In-Ward plonge dans les méandres de la psyché humaine – individuelle et collective. L’univers chorégraphique d’Alexandra ‘Spicey’ Landé évoque avec brio l’aliénation et la force du groupe. En émergent des solos révélant des êtres pétris d’espoirs et de contradictions. De ce propos sombre, la chorégraphe tire une œuvre lumineuse.
Pionnière de la scène hip hop montréalaise, ‘Spicey’ impose sa maestria avec cette œuvre qui a remporté le Prix de la danse 2019 – catégorie Découverte. Ne sommes-nous pas condamnés à vivre dans le regard des autres ? La fameuse réplique de Jean-Paul Sartre « L’enfer, c’est les autres » a d’ailleurs lancé le processus de création de In-Ward. La chorégraphe canalyse la physicalité brute et les fortes personnalités des danseurs hip hop dans un jeu de tensions/attractions dramatiques non dénué d’humour, qui témoigne habilement du concept d’intersubjectivité du penseur français.
Solitaires, mais en groupe : ‘Spicey’ et ses talentueux interprètes parviennent ainsi à embrasser ce paradoxe au fondement de l’existence humaine en restant au plus près du langage et de l’esprit du hip hop, tout en faisant œuvre contemporaine.
Conçu en 2019 dans une galerie, In-Ward investit maintenant l’espace scénique à configuration variable de l’Agora. Une nouvelle étape qui permettra de poursuivre la recherche chorégraphique sur les manières d’être avec l’autre, envers et contre soi.
Chorégraphe Alexandra ’Spicey’ Landé (avec la collaboration des interprètes)
Interprètes Ja James ‘Jigsaw’ Britton Johnson, Christina ‘Hurricane Tina’ Paquette, Nindy ‘Banks’ Pierre-Louis, Elie-Anne ‘Rawss’ Ross, Mukoma-K ‘JStyle’ Nshinga et Jaleesa ‘Tealeaf’ Coligny.
Crédits supplémentaires et autres informations
Mumble Ja James ‘Jigsaw’ Britton Johnson
Répétitrice Frédérique ‘Pax’ Dumas
Musique Richard ‘Shash’U St-Aubin
Conseillères artistiques Anne Plamondon & Helen Simard
Éclairages et direction technique Benoit Larivière & Leticia Hamaoui
Décor Construction L.-Paquette
Œil extérieur Frédérique ‘Pax’ Dumas & Mathieu Leroux (Danse à la carte)
Résidences de création Agora de la danse, Banff Center for Arts and Creativity, CCOV- Centre de création O Vertigo, Compagnie de danse Nyata Nyata, Danse à la Carte, Danse Danse, MAI (Montréal, arts interculturels), Tyler Anne Dance School
Photo Melika Dez
Parole d'artistes : 12 mars après la représentation
Halte-garderie dansante 13 mars pendant le spectacle (18h - 21h)
Durée 60 minutes
Tarifs
Prévente* : régulier 28$, réduit 22$**
Régulier : 35$, réduit 29$**
* Jusqu'à 7 jours avant la première - Les spectacles HORS-SÉRIE ne sont pas inclus dans la prévente.
** Tarif réduit pour:
Alexandra Spicey Landé / Compagnie EBNFLŌH
Coproduction CCOV- Centre de création O Vertigo
critique publiée en janvier 2019
C’est d’abord vers l’intérieur, dans nos pensées, dans notre corps, que nous entraîne In-Ward, la nouvelle création de la compagnie Ebnflōh.
Dans la salle d’exposition du MAI, aux colonnes de béton brut, six danseurs et danseuses vêtus de blancs s’activent en silence, drapés dans les échos de hip-hop électro qui accompagnent leurs mouvements. Ils sont d’abord seuls dans leur espace ; puis ensemble, mais centrés sur eux-mêmes, avant que leurs trajectoires parallèles ne se fondent dans un seul ensemble, puis se fractionnent à nouveau.
La chorégraphe Alexandra « Spicey » Landé signe un spectacle au rythme organique qui ne souffre d’aucun temps mort. Les mouvements de ses danseurs, inspirés de différents styles de danse urbaine, nous font passer de moments de tension au sein du groupe à des moments plus intérieurs, mais non moins sentis, dans une fluidité qu’épouse parfaitement la musique composée par Richard ‘Shash’U St-Aubin.
Spicey projette ses danseurs dans l’espace comme autant d’électrons libres en constante recherche d’équilibre
Inspirée par la célèbre réplique de l’existentialiste Jean-Paul Sartre « L’enfer, c’est les autres », Spicey projette ses danseurs dans l’espace comme autant d’électrons libres en constante recherche d’équilibre. Il en résulte une tempête d’émotions, de celles qui agitent toute collectivité, entre drame et espoir. Tour à tour brusques, las, joueurs ou désincarnés, les danseurs s’exposent, à vif, avec tous leurs contradictions et déchirements. Les corps en scène par moments ne s’appartiennent plus, pilotés ou contraints par une force intérieure, ou par la présence des autres. Les danseurs s’agrippent par les vêtements ou se bousculent, s’écrasent ou se soutiennent mutuellement. Il y a parfois une réelle douleur que seuls le mur de béton ou la cohésion bien éphémère du groupe viennent contenir. In-Ward donne à voir les courants qui vibrent sous le masque de nos relations sociales.
Portés par une énergie qui semble inépuisable, les six danseurs brillent dans chacun des tableaux tantôt plus individuels tantôt plus collectifs. Leurs expressions faciales et leurs mouvements résonnent dans l’espace et nous embarquent avec autorité dans cette exploration de la vie en société où les conflits et les rapprochements sont inévitables et où, ironiquement, on souffre parfois d’un grand isolement.
Loin d’être une simple démonstration habile de danse urbaine, In-Ward fait dialoguer espace et corps pour mieux parler du rapport à autrui en recourant aussi bien au langage de la culture hip-hop qu’à celui de la danse contemporaine.
Avec ce huis clos traversé par une réelle tension dramatique, la jeune chorégraphe Alexandra « Spicey » Landé fait déjà entendre une voix forte et un style bien personnel qu’on aura plaisir à voir évoluer dans de prochaines productions.
Dates antérieures (entre autres)
Du 16 au 20 janvier 2019 - MAI