Plongée dans sa solitude, une femme nous délivre à travers un étonnant dialogue intérieur des fragments de vie emprunts d'un romantisme sordide.
Des mains baladeuses se séduisent et batifolent. Une fée lumineuse vole comme une mouche et respire comme un chien. Un petit homme inconsolable vit dans le ventre d'un fauteuil.
C'est tout un univers qui se compose sous nos yeux, nous renvoyant avec délicatesse et poésie à notre condition d'être dans sa plus grande solitude.
La Causeuse est une création originale sans parole où le mouvement prend toute sa mesure théâtrale et poétique.
Avec le regard exterieur généreux de Pavla Mano
Costume : Pamela Masseport
Construction scéno : Dominic Samson
Durée 45 minutes
Une création d'Olivia Faye Lathuilliere
par David Lefebvre
Depuis quelque temps, l’Illusion Théâtre désirait ouvrir grandes les portes de son théâtre de poche aux artistes émergents. L’an dernier, la compagnie offrait Les Soirées M, où plusieurs marionnettistes et concepteurs ont pu échanger sur leurs créations en chantier. Cette année, la première édition de la Programmation découverte ravit les petits et grands curieux, en présentant cinq univers bien singuliers, cinq créations jusqu’ici fort stimulantes.
L’une des artistes à profiter de cette magnifique vitrine qu’offre L’Illusion Théâtre est Olivia Faye Lathuillière. Diplômée, entre autres, de deux grandes institutions d’enseignement théâtral d’Europe – l’École Internationale de Théâtre LASSAAD de Bruxelles et l’École Supérieure des Beaux Arts de Montpelliers – la jeune femme participe à plusieurs projets en Italie, en France, en Europe de l’Est, en Belgique et au Canada. Elle s’illustre aussi en art visuel ; elle est l’instigatrice d’une exposition sonore remarquée, intitulée Orchestre liquide ; un extrait vidéo est disponible sur YouTube. Grâce à Art Neuf, basé au Centre Calixa-Lavallée du Parc Lafontaine, et à l’Illusion Théâtre, Olivia Faye Lathuillière propose pour la première fois au public, en ce mois de mars 2013, sa plus récente création personnelle, La Causeuse.
La Causeuse est une courte pièce ironiquement sans paroles, composée de trois tableaux. Une femme fait son entrée ; on pourrait la croire enivrée. Elle retire manteau et chaussures, qu’elle balance sans ménagement derrière un rideau, tout en dansant de façon ingénue, sur une musique silencieuse, autour d’un fauteuil fleuri. De ces grands yeux, elle épie le public, de manière tout aussi interrogatrice que sensuelle. Elle prend finalement place ; son corps n’arrive pas à trouver une position acceptable, confortable, multipliant les poses inusitées, jusqu’à ce que le fauteuil l’avale, petit à petit. Mains et pieds font leur apparition, cherchant à s’agripper. Dès lors, c’est un théâtre de mains romantique qui s’impose : les deux nouveaux personnages se rencontrent, se draguent, badinent, jusqu’au départ de l’une d’elles, que l’autre n’accepte pas du tout, se servant d’un signe internationalement reconnu pour bien le signifier – faisant du coup éclater de rire l’assistance. Puis, sous le faisceau d’une lampe de poche, se matérialise un petit homme bien étrange. Son visage est figé, et ses yeux, d’un noir de jais, sont mystérieux. Rapide, il court sur la causeuse et par terre, échappant à la jeune femme qui tente de l’attraper. Elle arrive à l’apprivoiser, à l’étreindre. Une solitude finalement renversée, ou partagée.
Olivia Faye Lathuillière expérimente ici l’art du mouvement de façon ludique. Elle crée une pièce hybride et étonnamment bien balancée, se situant entre le jeu légèrement burlesque et la marionnette. Son corps exécute sans cesse une chorégraphie simple, mais éloquente, soignée et répétée, qu’il soit au centre de l’attention ou en retrait.
On peut prétendre sans se tromper que cette version de La Causeuse est une première étape de création qui mènera vers un spectacle possiblement plus étoffé ; il faudra donc suivre avec attention cette artiste fort sympathique aux multiples talents.