Traffik Femme tells the impossible story of a woman caught in the hell of human trafficking. A unique blend of physical, musical, dance, comical and shadow theatre, this subversive yet humour-filled monologue offers insight on the issue, while helping us denounce the unbearable. A pragmatic voice majestically brought to life by dancer and actress Nico Lagarde. Hard-hitting theatre for an unforgettable performance.
Traffik femme relate, avec force et courage, l'histoire d'une femme exploitée sexuellement. Une poétique et bouleversante descente aux enfers, une pièce de théâtre physique où se superposent les ombres chinoises, l'humour noir et la danse.
Cartes Prem1ères
Date Premières : 10 au 13 mars en anglais et 17 au 22 mars en français
Régulier : 25$
Carte premières : 12,50$
Une création Trunk Collectif
par Marie-Pierre Bouchard
Traffik Femmes: Une fleur dans l’asphalte
Seule sur la petite scène jonchée d’hostiles lits de fer, elle témoigne de ses années de captivité, de sa descente aux enfers alors qu’elle était prisonnière d’un réseau canadien de prostitution. Livrant dans le détail le récit sordide du cauchemar dans lequel elle fut réduite à l’esclavage, elle admet n’avoir jamais été douée pour la chance, tout en sachant néanmoins entretenir l’espoir.
Les statistiques sur la traite des femmes dans le monde sont effarantes. Et malgré la tendance généralisée à s’enfouir la tête dans le sable, les chiffres démontrent que le Canada n’échappe pas au trafic des femmes et à l’exploitation sexuelle. Un sujet grave, extrêmement délicat, que le Trunk Collectif n’a pas hésité à mettre en scène au nom de l’engagement.
Aborder une telle problématique comporte sa part de risque. Mais force est d’admettre que l’équipe du Trunk Collectif sait s’y prendre en évitant les pièges du sentimentalisme et des clichés: d’abord, grâce à la grande qualité du texte d’Emma Haché, un puissant monologue mettant en lumière un personnage réaliste, une femme brisée d’une émouvante profondeur; ensuite, la finesse de la mise en scène de Lynne Cooper, jumelée à la solidité de l’interprète Nico Lagarde, font de Traffik Femmes une remarquable réussite.
Au cours de sa démarche d’écriture, Emma Haché (lauréate du prix du Gouverneur général en 2004) s’est longuement documentée. Elle a aussi interviewé des survivantes du trafic sexuel afin de cerner de près le propos. Elle a su créer une trame dramatique réaliste et crue, intelligente et subtile, également empreinte de poésie, d’humour et d’espoir malgré la rudesse inévitable, indissociable d’un tel sujet. Un texte riche, imagé, rempli de subtilité malgré cette nécessaire dureté. Un monologue percutant, qui frappe, qui fouette, qui nous cloue à notre siège, qui nous bombarde d’une révoltante vérité pendant plus d’une heure. Mais il n’y a pas une minute de trop. Pas un seul instant nos yeux de spectateur, de citoyen et d’humain ne peuvent quitter le regard immense et saisissant de cette revenante. Impossible de perdre un seul mot de ce qu’elle raconte, de son discours sans détour, de cette innommable cruauté qu’elle nomme pourtant, qu’elle revit sous nos yeux, la peur dans la voix, la honte dans l’âme. “Mon désordre est grand, je suis désolée...”, dit-elle.
Bouleversante, la danseuse et comédienne Nico Lagarde incarne magistralement ce rôle laborieux et exigeant. Accompagnée d’un musicien discret (Roberto Lopez), elle se donne corps et âme dans cette performance autant gestuelle que verbale, très chorégraphiée par ailleurs, où les cascades côtoient le jeu clownesque, où la souffrance se mue en danse. Sans jamais tomber dans la caricature, en équilibre précaire sur des escarpins imaginaires, elle livre une performance poignante et inoubliable.
La mise en scène oscille entre un rythme tantôt soutenu, tantôt suspendu, savamment fragmenté. Ces ruptures d’espace-temps, accentuées par l’éclairage et l’environnement sonore, permettent de tempérer et de rendre supportable les évocations inévitablement lourdes par moment, mais porteuses de sens, toujours. Les différentes approches artistiques employées par Lynne Cooper font du spectacle une oeuvre théâtrale non seulement pertinente, mais également intéressante dans sa dynamique et dans sa forme.
Ici, la lueur d’espoir ne se manifeste pas par un happy ending, mais plutôt par l’apparition d’une faible lumière au bout du tunnel, un début de répit, une esquisse de dignité, une ébauche de liberté.