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The Busker's Opera
22-23 mai, 21h, 24 mai, 15h, 25-26 mai, 20h
Lieu : Théâtre La Bordée (315, rue Saint-Joseph Est)
Sièges réservés
Rencontre avec les artistes le 24 mai à 16 h 45, après la représentation
Anglais avec surtitres français
Durée : 1 h 45
40 $
Ex Machina
[Québec]
On connaît tous L’Opéra de Quat’Sous, écrit et mis en scène par Bertolt Brecht et immortalisé par la musique de Kurt Weill. On sait cependant moins que ce classique est lui-même adapté d’une cinglante satire politique écrite par l’auteur britannique John Gay au début du 18e siècle. C’est en retournant à l’original et en le repensant de fond en comble que Robert Lepage et son équipe ont donné naissance au Busker’s Opera, littéralement « L’Opéra du musicien de rue ». De la pièce de John Gay, le Busker’s conserve les personnages désormais classiques (Macheath le bon voyou, le richissime couple Peachum, les amantes éplorées Polly et Lucy, Jenny la prostituée, etc.) ainsi qu’un humour mordant qui fait rire autant que réfléchir. Mais contrairement à la pièce originale et à celle de Brecht, dont l’action se déroulait dans le milieu de la pègre, le Busker’s Opera est campé dans le monde on ne peut plus contemporain du showbiz musical.
À la fois comédiens et musiciens, tous les membres de la distribution de cet irrévérencieux music-hall ont participé à la composition des chansons à travers lesquelles l’histoire de Macheath nous est racontée. Une trentaine de pièces de tous les styles se côtoient pour former une toile aussi festive que bariolée, empruntant aussi bien au rap et au country qu’aux pièces musicales d’origine créées par John Christopher Pepusch. Le guitariste et compositeur Martin Bélanger, qui collabore également avec la troupe Pupulus Mordicus, a assuré la direction musicale de l’ensemble.
Navigant avec brio entre les préoccupations actuelles du monde du spectacle et la langue poétique vieillie de John Gay, le libretto écrit par Kevin McCoy rend à merveille l’esprit satirique de la pièce originale. McCoy, qui incarne le personnage de Peachum dans le Busker’s, a également à son actif une pièce de théâtre documentaire, Ailleurs, présentée à la Caserne Dalhousie en 2006.
La présence du Busker’s Opera au Carrefour 2008 vient boucler la boucle d’une longue tournée internationale, mais aussi d’une longue saga de création. En effet, si Robert Lepage consacre souvent des années à la création d’une pièce, à la fois par principe et sous la contrainte d’un horaire extrêmement chargé, il s’est vu forcé de prolonger la gestation du Busker’s au-delà des délais prévus. À la base, Lepage travaillait directement sur l’Opéra de Quat’sous, célèbre adaptation par Bertolt Brecht du Beggar’s Opera de John Gay. Un laboratoire de ce premier projet avait d’ailleurs été présenté au Carrefour en 2002. Malheureusement, ou heureusement, le comité gérant les droits d’auteur de Brecht les lui a refusés. Loin de se laisser démonter, le metteur en scène est pour ainsi dire retourné à la source, revisitant comme Brecht l’avait fait l’œuvre de Gay. Deux ans plus tard, le Busker’s Opera amorçait une grande tournée qui l’a mené sur les cinq continents et dont le Carrefour présente cette année les ultimes représentations.
Metteur en scène, scénographe, auteur dramatique, acteur et réalisateur, Robert Lepage est si connu au Québec et à l’étranger qu’il n’est pratiquement plus besoin de le présenter. Salué par la critique pancanadienne pour sa toute première création, Circulations (1984), Lepage s’est taillé une renommée mondiale dès sa deuxième pièce, La Trilogie des dragons (1985). Plusieurs œuvres marquantes ont suivi, dont Vinci (1986), Les Aiguilles et l’opium (1991), Le Projet Andersen (2005), en plus de nombreux films comme Le Confessionnal (1994) et l’adaptation de la pièce La Face cachée de la Lune (2003). Un nombre impressionnant de prix ont été décernés à Robert Lepage, dont la Médaille des officiers de l’Ordre national du Québec (1999), la Légion d’honneur française (2002), le prix Denise-Pelletier (2003), le prix Hans-Christian-Andersen (2004), le prix Stanislavski (2005) et le prix Europe de l’Union des Théâtres de l’Europe (2007).
Crédit photo : Érick Labbé
Textes : John Gay
Adaptation : Kevin McCoy, Robert Lepage
Conception et mise en scène : Robert Lepage
Direction musicale : Martin Bélanger, assisté par Steve Normandin
Dramaturge : Kevin McCoy
Musiques, arrangements et interprétation : Frédérike Bédard, Martin Bélanger, Julie Fainer, Claire Gignac, Frédéric Lebrasseur, Véronika Makdissi-Warren, Kevin McCoy, Steve Normandin, Marco Poulin, Jean René
Participation à la musique et aux arrangements : Jacques Leblanc
Assistance à la mise en scène et régie : Félix Dagenais
Collaborateurs à la scénographie : Marco Poulin, Véronique Dumont, Paul Bourque
Collaborateur à la conception des éclairages : Laurent Routhier
Conception des costumes : Yasmina Giguère, assistée de Isabel Poulin
Conception technique : Tobie Horswill
Accessoires : Sylvie Courbron
Réalisation des images : Lionel Arnould, Jacques Collin
Perruques : Rachel Tremblay
Réalisation des costumes : Janie Gagnon, Louise Guay, Sophie Royer
Construction du décor : Astuce
Conception visuelle : Jean-Marc Cyr
Production : Ex Machina
Coproduction : Cankarjev Dom, Ljubljana
Change Performing Arts, Milan
Festival Montréal en Lumière
La Filature, Scène Nationale de Mulhouse
Maison des Arts, Créteil
Melbourne International Arts Festival, Melbourne
UC Davis Mondavi Center
spielzeiteuropa I Berliner Festspiele, Berlin
Théâtre Royal de la Monnaie, Bruxelles
Artiste invité : Lucie le chien
Pour tout autre activité ou informations, veuillez consulter le site officiel au www.carrefourtheatre.qc.ca
*Un grand merci aux gens du Carrefour international
de théâtre de Québec; toutes les images est les informations ont été fournies par eux ou prises sur leur site
officiel.
par Magali Paquin
Plus que de théâtre, c’est un music-hall hétéroclite dont il s’agit. Après s’être vu refuser les droits d’auteur pour «L’Opéra de Quat’Sous» de Berthold Bretch, Robert Lepage s’est rabattu sur «L’Opéra du gueux» de John Gay, une satire politique du 18e siècle. Repensée et transformée, la pièce est devenue «The Busker’s Opera». De l’œuvre originale, les personnages sont demeurés: autour de Macheath le voyou, gravitent les richissimes Peachum, deux amantes amères et éplorées, le père politicien de l’une d’elles et une ancienne maîtresse prostituée. Mais plutôt que le milieu de la pègre, l’univers du showbiz musical est dépeint, et écorché au passage, dans cet opéra rock contemporain.
Enivré par sa soif de gloire et surtout par son attrait pour les femmes, Macheath mène une vie de rock star dépravée. Ses frasques le mènent de Londres aux États-Unis, en passant par New York, la Nouvelle-Orléans, Atlantic City ou le Texas. Plus que dans le synopsis, le principal intérêt de cette production tient à son dynamisme. Voyage musical avant tout, de multiples styles de circonstance s’enchaînent les uns à la suite des autres, qu’il s’agisse de rock, de classique, de disco, de rap, de jazz ou de country. Malgré l’aspect hétéroclite des genres, la trame se suit et impose sa cohérence. Certaines scènes sont particulièrement réussies, dont celle, délicieuse, des invectives que se lancent les ex-maîtresses en furie, suivie d’un baladi inoubliable.
La prévisibilité du scénario et l’aspect caricatural des personnages agacent et amusent à la fois. Assurément, il faut apprécier les opéras rock et ce que ce style comporte. Les dix interprètes (Frédérike Bédard, Martien Bélanger, Julie Fainer, Claire Gignac, Frédéric Lebrasseur, Véronika Makdissi-Warren, Kevin McCoy, Steve Normandin, Marco Poulin, Jean René), bien que certains soient acteurs de métier, déploient avant tout leurs talents de chanteurs et de musiciens. Tous les instruments, du piano à queue à la batterie en passant par la contrebasse, sont d’ailleurs disposés sur scène, permettant aux spectateurs d’apprécier leur performance. La majorité du spectacle est chantée en anglais, mais le public peut compter sur le support de surtitres français (fautes d’orthographe comprises). L’écran vidéo où s’affiche la traduction est habilement exploité comme élément clé de la mise en scène. Se déplaçant de gauche à droite, de haut en bas et du fond au-devant de la scène, cet écran camoufle à l’occasion les acteurs pour mieux les afficher en gros plan. On y voit bien l’intérêt (et les moyens) de Lepage pour l’utilisation de procédés technologiques.
Sa réputation d’enfant prodige du théâtre le précède. On n’a qu’à prononcer le nom de Robert Lepage pour que public et critiques se pâment, surtout à Québec, sa ville d’origine. Mais soyons francs : il n’y a rien dans le Busker’s Opera pour estomaquer, rien pour s’exalter. Du très bon divertissement, voilà ce que cette production demeure.
23-05-2008