Être humain dans une ère où notre influence destructrice sur la planète redéfinit les lois de la nature à la vitesse grand V, qu’est-ce que cela signifie ? Cette performance solo envoûtante de Justin Shoulder met en vedette Carrion, sorte de spectre post-humain capable de se métamorphoser en une multitude de formes et de parler une multitude de langues. Affrontant les affres de l’accélération évolutionniste forcée, il vagabonde au milieu d’un site archéologique et se transforme : fantôme venu de l’Ouest, virus, trickster, oiseau préhistorique. Mêlant spectacle de club à la dramaturgie de Victoria Hunt sur l’exploration corporelle brute, Carrion puise à même les mythologies queer et biculturelles ancestrales.
De Justin Shoulder
Crédits supplémentaires et autres informations
Photo Alex Davies
Présenté par le MAI - Montréal Arts Interdisciplinaires conjointement avec Phasmahammer
Présenté pour la première fois en Amérique du Nord au studio Hydro-Québec du Monument National, le spectacle Carrion est une performance solo de 60 minutes offerte par l'artiste Justin Shoulder qui propulse le spectateur dans un univers des plus oniriques. À travers des chorégraphies célébrant tous les attraits du corps humain en détail, Shoulder multiplie les prouesses physiques pour donner à voir une créature capable de se transformer en plusieurs personnages tout aussi effrayants que farfelus.
Aidé par quelques accessoires et éléments de costumes imaginés par Shoulder et Matthew Stegh, l'interprète transporte le public dans divers contextes dramatiques où le « Frippon » qu'il incarne est le seul qui semble détenir le vrai sens de chaque séquence de mouvement. Se gardant bien de dévoiler clairement son visage à l'auditoire tout au long du spectacle, Shoulder réussit à mettre l'emphase sur les mécanismes d'un corps humain en mouvement. Variant toujours son rythme en fonction de la trame sonore du compositeur Corin Ileto, il permet à l'auditoire de contempler les différentes contractions musculaires qu'il impose à son corps nu. Arborant quelques tatouages tribaux, Shoulder donne l'impression d'être une oeuvre d'art en lui-même.
À travers des chorégraphies célébrant tous les attraits du corps humain en détail, Shoulder multiplie les prouesses physiques pour donner à voir une créature capable de se transformer en plusieurs personnages tout aussi effrayants que farfelus.
Alors que l'artiste apparaît sur la scène, attriqué d'un costume rembourré qui le recouvre de la tête aux pieds, celui-ci s'en extrait graduellement jusqu'au cou. Toute cette séquence de mouvements est faite dans la lenteur, ce qui, avec la trame sonore aux tonalités assez aiguës, occasionne une certaine tension. Par chance, aussitôt transformé, l'artiste ne manque pas d'alléger l'atmosphère en accélérant la cadence de ses gestes afin de provoquer un rire discret dans la salle. Si certaines séquences peuvent paraître un peu longues, il importe de saluer le rythme irréprochable de Shoulder qui suit la musique avec justesse, malgré les nombreux défis techniques de certains tableaux.
Grâce à l'ingéniosité de Shoulder et son complice Matthew Stegh (décors et costumes), les spectateurs sont témoins de plusieurs effets visuels assez spectaculaires qui donnent davantage de corps au spectacle. Parmi ceux-ci, il importe de souligner la transformation du drap blanc suspendu qui sert de fond à l'espace de jeu au début de la performance. En quelques secondes, ce seul élément du décor qui était fixe se retrouve alors au sol et se met à gonfler de manière difforme, devenant une structure immense, mais légère, que Shoulder peut enfiler pour se déplacer à sa guise.
Quant au travail de Benjamin Cisterne à l'éclairage, les effets d'ombre et de lumières que ce dernier réussit à créer dessinent la silhouette de Shoulder de magnifique façon, orientant brillamment le regard vers la mécanique gestuelle de l'artiste. Quoi de mieux pour valoriser l'excellent travail de la co-chorégraphe et mentor Victoria Hunt qui a su guider son protégé vers un franc succès.
Si certains peuvent déplorer les longueurs et la trame narrative plus ou moins claire de ce spectacle, Carrion demeure une réussite technique en soi. Il s'agit d'un vrai travail d'équipe où les forces de chacun sont mises à profit afin de donner à Justin Shoulder, le seul corps humain en présence sur scène, toute l'attention et l'admiration qu'il mérite.