Les critiques sont unanimes: Rick Miller est l’une des plus féroces bêtes de scène canadiennes. De MacHomer à Slightly Bent en passant par Art?, partout où il s’amène avec ses délirants spectacles solos aux multiples personnages, Miller subjugue par sa vivacité d’esprit et ses déconcertantes imitations. Après nous avoir conquis en 2007 avec un Bigger Than Jesus qui tenait du tour de force, le polyvalent performeur nous revient cette année, accompagné encore une fois par Daniel Brooks, son complice à la mise en scène, pour nous présenter Rick Miller : Vendu, version française du one-man-show HardSell.
Fruit d’une association entre WYRD Productions, dont Miller est le directeur artistique, et la compagnie Necessary Angel de Brooks, Rick Miller : Vendu n’a cessé de se renouveler depuis sa création. Après avoir fait l’objet d’une première prestation publique au Manitoba Theatre centre de Winnipeg en novembre 2007, puis d’un atelier de perfectionnement au Théâtre Passe Muraille de Toronto en janvier suivant, le spectacle fut donné en première mondiale le 13 mai 2009 au Berkeley Street Theatre de Toronto, siège de la Canadian Stage Company, dans une mouture encore provisoire.
Avant de fouler les planches du Factory Theatre de Toronto en octobre dernier dans sa version «2.0», la pièce a connu d’importants réaménagements, et c’est dans cette version que le spectacle s’amène au Carrefour en grande première francophone. Expressément pour le public de Québec, Miller et Brooks ont traduit le texte, adapté le propos à la réalité québécoise et troqué le titre HardSell –qui, en anglais, signifie littéralement «vente agressive»– pour celui, très évocateur et plein d’ironie, de Rick Miller : Vendu. Cela dit, qu’on se rassure, personne n’y perdra au change, car bien que Torontois d’adoption, Miller est Montréalais d’origine et maîtrise un français aussi incisif que coloré.
Alors qu’il abordait avec un aplomb remarquable l’épineuse question de la religion dans Bigger Than Jesus, Miller s’attaque ici aux dérives du monde de la consommation et à ses insidieuses chimères: publicité trompeuse, commercialisation musclée, manipulation des esprits, capitalisme esclavagiste… Le point de départ de sa démonstration? La désormais tristement célèbre «affaire Clotaire Rapaille»…
Paraphrasant le gourou du city branding («Le marketing n’est que manipulation de la vérité… et tout le monde s’en fout un peu»), Miller a cherché à interroger sa propre complicité envers les mensonges du marché, se confrontant ainsi à ses contradictions de consommateur. La réalité qu’il donne à voir est passablement mordante et la question qu’il pose, brutale: peut-on vivre dans une société de consommation sans être soit une crapule bien-pensante, soit un hypocrite honteux? Avec une autodérision assumée, Miller s’amuse à débusquer les mensonges et faux-semblants qui se cachent derrière chacune des excuses qu’il évoque lui-même pour se javelliser la conscience.
Constamment à l’affût de nouvelles cibles que ce HardSell pourrait parvenir à atteindre, Miller et Brooks ont concocté une version «conférence/performance» du spectacle et offrent actuellement leur création dans le cadre de campagnes scolaires d’information et d’alphabétisation. En parallèle, via WYRD Productions, Rick Miller travaille à en faire un court métrage destiné ultimement à se muter en une adaptation télévisuelle satirique.
Section vidéo
une vidéo disponible
Scénographie et vidéo Rick Miller, Beth Kates, Ben Chaisson
Éclairages Beth Kates
Sonorisation Rick Miller, Ben Chaisson
Direction de production Beth Kates
Direction technique/Régie Peter Eaton
Graphisme LoGograph
Photo Michael Cooper
Entretien avec les artistes après la représentation
vendredi 8 juin
Tarif : 35$
Production WYRD Productions
La Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
par Chloé Legault
C’est la troisième fois que le Carrefour international de théâtre reçoit le très créatif Rick Miller. Il y a eu Lipsynch, la pièce-fleuve de Robert Lepage présentéel’an dernier dans lequel le comédien jouait. Quelques années auparavant, Miller offrait son Bigger than Jesus?, en 2007, un spectacle qui, comme Vendu, a été créé en collaboration avec Daniel Brooks. Traduit de l’anglais (Hardsell) par Miller lui-même, Vendu est joué pour la première fois en français, bien qu’il tourne depuis 2007 dans sa version originale (qui a tout de même connu plusieurs modifications).
Dans ce « one-man-show » présenté au théâtre de la Bordée, Miller et son « jumeau-miroir », le « jokeur » Arnie, prennent la scène d’assaut pour entretenir le public sur la surconsommation et le marketing. Si Miller le fait avec l’espoir de changer quelque chose, Arnie est cynique et se paie parfois la tête de son jumeau. L’autodérision est le moyen qu’a choisi Miller pour faire passer son message. Par ce procédé, il montre en fait que, comme nous tous, il est un être plein de contradictions et que les choix qu’il prend vont parfois à l’encontre de ses valeurs - il critique fortement Disney, mais a quand même accepté de signer un contrat avec cette corporation. À la manière d’un conférencier, il nous présente des faits, des statistiques et des théories qui viennent appuyer son propos et personne n’est épargné, dont Clotaire Rapaille, amicalement surnommé Dr. Clot par le comédien. Miller n’a pas la langue dans sa poche et il n’hésite pas à dénoncer Coke, Pfizer, Dove, Barbie et Apple, pour ne nommer que ceux-là.
Vendu est un spectacle haut en couleur qui nous fait passer un sacré bon moment. On sent que le versatile comédien a du plaisir sur scène et c’est contagieux. Quoi de mieux que de se conscientiser tout en s’amusant?