages qui participent à dresser un portrait de groupe vivant et coloré.
Giselle prouve que le travail de Dada Masilo est toujours aussi pertinent dans sa manière d’actualiser et de politiser des œuvres du passé. Alors qu’elle poursuit sa tournée avec ce spectacle, elle travaille déjà à sa prochaine adaptation, le célèbre Sacre du printemps de Stravinski.