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Carrefour international de théâtre - 30 mai 2013, 20h, 31 mai et 1er juin 2013, 19h
DeuxII (Deux)
En français
Texte Mansel Robinson
Traduction Jean Marc Dalpé
Mise en scène Geneviève Pineault
Avec Jean Marc Dalpé, Elkahna Talbi

Coproduction du Théâtre du Nouvel-Ontario et du Théâtre de la Vieille 17, alliés de longue date, la pièce II (deux), depuis sa création en mars 2012, a été présentée en tournée au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Elle suscite, partout sur son passage, de vives réactions. Et dérange, avec son histoire dangereusement plausible.

À la fois huis clos et confessions parallèles, le spectacle présente, en deux temps différents, Mercier, policier canadien, la cinquantaine, sûr de lui, et Maha, sa jeune épouse, médecin, cultivée, musulmane. Mercier et Maha se révèlent tour à tour : y passe l’histoire de leur rencontre, au loin, de leur amour, malgré les différences d’âge, de culture, les réactions parfois racistes, puis carrément accusatrices après les attentats du 11 septembre 2001. Maha, qui voyage beaucoup, ne dit pas tout. Ne serait-elle pas une terroriste? Insatisfactions, omissions, doutes : les deux récits retracent le soupçon qui s’insinue et gangrène tout jusqu’au dérapage tragique, alors que se mêlent l’intime et le politique.

Le spectacle réunit l’auteur Mansel Robinson, la metteure en scène Geneviève Pineault et le comédien et traducteur Jean Marc Dalpé, tous de l’équipe du puissant Slague présenté à Québec il y a quelques années. Se joignent à eux Elkahna Talbi, connue également comme slammeuse sous le nom de Queen Ka.

D’une grande intensité, II (deux) jette au visage un tas de petites intolérances et renvoie chacun à sa réflexion. Pièce troublante et nécessaire, elle souligne les dangers toujours présents du racisme latent, de la peur de l’Autre : rien, semble-t-il, dans notre société pourtant ouverte aux immigrants, n’est jamais acquis.


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Conseillère artistique Esther Beauchemin
Assistance à la mise en scène et régie de création Emanuelle Langelier
Décor Normand Thériault
Environnement sonore Aymar
Lumières Guillaume Houët
Costumes Isabelle Bélisle
Direction de production Christina Leblanc-McHenry
Régie de tournée Diane Fortin
Photo Mathieu Girard

Durée : 1h20

Tarif régulier : du 32$ à 41$
Foubrac : 23$
Accro : 26,50$
Béguin : 30$

En parallèle
- Rencontre avec l'équipe de II (Deux), le jeudi 30 mai 21h30, sur place
- Une soirée avec Queen Ka, samedi 1er juin, 21h30, Café-bar Le Zinc, 336 rue du Roi
La comédienne Elkahna Talbi, interprète dans le spectacle II (deux) est aussi connue sous le nom de Queen Ka, artiste du spoken word.  Elle nous offrira une courte prestation de slam autour des thèmes de la nuit, des bars, de l’amour, puis nous fera danser au son de ses choix musicaux.

Production Théâtre du Nouvel-Ontario et Théâtre de la Vieille 17


CarrefourThéâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne

 
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 Critique
Critique

par Geneviève Décarie

Quand la peur surpasse l’amour


Crédit photo : Mathieu Girard

II (Deux) c’est une histoire d’amour déchue, mais aussi une histoire de confiance. On dit que l’amour rend aveugle, mais dans ce cas-ci, il peut rendre aveugle à la vérité. Mercier, policier canadien, rencontre Maha, jeune pédiatre musulmane, lors d’un voyage. Immédiatement, ils tombent amoureux. Au début, c’est la lune de miel, Maha déménage au Canada, renonce à sa médecine, puisque son diplôme n’est pas reconnu, et s’ouvre une boutique d’artisanat qui l’oblige à voyager partout dans le monde. Peu à peu, les attentats terrorismes se font plus fréquents en Amérique, la peur s’empare de la population, mais aussi de Mercier. Ses amis et collègue lui mettent en tête que sous sa belle jeune femme se cache peut-être une terroriste.

Deux confessions parallèles constituent la pièce, celle de Maha et celle de Mercier. Deux pièces différentes où chacun raconte son histoire. À certains moments, leurs regards se croiseront, ils sembleront se parler, mais rapidement on reviendra à leur confession personnelle. Cette histoire de peur de l’autre, de racisme, est plutôt commune dans le monde dans lequel on vit depuis les événements du 11 septembre. De voir tout cela se dérouler devant soi, de voir l’évolution d’une relation qui finira en crime passionnel est particulièrement troublant, mais surtout criant de vérité. Des crimes odieux ayant pour seul motif la peur de la religion musulmane sont nombreux. Le texte est fort, accessible et à certain moment, il frôle le poétique.

Sur le plan scénographique, le décor, en huis clos, est efficace. D’un côté, une salle lugubre servant autant à l’interrogatoire de Maha qu’à la salle à manger du couple. De l’autre côté, la prison dans laquelle Mercier est détenu. On se trouve dans une temporalité floue où présent et passé s’entremêlent. Cela est parfois un peu dérangeant, mais tout au long de la pièce, de l’évolution de l’histoire, les faits se clarifient, des détails se font entendre et on comprend où l’auteur a voulu amener le spectateur. L’atmosphère est lourde, sans musique, deux interrogatoires froids et à la fois poignants. Le seul point négatif, c’est qu’en aucun moment on ne sait vraiment à qui Maha s’adresse. Aux spectateurs? À des policiers? À Dieu?

Le jeu des acteurs est également intéressant. Le niveau de langage très différent l’un et l’autre (français international pour Maha et québécois pour Mercier) est frappant. On voit ainsi parfaitement la différence de culture, de nationalité. Par contre, ce langage semble parfois un peu trop forcé. La séparation entre les deux protagonistes aurait été tout aussi marquée sans exagérer l’accent québécois et l’accent français.

Pression sociale, catastrophe personnelle et humanitaire, II (Deux) ne peut que toucher les spectateurs. Personne ne peut être insensible à une peur collective qui semble presque devenue normale avec les années.  D’être confronté à une telle situation ne peut que remettre en question les conceptions que la société a tenté d’ancrer dans l’imaginaire collectif.

31-05-2013


par David Lefebvre (lors du passage de la pièce à La Licorne, Montréal, septembre 2012)

Après les mineurs de Slague et les cheminots de Trains fantômes (deux textes, présentés en 2008 à la Petite Licorne, qui connurent un véritable succès autant ici que sur la route), le dramaturge Mansel Robinson explore le terrorisme, le racisme et l'état paranoïaque que la peur de l'Autre engendre dans II (deux), un récit noir et puissant.

Lors d'un voyage à la découverte du réel Sahara, Mercier, un policier canadien (Jean Marc Dalpé) rencontre une jolie médecin (Elkahna Talbi) dans un petit village. Charmé par « le rythme berbère de ses hanches tunisiennes », il réussit à la séduire, par sa gentillesse et son accent. Elle décide après quelque temps de le rejoindre au Canada. Ne pouvant pas exercer sa profession, elle ouvre une boutique où elle vend de l'artisanat provenant d'un peu partout à travers le monde, aidant des femmes habitant des endroits reculés et pauvres. Ses nombreux voyages et la couleur de sa peau font jaser. Si Mercier peut en prendre, car l'amour ne rend pas seulement aveugle, mais sourd, la pression sociale, les railleries de ses collègues et les attentats du 11 Septembre font réfléchir l'homme qui croit de plus en plus à la culpabilité de sa femme. Comment un homme bon, intègre, aimant, vient à dénoncer sa propre épouse, et à l'interroger lui-même jusqu'à l'irréparable? Et que cache-t-elle à son mari, réellement? C'est plus qu'une histoire politique, de terrorisme, de trahison ou de meurtre, c'est une histoire d'amour, de confiance et de ce qui peut les briser à cause d'un seul mot.

Avec II (deux), Mansel Robinson place au milieu d'une cage (conception de Normand Thériault) deux personnages diamétralement opposés, qui pourtant, à un moment de leur vie, se sont trouvés. Il est un peu bourru, voire arrogant, elle est douce, gentille. Il est policier, elle est médecin ; il est blanc, elle est « foncée ». Un monde les sépare, pourtant, ils ont réussi à trouver le leur. Et ce monde extérieur viendra les séparer de nouveau, plantant la graine de la peur, de l'incertitude, du racisme, du déracinement. Et de cette graine jaillira une pousse malheureusement fertile, qui transformera la peur et le doute en véritable guerre insidieuse dans l'esprit du policier.

Tel un polar, on suit deux confessions en parallèle, celle de Maha, à une ou des personnes inconnues, et celle de Mercier, aux policiers qui l'ont arrêté. L'auteur est en parfaite maîtrise des différents effets et sentiments qu'il veut instaurer chez le spectateur, et la mise en scène de Geneviève Pineault en exploite admirablement bien toutes les possibilités, tout en restant posé, presque latent. La parole de l'Ontarien est directe, crue, parfois drôle, mais en un sens véridique. Elle est « probable », et ceci crée autant une emprise rapide chez le spectateur qu'une réflexion terrifiante : réfléchissons-nous tous comme Mercier? Sommes-nous tous racistes, à différents degrés? Et jusqu'où peut mener cette peur honteuse?

Le jeu de Jean Marc Dalpé et d'Elkahna Talbi est tout à fait juste et très accrocheur. Prenant la parole chacun leur tour, tout en faisant avancer le récit de façon parallèle, les deux comédiens se donneront la réplique que rarement durant la représentation. Le seul bémol provient du manque de naturel lors des dialogues, des moments en couple, plus marqué du côté de Dalpé, mais rien pour entacher leur solide performance. Le compositeur Aymar, qui avait aussi concocté la musique de Slague, ajoute ici un certain suspense au récit grâce à une trame sonore subtile, discrète, au timbre peu changeant.

Coproduction du Théâtre du Nouvel-Ontario et Théâtre de la Vieille 17, II (deux) s'avère un morceau théâtral percutant, d'une grande pertinence, superbement traduit par Dalpé, évocateur d'une triste pensée collective, qui voit chaque mot, chaque phrase pénétrer le spectateur et ébranler tout autant la tête que le coeur.

18-09-2012