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Carrefour - 29-30 mai 2012, 20h, 31 mai 2012, 21h
L'Affiche
Spectacle
Texte et mise en scène Philippe Ducros
Avec François Bernier, Sylvie De Morais, Denis Gravereaux, Justin Laramée, Michel Mongeau, Marie-Laurence Moreau, Étienne Pilon, Dominique Quesnel, Isabelle Vincent

Dans son carnet de voyage Lanceurs de pierres, à paraître aux Éditions Lansman, Philippe Ducros le rappelle : « Mais rien ne peut préparer à ce qu’implique l’occupation. On ne peut pas la lire, on ne peut pas la regarder au cinéma, on ne peut pas l’imaginer. » Et pourtant, c’est précisément ce dont l’auteur dramatique et metteur en scène montréalais a voulu parler dans son drame politique, L’affiche, représenté avec succès à l’Espace libre à deux reprises. Mais il y a la manière… et aussi la démarche.

Et celle de Philippe Ducros est fascinante. Non seulement le créateur a-t-il voyagé au Proche-Orient et dans les territoires occupés, mais les photos qu’il a prises au cours de son voyage sont exposées dans la salle même où est jouée le spectacle. En outre, un des personnages de sa pièce rappelle le rôle de témoin que l’auteur dramatique a choisi d’adopter. Il assume donc totalement le regard qu’il pose sur une situation inextricable et dont il n’essaie pas de réduire la complexité.

En effet, L’affiche demeure une pièce sur l’occupation de la Palestine. On y voit ses impacts tant sur les Palestiniens que sur les Israéliens. Ici, ce ne sont pas les hommes politiques à qui l’on tend le microphone, mais les gens de la rue, ceux et celles qu’un mur sépare. Il y est question surtout des martyrs fabriqués par les deux camps, drames privés que l’on instrumentalise à des fins de combat politique.

Abou Salem imprime des affiches de martyrs. Un jour, il doit imprimer celle de son fils. En effet, Salem est mort, tué par balle, dans le camp où sa famille habite, à la suite d’un affrontement avec des soldats israéliens. D’un côté, la mère de l’enfant ne voit rien d’autre que la haine. La colère monte et ne laisse plus de place à l’humanité. De l’autre, Itzhak, le soldat responsable de la mort de Salem, est submergé par la violence de son geste. Il devient ainsi conscient du caractère impitoyable de l’occupation. En parallèle, la sœur de Salem, Shaida, et son amoureux Ismaïl tentent de rêver à un avenir heureux en dépit des obstacles dressés sur leur route. La folie de la destruction l’emportera cependant, désorganisant la vie comme la fable qui en témoigne. Douleur, haine, fanatisme, désespoir, peur se mêleront dans ce drame dans lequel un mur sépare non seulement ceux qui se détestent, mais aussi ceux qui s’aiment.

L’auteur de L’affiche, Philippe Ducros, est auteur, metteur en scène, acteur et photographe. Autodidacte et grand voyageur, il a séjourné dans une vingtaine de pays. En 2000, il fonde les productions Hôtel-Motel avec le but avoué de « sortir le spectateur des cuisines du Québec ». Depuis sa création, la compagnie a promené ses productions de la Gaspésie à l’Afrique de l’Ouest en passant par la France et la Pologne. Le plus récent opus de Philippe Ducros s’intitule La porte du non-retour. Ce déambulatoire théâtral a comme décor le continent africain, poursuivant ainsi le travail d’ouverture sur l’ailleurs entrepris par Ducros et ses collaborateurs.

Créé en 2009, L’affiche n’a laissé personne indifférent. La preuve ? Lauréat du Prix de la Critique en 2010, présenté à deux reprises à Montréal, le spectacle continue de faire son chemin quatre ans après sa création. Il est vrai que ce drame fait réfléchir à une question cruciale de notre époque : l’image et son poids démesuré dans nos vies. Le théâtre y devient véritablement un lieu où il est possible de proposer une critique de ces images qui tout à la fois nous envahissent et nous façonnent. Outre ce regard lucide sur notre temps, la distribution imposante réunie par Ducros pour L’Affiche brosse, avec une attention minutieuse au quotidien, une fresque percutante et rythmée du conflit le plus médiatisé de la planète.


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Assistance à la mise en scène Charlotte Ménard
Scénographie Magalie Amyot
Adaptation scénographique et conception du mur Romain Fabre
Costumes Nadia Bellefeuille
Musique Ludovic Bonnier
Éclairages et régie Thomas Godefroid
Vidéo Philippe Larocque
Régie Samuel Patenaude
Direction de production Catherine La Frenière
Direction technique Anne Plamondon
Photo Frederico Ciminari

Entretien avec les artistes après la représentation
mardi 29 mai

Tarif : 35$

Production Hôtel-Motel
Le texte est publié chez Lansman Éditeur.


CarrefourMéduse
541 rue Saint-Vallier est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

 
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 Critique
Critique

par Sophie Vaillancourt Léonard

S'attaquer au sujet brûlant qu'est le conflit israélo-palestinien n'est pas mince affaire. D'abord, parce qu'il est d'une grande complexité. Ensuite, parce qu'il faut savoir le regarder de façon objective. Ce que Philippe Ducros et son équipe ont réalisé avec L'Affiche est une réussite sur tous les points.

L'affiche. Celle où sont imprimés les visages des martyrs. Hommes, femmes, enfants, morts pour leur patrie, sous les balles de l'envahisseur. Présentée en tableau, la pièce nous fait suivre plusieurs scènes de la vie quotidienne, vie constamment réglée sur le rythme de la violence, de l'isolement, de l'humiliation, de la mort et de la peur. Abou Salem, imprimeur, affichant le visage de son propre fils aux murs de la ville. Sa femme et sa fille. Leurs voisins. Le barbier chez qui se confient les civils et s'enrôlent les martyrs. Puis les soldats. Ceux qui patrouillent dans les camps, ceux qui contrôlent les « check-point », ceux qui vivent dans les colonies.

Dans L'Affiche, juifs et palestiniens se croisent de drame en drame. Et c'est là le point fort de cette pièce de Ducros. De lier ce qui, au départ, semblait être des tableaux indépendants les uns des autres. D'en faire une seule histoire. Celles de parents, d'enfants, de frères, de soeurs, d'amoureux, qui vivent avec la rage au ventre.  Qui vivent avec la mort tous les jours et pour qui la vue du sang est plus quotidienne que celle de l'eau.

Si L'Affiche est une pièce dure, elle est, par sa véracité et sa magnifique distribution, une incroyable fresque du combat dont elle rend toute la complexité. On en sort bouleversé, choqué, mais surtout plus éclairé sur ce conflit duquel nous sommes plus près que nous croyons.

30-05-2012



par Olivier Dumas (lors de la création du spectacle à l'Espace Libre en 2009)


Crédit photo : Frédérico Ciminari

Avec L’affiche, Philippe Ducros écrit et dirige un spectacle inspiré par des séjours prolongés dans les territoires occupés palestiniens. Œuvre personnelle et dense à la fois, la pièce demeure malgré tout trop cérébrale. Bien que le spectacle évite les clichés et lieux communs, il lui manque une ferveur pour véritablement happer le public devant cette tragédie humaine incommensurable.

Texte touffu avec son nombre élevé de courtes scènes et de personnages, L’affiche s’adresse surtout à un public le moindrement averti du contexte sociopolitique du conflit israélo-palestinien. L’histoire s’amorce avec Abou Salem, un imprimeur d’affiches de martyrs qui se retrouve un jour à imprimer celle de son fils unique Salem, mort par balle lors d’un affrontement. Oum Salem, la mère du martyr, ne vit rien d’autre qu’une profonde haine envers les assassins de son fils. Par ailleurs, Itzhak, le soldat responsable du meurtre de Salem, s’interroge sur la violence de son geste. Tout au long de la pièce, on passe sans cesse d’un camp à l’autre des drames qui se jouent des deux côtés de ce mur de huit mètres de haut construit par Israël.

Le plateau, presque vide avec en évidence à l’arrière-scène le mur de béton du théâtre, prend une dimension symbolique de ce qui sépare physiquement et psychologiquement les protagonistes. Les comédiens se retrouvent toujours sur scène, soit dans le feu de l’action, soit en attente sur les chaises placées des deux côtés de l’espace de jeu. Avec seulement quelques objets, le metteur en scène réussit à recréer assez habilement les différents lieux de l’action dans une atmosphère imprégnée de tensions et d’urgence. Parmi les moments forts à souligner, il y a l’expression du désespoir de la mère de la victime (une solide et émouvante Isabelle Vincent), la révolte du soldat Itzhak (un surprenant François Bernier) et les simulations d’attaques terroristes. Sans être exceptionnelle, la crédible distribution permet tout de même, en plus des deux comédiens mentionnés plus haut, à Denis Gravereaux et Michel Mongeau de se démarquer, le premier dans le rôle du père éprouvé, le second dans le double emploi du barbier islamiste et du rabbin orthodoxe.


Crédit photo : Frédérico Ciminari

Dans les entrevues publiées les jours précédant la première, Philippe Ducros exprimait son désir de traiter l’occupation palestinienne par l’émotion afin de comprendre les effets dévastateurs des événements sur les êtres humains. Et l’émotion est peut-être le sentiment qu’une bonne partie du public aurait aimé davantage ressentir durant ce long parcours de deux heures. La construction du texte, avec ses innombrables actions et ses multiples personnages, laisse voir un éparpillement qui dilue la compréhension de l’histoire. La plume de Ducros, pourtant plein de poésie à certains moments, parvient peu à nous faire ressentir la souffrance, le désespoir et les dilemmes profonds vécus par les personnages. Nous nous retrouvons souvent en surface, en périphérie comme si l’auteur n’avait pas puisé suffisamment dans ses tripes, ou fouetté son sujet pour en livrer un témoignage personnel d’une troublante vérité. On se rappellera qu’avec Incendies, Wajdi Mouawad traitant d’un conflit similaire, avait atteint un sommet théâtral dans sa manière de raconter, de faire ressentir de l’intérieur et de transcender une tragédie meurtrière et sanglante.   

Bien qu’évitant le larmoiement et le convenu, le spectacle de Philippe Ducros ne répond pour autant aux attentes du spectateur. Avec un canevas aussi intéressant, L’affiche aurait dû se frayer un chemin aussi près du cœur que de l’esprit.

21-01-2011