Il pleut des notes. La trompette rit, le piano pleure. Trois virtuoses décontractés malaxent la musique comme une pâte. De leurs instruments jaillissent toutes les couleurs du grand Miles Davis, tandis que des vidéos hypnotiques t’entraînent dans le tourbillon. Possible même qu’on t’invite à bondir sur scène pour te faire chef d’orchestre ou boxeur rythmique !
À travers les compositions du légendaire compositeur et trompettiste de jazz américain Miles Davis, Mile(s)tones nous fait découvrir les possibilités infinies et fantastiques de la musique improvisée. L’approche aventureuse et novatrice du compositeur est d’ailleurs le point de départ de cette production, nous menant dans un labyrinthe d’espaces et d’humeurs en constante évolution. Un moment, on se retrouve sur scène avec les musiciens. Le moment suivant, nous plongeons dans la créativité vibrante d’un studio d’enregistrement ou dans l’atelier de peinture du célèbre musicien. Originaire de Flandres, en Belgique, le producteur Zonzo Compagnie ne propose rien de moins qu’une incursion dans le cœur battant de Miles Davis.
Musique Miles Davis
Direction et scénographie Wouter Van Looy
Trompette et basse Bert Bernaerts
Piano Fulco Ottervanger
Batterie Simon Segers
Crédits supplémentaires et autres informations
Direction artistique et scénographie : Wouter Van Looy
Musique : Miles Davis - Bert Bernaerts, trompette et contrebasse - Fulco Ottervanger, piano - Simon Segers, batterie
Vidéo : Johan Cosijns
Costumes : Evelyn Demaertelaere
Direction technique et régie : Pieter Nys
Décor : Luc Cools
Crédit photo : Wouter Van Looy
Sera aussi présenté les 8, 9 et 10 février 2019 aux Gros Becs
Tarif Place des Arts de 21.25$
Produit par : Zonzo Compagnie, en coproduction avec De Beren vzw, Centre culturel de Belém, De Werf, Rataplan et Jeunesses Musicales Flandre (Belgique)
critique publiée lors de la présentation de la pièce au Théâtre jeunesse Le Gros Becs à Québec début février 2019
La troupe de la Zonzo Compagnie, de Belgique, se spécialise dans le spectacle musical pour jeune public. Sa mission : « (lui) rendre accessible (...) l’univers musical dans toute sa diversité et sa richesse ». Dans sa théâtrographie, on peut retrouver des propositions sur Bach (3ach), Luciano Berio (Berberio), John Cage (Listen to the Silence), Thelonious Monk (Thelonious) ; d’autres sont inspirées par des matériaux (vieux jouets, le bois) ou des styles (dont la fanfare). Le public de Québec a le privilège ces jours-ci d’être convié à Mile(s)tones, une surprenante et audacieuse pièce qui initie les petits (et certains grands) à la musique exceptionnelle d’un des plus grands musiciens de jazz de tous les temps.
Mile(s)tones : tones comme tonalité. Les tonalités de Miles, Miles Davis, évidemment. Mais aussi milestone, que l’on peut traduire par « étape importante, jalon ». Sans préambule, les trois excellents musiciens belges – Bert Bernaerts (trompette), Seppe Gebruers (piano et synthétiseur) et Simon Segers (batterie, au physique plus près de Dave Grohl que de Joseph Jones, le batteur du quintette de Davis) – plongent le public au cœur d’un concert interactif, à hauteur d’enfant, où la musique du grand Miles est reine.
Voilà donc une superbe occasion d’initier notre progéniture à la musique jazz, et ce, de manière tout aussi ludique qu’entrainante. Parce qu’à voir les petites mains et les pieds suivre le rythme durant la représentation, il est clair que le jazz enthousiasme encore et toujours.
La scène du Théâtre jeunesse Les Gros Becs a sensiblement été modifiée pour la cause. Plus profonde, elle est davantage carrée, permettant à certains spectateurs de prendre place de chaque côté, soit à cour et à jardin. Un large écran ferme la scène, sur lequel on projettera des images, filmées en direct, puis animées ou non, qui viendront accompagner chaque tableau. Ceux-ci auront été inspirés par les compositions bebop ou fusion (de Birth of Cool à Bitches Brew en passant par l’exceptionnelle séance d’enregistrement pour la bande sonore du film de Louis Malle, Ascenseur pour l’échafaud), mais aussi par les peintures, les pochettes, le style vestimentaire et le militantisme social et antiracisme de Davis. Zonzo Compagnie propose ainsi une plongée chronologique plus ou moins vertigineuse au travers l’œuvre et la vie du jazzman américain, tout en refusant catégoriquement d’être didactique. La musique s’expliquera par elle-même.
Spectacle sans paroles, Mile(s)tones se démarque grâce au talent exceptionnel des musiciens, mais aussi grâce à son côté interactif. À plusieurs moments lors du spectacle, quelques jeunes (très) chanceux viendront, ici, jouer au petit chef d’orchestre, ayant tout pouvoir sur les trois musiciens ; là, boxer un ballon d’entrainement qui inspirera les baguettes du batteur Simon Segers. Puis, instruments de percussion entre les mains, une dizaine d’enfants viendront tourner autour de Segers (dont la plateforme sur laquelle est placée la batterie bouge par elle-même!) célébrant la musique jouée. Si la spontanéité des jeunes filles et garçons et quelques pans de leurs personnalités sont beaux à voir, l’absence de règles ou d’explications plus claires limite les interactions qui pourraient être plus nuancées. Mais les trois comparses s’en donnent à cœur joie et semblent réellement raffoler de ces moments avec les spectateurs.trices.
Si la finale, après un numéro assez dynamique, s’avère douce-amère et légèrement trop longue, elle permet quand même de calmer les esprits, mais sans divulguer la fin de l’histoire de Davis. On préfère boucler la boucle : une image de salon et cigarette fumante vient rappeler la vidéo qui ouvrait le spectacle, celle d'un ouragan qui détruisit une partie de la ville de St-Louis, et qui, selon les dires de Davis : « (...) explique peut-être que j"aie parfois mauvais caractère - cette tornade a laissé en moi une partie de sa violente créativité. Peut-être m"a-t-elle légué un peu de la force de ses vents.* »
Voilà donc une superbe occasion d’initier notre progéniture à la musique jazz, et ce, de manière tout aussi ludique qu’entrainante. Parce qu’à voir les petites mains et les pieds suivre le rythme durant la représentation, il est clair que le jazz enthousiasme encore et toujours.
* Miles, l'autobiographie avec Quincy Troupe
06-02-2019