Racontant quatre siècles d’histoire acadienne, ce monologue d’une blanchisseuse écrit par Antonine Maillet a été interprété en anglais et en français plus de 1400 fois par Mme Léger d’un bout à l’autre du Canada et dans de nombreux pays. Un tour de force remarquable réalisé par une actrice seule sur scène. À ne pas manquer!
Over thirty years since it was last performed on our stage, the Segal Centre welcomes the return of the unforgettable Viola Léger in La Sagouine – Antonine Maillet’s monologue of a washerwoman that dramatizes four centuries of Acadian existence. The play has been performed by Ms. Léger across Canada and internationally over 1,400 times, in English and French. This remarkable, solo tour de force is an experience not to be missed
20 mars, 11h
Dimanche au Segal
Antonine Maillet
Dans le cadre des efforts du Centre Segal visant à rehausser l’expérience théâtrale, nous sommes fiers d’annoncer que l'écrivaine de renom, Antonine Maillet, sera interviewée sur scène par le journaliste vétéran Dennis Trudeau à propos de la prochaine production de sa pièce iconique La Sagouine.
L'entrevue traitera de la riche histoire et de l'évolution de ce grand classique du théâtre canadien
ENTRÉE GRATUITE. Aucune réservation requise, aucune place assignée. Du café et des rafraîchissements seront servis avant la représentation.
La Sagouine presented by Segal Centre for Performing Arts in association with the Pleiades Theatre (Toronto)
Théâtre Segal [www.segalcentre.org]
5170 Cote St. Catherine Rd
Billetterie - Box Office: (514) 739-7944
par Olivier Dumas
Au début des années 1970, une blanchisseuse non invitée faisait irruption à l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick lors du lancement d’un nouveau livre d’Antonine Maillet. Cette apparition-surprise a été le début d’une longue relation entre une auteure et son plus célèbre personnage, La Sagouine. Cette Acadienne, fille de pêcheurs de morue mariée à un pêcheur d'éperlans désormais décédé (Gapi), raconte les grandeurs et misères de son pays et des modestes gens qui l’habitent. Indissociable de son interprète, Viola Léger, cette laveuse de planchers de 72 ans, a foulé les planches plus de 1400 fois à travers le monde. Et c’est à un agréable retour que nous convie le Centre Seagal dans la langue de Shakespeare.
Dans cette coproduction avec le Pleiades Theatre de Toronto, le metteur en scène John Van Burek a sélectionné cinq des monologues issus de la plume d’Antonine Maillet. Pendant près de deux heures, l’attachante et attendrissante paysanne nous parle de son monde, un peuple déraciné, mais portant une fierté chevillée au corps et au cœur. De sa cuisine, elle s’adresse à son défunt sur la vie, la mort, la guerre, les saisons qui passent. Lors du lever de rideau, les applaudissements respectueux du public à l’égard de cette figure théâtrale symbolique du mythe acadien rappellent ceux réservés à Rita Lafontaine lorsqu’elle incarne l’inoubliable Nana des pièces de Michel Tremblay.
La seule petite réserve du spectacle concerne la traduction anglaise de Luis de Cespedes. Dans un essai, le célèbre auteur Umberto Eco ne disait-il pas que les traducteurs n’étaient pas des peseurs de mots, mais des peseurs d'âmes et que la traduction impliquait implicitement une certaine trahison? La Sagouine s’était démarquée dès sa création par son langage qualifié de «vieux français». Son oralité lui conférait une truculence mariée à une musicalité irrésistible. En anglais, le vocabulaire garde une certaine simplicité et clarté dans le propos, mais perd indubitablement de sa verve et de son pouvoir d’évocation. Par ailleurs, pourquoi les concepteurs de la pièce n’ont-ils pas privilégié la récente traduction de Wayne Graby, plus fidèle à la texture et à la sonorité du texte original? Les quelques noms propres prononcés en français par le personnage suffisent à faire ressortir autant la dimension identitaire que la véracité intemporelle de cette créature universelle.
Mais le plus grand atout de la représentation demeure son interprète, Viola Léger, qui captive le public avec sa force tranquille et l’humanisme qu’elle confère à cette femme marquée par les épreuves de la vie. Chacun des mots, des froncements de sourcils ou des rires révèle une maîtrise parfaite de la scène. Des cinq récits, se démarquent particulièrement les deux derniers après l’entracte (The War et The Spring). Les émotions qui surgissent transcendent toute trace de folklorisme ou de régionalisme accolé volontairement (ou non) à l’œuvre d’Antonine Maillet qui présente ici de loin son meilleur texte pour le théâtre.
Quarante ans après sa création, La Sagouine confirme la singularité de Viola Léger dans ce rôle légendaire, et les retrouvailles au Segal laissent espérer pour un futur proche un retour dans la langue de Molière. Pour paraphraser dans la parlure de l’héroïne, on a beau vouloir sa présence, mais «pour l’aouère, on va le crère lorsqu’on va le vouère».