Leo est une gageure. Elle réunit deux créateurs hors normes : l’acteur allemand Tobias Wegner et le metteur en scène québécois Daniel Brière. Les deux se sont rencontrés autour d’un projet intrigant qui joue à la fois sur la virtuosité physique de son unique interprète et sur un dispositif scénique et technologique d’une grande ingéniosité. L’idée derrière Leo est née d’un court essai mis au point par Wegner en collaboration avec la compagnie Circle of Eleven. Daniel Brière s’est ensuite joint à l’aventure et lui a donné sa forme achevée.
Ce solo repose en effet sur un dispositif scénique faisant appel à un espace dédoublé et à des projections vidéo. Cet espace démultiplié amène le spectateur à douter de ce qui est à l’endroit et à l’envers et à sans cesse comparer ce qui se passe en vrai et en virtuel. En fait, c’est aussi bien un exercice pour le cerveau du spectateur que pour le corps de Tobias Wegner dont les qualités d’acrobate et de dessinateur sont exploitées au maximum dans ce spectacle multidisciplinaire et déstabilisant.
Au départ, Leo est un homme ordinaire que ne quitte pas sa petite valise. Il défie les lois de la gravité dans une pièce à peu près vide. Plus le temps passe, plus le héros se rend compte que tout n’est pas aussi simple dans sa vie qu’il n’y paraît de prime abord. Si cette découverte d’un autre monde possible le plonge d’abord dans l’insécurité, elle pique ensuite sa curiosité jusqu’à ce que soit réveillé son esprit ludique. Dès lors, il en tire amplement parti et se met à interagir et à jouer avec l’espace comme un gamin qui découvre un nouveau terrain de jeu. Sa solitude et sa réclusion n’en sont pas pour autant vaincues. Aussi devra-t-il, au final, conquérir une liberté qui lui faisait défaut.
À mi-chemin du théâtre, de l’art acrobatique et du nouveau cirque, cette pièce sans paroles n’en constitue pas moins une plongée dans un autre monde. Ce dernier ressemble au nôtre tout en s’en distinguant par certains traits : il est dépouillé, traversé par l’imaginaire et balayé par un environnement sonore d’une indéniable richesse. Si Leo n’a d’autre interlocuteur que lui-même, il n’en touche que davantage le public qui l’observe comme s’il était dans un aquarium… ou plutôt deux ! C’est sans doute pourquoi la moindre maladresse, facétie ou découverte de Leo devient si captivante et nous le rend si attachant.
Cette création inusitée a remporté trois prix importants au Festival Fringe d’Édimbourg. Depuis la première à Berlin en juillet 2011, la production a séduit trois continents et doit circuler encore longtemps après sa présentation au Carrefour. Installée à Berlin, la compagnie qui a produit Leo se spécialise dans des spectacles conceptuels qui combinent diverses formes artistiques, notamment l’acrobatie, la musique, la danse et le théâtre. Pour chacun de ses spectacles, Circle of Eleven s’ingénie à créer des rencontres qui, comme dans le cas de Leo, vise à stimuler les concepteurs tout en les amenant à se dépasser. On comprend ainsi Daniel Brière, l’actuel codirecteur du Nouveau Théâtre Expérimental de Montréal, d’avoir eu envie de s’associer à un projet si original. En un mot, les amateurs de théâtre physique et visuel ne pourront résister au fruit de cette collaboration entre deux artistes qui adorent entraîner le public hors des sentiers battus.
Section vidéo
une vidéo disponible
Production artistique Gregg Parks
Régie et éclairages Flavia Hevia
Vidéo Heiko Kalmbach
Animation Ingo Panke
Costumes Heather MacCrimmon
Chorégraphie Juan Kruz Diaz de Garaio Esnaola
Photo Andy Philipson
Entretien avec les artistes après la représentation
samedi 2 juin
Tarif : 35$
Leo a été créé aux États-Unis par le Carol Tambor Theatrical Foundation le 15 janvier 2012, au Theatre Row de New York.
Production Circle of Eleven
Méduse
541 rue Saint-Vallier est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
par Sophie Vaillancourt Léonard
L’acteur allemand Tobias Wegner et le brillant metteur en scène québécois Daniel Brière sont assurément passés maîtres dans l’art de l’illusion. Leur création, Leo, est tout simplement magique.
Dans un solo mélangeant la danse, l’acrobatie et le théâtre, Tobias Wegner nous propulse dans un monde dédoublé. Grâce à des projections vidéo, cet espace démultiplié permet au public de suivre la petite histoire de Leo dans un univers où il devient difficile de différencier ce qui est à l’envers de ce qui est à l’endroit, ce qui est vrai de ce qui est faux.
Même s’il y a quelques longueurs – dans un spectacle d’à peine une heure —, la magie opère. C’est émerveillé que le public passe de l’espace scénique où évolue Tobias Wegner à la projection in situ du même espace ayant subi une rotation d’un quart de tour. Cette idée, géniale et totalement réussie grâce à la maîtrise de Wegner et à sa compréhension de son corps dans l’espace, fait faire de la gymnastique non seulement au comédien en scène, mais également, au cerveau de ceux qui l’observent. Bravo !
Pour les personnes qui n'auront pu voir les représentations de Leo durant le Carrefour, le spectacle prendra l'affiche cet automne, à Montréal, à l'Espace Libre.