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Du 20 au 22 février 2014, 20h
PierrePierre, papier, ciseaux
Programmation découverte
Pour adultes
Une création de Jérémie Desbiens

Pierre, alias Perceval, nous raconte comment il a découvert en lui une force insoupçonnée qui permettra à son altruisme de prendre toute son ampleur.


Tarifs
spectacles pour enfants : 16$ (taxes incluses)
spectacles pour adultes : 20$ (taxes incluses)

Une création de Jérémie Desbiens


L'Illusion, Théâtre de marionnettes
6430, rue St-Denis
Billetterie : (514) 523-1303

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon

Un nécessaire de bureau et un moment seul, en l’absence de ses collègues de travail, c’est tout ce qu’il faut à Pierre, un employé de Bureau en gros plutôt timide, pour mettre en scène Le fabuleux destin de Pierre Poulain, ou plutôt son histoire abracadabrante de superhéros déguisé en cheval, de maire hippophobe, de grandeur nature et de complots, une histoire où les gens « un peu différents » peuvent enfin briller.

Il se dégage de Pierre, papier, ciseaux un grand bonheur de jouer, sans limites imposées à son imagination et surtout sans besoin de se justifier aux yeux des autres adultes. Pour Pierre et son créateur, Jérémie Desbiens, tout accessoire de bureau — du simple stylo à la déchiqueteuse — est susceptible de se transformer en un instant en personnage, meuble ou morceau de décor pour une formidable aventure.

Desbiens, unique interprète du spectacle, porte un regard particulier sur les objets du quotidien. Il a non seulement du flair pour animer les objets, mais aussi le talent nécessaire pour partager généreusement tout un pan de son imaginaire débridé avec un public attentif. Tout comme le font les artistes expérimentés du Théâtre de la Pire Espèce, il sait de quelle manière manipuler les objets pour que les spectateurs comprennent au premier coup d’oeil les nouvelles identités du stylo, des ciseaux, de l’aiguisoir, de la règle ou même de la fameuse boîte de crayons Prismacolor qu’il utilise pour son récit. Il a également recours à un grand nombre de jeux tout simples qu’enfant on se plaisait à réinventer : des cartes « à bec » qu’on fait parler, des retailles de papier qui servent de perruques, une paire de ciseaux transformées en un instant en paire de lunettes du plus grand chic. Un rapide tour d’horizon de notre jeunesse susceptible de rendre nostalgiques bien des spectateurs!

On sent qu’il y a, derrière cette manière de jouer qui relève apparemment de l’enfance de l’art, tout un travail d’expérimentation et, sans aucun doute, des années passées à s’inventer toutes sortes d’histoires à partir de trois fois rien. Le travail de mise en scène de Desbiens et d’Alexandre Larouche réussit à rendre le tout très naturel. Si la manipulation d’objet perd malheureusement en précision dans l’action, l’ingéniosité dont le comédien fait preuve pour raconter l’histoire de Pierre nous fait rapidement oublier cette imprécision.

Desbiens s’amuse d’ailleurs tout autant avec les mots et les références (jusqu’aux pistes musicales en forme de clins d’oeil) qu’avec les objets, glissant d’une chorégraphie multicolore à une calligraphie bien calibrée et passant d’un « Pierre Cheval » à Perceval, le brave cheval blanc au coeur pur. L’auteur puise allègrement dans le vocabulaire de bureau pour construire son récit, mettant même dans la bouche de la mère de Pierre, une ancienne chanteuse de cabaret de paquebot surnommée « la diva du divan », une allégorie de papeterie entre l’Amour et le fusil à colle : « Au début tu bricoles avec ton bâton de colle Pritt, pis là, tu découvres le fusil à colle... » et tout bascule.

La seule faiblesse de cette création est sans doute d’avoir trop évacué le réel. L’apparition-surprise d’un collègue de bureau, soudain témoin gênant de l’étalage explosif de l’imagination de Pierre dans son espace de travail, était pourtant prometteuse : le Pierre animé faisant soudain place à un Pierre complètement éteint dans un univers plus que morne. Mais ce moment passé, Pierre ne revient plus du tout dans le monde réel; un petit retour qui aurait été apprécié en fin de spectacle, une fois le destin de Pierre Poulain réalisé.

Pierre, papier, ciseaux, sans autre prétention que celle d’amuser grâce à quelques stylos et à un peu d’origami, se révèle un spectacle ingénieux qui fait vibrer en nous la corde de l’enfant à l’imagination débordante et même l’âme de petit bricoleur...

23-02-2014