Qui peut se targuer de bien connaître l’artiste Wajdi Mouawad ?
Par-delà les imposantes fresques scéniques dont il a le génie, les écrits pamphlétaires qu’il signe courageusement et les choix dramaturgiques toujours assumés qu’on le voit endosser spectacle après spectacle, qui peut prétendre savoir ce qui habite l’âme du créateur lorsque, autour de lui, les générations de personnages loquaces dont il aime à s’entourer cessent de s’agiter ?
Dans Seuls, Wajdi Mouawad apparaît comme il nous a rarement été donné de le voir… et de l’entendre ! Seul en scène, à la fois auteur, metteur en scène et interprète, simultanément et dans une exceptionnelle adéquation, il se raconte et se tait avec une égale justesse.
À travers son personnage de Harwan, étudiant en sociologie de l’imaginaire qui prépare une thèse de doctorat sur nul autre que Robert Lepage, Mouawad opère une plongée introspective dans l’enfance et se permet de renouer avec certains souvenirs enfouis : exil douloureux, langue maternelle perdue, dilution du sentiment d’appartenance, passion refoulée pour la peinture...
Seuls, c’est bien sûr un clin d’œil complice au théâtre de Lepage, mais c’est aussi une œuvre personnelle risquée, qui permet à Mouawad de formuler une redoutable quoique pertinente question : si je n’étais pas devenu qui je suis, qui serais-je ?
Section vidéo
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Dramaturgie, écriture de thèse Charlotte Farcet
Conseiller artistique François Ismert
Assistance à la mise en scène Irène Afker
Scénographie Emmanuel Clolus
Lumières Éric Champoux
Costumes Isabelle Larivière
Réalisation sonore Michel Maurer
Musique originale Michael Jon Fink
Réalisation vidéo Dominique Daviet
Régie générale et plateau Jean Fortunato
Régie son Olivier Renet
Régie lumière Annabelle Courtaud
Régie vidéo Dominique Mank
Suivi artistique en tournée Alain Roy
Construction du décor François Corbal, Eric Terrien, Yann Malik, Sébastien Grangereau et Benjamin Leroy Sorrin des ateliers du Grand T à Nantes
Direction de production Arnaud Antolinos (France), Maryse Beauchesne (Québec)
Photo : Thibaut Baron
Les voix
Layla Nayla Mouawad
Professeur Rusenski Michel Maurer,
La libraire Isabelle Larivière,
Robert Lepage Robert Lepage,
Le Père Abdo Mouawad,
Le Médecin Éric Champoux,
L’infirmier Jean Fortunato
Musiques additionnelles Al Gondol Mohamed Abd-Em-Wahab, Habaytak Fayrouz, Una furtiva lacrima de Donizetti par Caruso
Texte additionnel Le Retour du fils prodigue, Luc 15-21 est tiré de la traduction de la Bible de Jérusalem
Tarif : 45$
Le texte est publié aux éditions Actes-Sud – Papiers.
Production Au Carré de l’Hypoténuse, Abé Carré Cé Carré
Production déléguée Abé Carré Cé Carré
Coproduction L’Espace Malraux Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, le Grand T scène conventionnée Loire-Atlantique, le Théâtre 71 Scène nationale de Malakoff, la Comédie de Clermont-Ferrand Scène nationale, le Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées, le Théâtre d’Aujourd’hui (Montréal)
Salle Octave-Crémazie, Grand Théâtre de Québec
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
par Chloé Legault
Wajdi Mouawad est encore à l’honneur cette année (rappelons que le Carrefour avait programmé, en 2010, Ciels, ainsi que la trilogie Littoral-Incendies-Forêts), et ce, pour le grand bonheur des festivaliers. Même si La Sentinelle a dû être annulée, les amateurs du travail de l’artiste libano-québécois pourront assister à Seuls (7 et 8 juin) et à Des Femmes (10 juin). Joué pour la première fois au fameux Festival d’Avignon en 2008, l’intime et poétique Seuls est – enfin – présentée à Québec.
Ce solo nous offre la possibilité unique de pénétrer dans l’univers intime de Mouawad. Si, au départ, on a l’impression d’être à des kilomètres du Sang des promesses, on s’aperçoit rapidement qu’on n’en est pas si loin. Certes, si Littoral, Incendies et Forêts sont des pièces-fleuves qui nous racontent des drames plus grands que nature, alors que Seuls est un solo mettant en scène le questionnement d’un homme, tous ces spectacles partagent des thématiques communes, chères à Mouawad : la quête identitaire, la guerre, l’exil, le déracinement et la recherche du bonheur.
La voix de Marie Gignac, nous souhaitant la bienvenue et nous demandant d’éteindre nos cellulaires, résonne encore au moment où Mouawad entre en scène. En caleçon, seul dans sa chambre, Harwan (Mouawad) pratique sa soutenance de thèse ; il est doctorant en sociologie de l’imaginaire et a choisi de consacrer sa recherche aux solos de Robert Lepage. C’est avec plaisir que l’on renoue avec le Mouawad comédien : son jeu est nuancé, son corps semble à l’aise et sa voix projette à la perfection. Plusieurs éléments de mise en scène font d’ailleurs référence aux pièces de Lepage, projections vidéo et manipulations inventives d’objets, par exemple, et ceux qui ont vu les solos du grand metteur en scène de Québec auront sûrement du plaisir à les repérer. La pièce se termine par une immersion dans l’inconscient du personnage et la scène se transforme en un immense tableau. Mouawad s’enduit de peinture et créé une œuvre picturale sous nos yeux, ce qui peut, bien sûr, faire penser à Littoral. L’effet est superbe, mais malheureusement s’éternise un brin.
Seuls est à la fois drôle et touchant. On rit, plusieurs fois, mais on se questionne également au rythme des interrogations d’Harwan qui, exilé du Liban à cause de la guerre, se demande ce qu’il serait devenu si sa famille et lui n’avaient jamais eu à quitter leur pays. Que serait sa vie s’il parlait encore arabe? Ses rêves d’enfant tiendraient-ils toujours la route? Aurait-il continué à peindre et à compter les étoiles? Finalement, est-il en train de rater sa vie? Et si c’est le cas, que peut-il faire? Un tas de questions demeure sans réponse.
Mouawad nous présente-t-il sa propre quête identitaire? Sûrement est-ce exagéré de le suggérer. Néanmoins, Seuls est inspirée de son histoire personnelle, ce qui lui confère une dimension très intime, à la fois tendre et dure, comme la vie.