« Des poèmes. Des cagoules. De l’amour. »
Nulle bombe, nulle arme, nulle explosion dans cet Attentat… hormis celles des textes d’une trentaine de poètes québécois, contemporains pour la plupart, portés par les voix de jeunes actrices et acteurs dont le combat est de s’ériger contre la langue de bois et de redonner aux mots leur vrai sens, leur puissance et leur beauté. Nous avons faim de poésie, s’exclament-ils !
Fustigeant le charabia haineux des radios dites poubelles autant que la vacuité policée de certains langages médiatiques ou politiciens, ils appellent à la résistance, à la vraie communication, à la tendresse et à l’espoir. L’univers de chacun des poèmes est fougueusement incarné et mis en scène avec inventivité et finesse, réenchantant le territoire, le climat et le vivre-ensemble. Cri de révolte, hymne à la vie, manifeste d’une génération, le spectacle galvanise et émeut profondément.
Textes Hubert Aquin, Marjolaine Beauchamp, Maxime Catellier, Evelyne de la Chenelière, Véronique Côté, Jean-Paul Daoust, Carole David, Jean-Marc Desgent, Louise Desjardins, Stéphane Despatie, Geneviève Desrosiers, Catherine Dorion, Alexandre Dostie, Simon Dumas, Alexandre Faustino, Steve Gagnon, Roland Giguère, Gérald Godin, François Guerrette, Benoît Jutras, Natasha Kanapé Fontaine, Sylvie Laliberté, Catherine Lalonde, René Lapierre, Jean-Sébastien Larouche, Nicolas Lauzon, Daniel Leblanc-Poirier, Geneviève Letarte, Mariève Maréchal, Gaston Miron, Jocelyn Pelletier, Jean-Philippe Tremblay
Costumes et accessoires Maude Audet
Lumière Martin Sirois
Musique Mykalle Bielinski
Direction de production et direction administrative Caroline Martin
Direction technique Éric Le Brec’h
Durée : 1h15
Tarif régulier : 38$
Production Théâtre [mo]
Caserne Dalhousie
103, rue Dalhousie
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
Dates antérieures (entre autres)
Du 2 au 17 décembre 2014, Quat'sous, Montréal
par David Lefebvre
«Nous avons faim de beauté folle et de gestes gratuits»
À l'ère des 140 caractères, de la pensée aseptisée, austère et réductrice, qu'il est bon de s'abreuver de poésie, même si ce n'est que pour un court instant. Sous la gouverne des soeurs Gabrielle et Véronique Côté, huit comédiens et comédiennes - incluant les deux jeunes femmes - s'approprient les mots d'une trentaine de poètes québécois d'hier et d'aujourd'hui dans ce cabaret captivant.
Créé officiellement en décembre 2014 au Quat'sous à Montréal, le spectacle Attentat avait ravi la critique et le public. Le Carrefour a eu raison d'inviter le Théâtre [mo] à venir représenter le spectacle à Québec, pour faire gronder les murs de la Caserne Dalhousie d'une poésie exaltante et exaltée, engagée, assumée. Cette courtepointe de courts textes sur l'amour, la beauté et la révolte est à l'image de la jeune génération post-révolution, inassouvie, qui ose demander : et après? Cette langue métissée, tout aussi empruntée qu'originale, s'adresse à eux, à nous et à ceux et celles qui viendront après. L'acte de la prise de parole, comme la parole elle-même, peut s'avérer violent, certes, comme des crachats au visage, ou sans concession - le texte de Steve Gagnon qui envoie littéralement promener sans fioriture les gens sans opinion, les pseudo-intellectuels et les membres du gouvernement actuel, en est un bon exemple. Mais il peut aussi être excessivement amoureux, lumineux, plein d'espoir. Ils font ensemble l'éloge de la force qui nous habite, de cette puissance qu'on n'arrive pas à harnacher de nous-mêmes. Ils osent dire, osent critiquer le désengagement, la déresponsabilisation, la perte de sens des mots qu'on use à la corde, spécialement en mettant en scène des vox-pops télévisés vides aux sujets sans intérêt.
La mise en scène est à l'image de la production : simple, mais éclatée, percutante, proposant plusieurs moments d'une grande et imparfaite beauté, dont ces échanges de mots où les comédiens parlent directement dans la bouche de leur partenaire, devenant des caisses de résonnance, ou lorsque certains spectateurs, cellulaires à l'oreille, debout, répètent à voix haute les phrases qui leur sont confiées. Certaines scènes arrivent même à se moquer de la poésie, alors que les comédiens défilent, lisant un passage réellement mauvais, puis se font arroser de terre sous des «non» bien sentis.
Seul bémol, les deux chansons interprétées par Mykalle Bielinski, quoique relativement pertinentes dans la démarche artistique du spectacle et livrées superbement par la chanteuse et musicienne - ne remettons pas en question son talent - viennent tout de même amoindrir, voire effriter le choc émotif et sensoriel que l'on peut ressentir face au reste de la proposition.
Manifeste courageux et nécessaire, riposte intelligente et audacieuse, Attentat heurte les consciences et les coeurs, crie haut et fort la beauté du monde, de notre monde, et se veut porteur d'espoir pour toute une génération qui réclame bien justement sa place.
par Pascale St-Onge (pour la création de la pièce au Quat'sous en décembre 2014)
« L’heure est à la révolte du cœur. »
Avant le congé des Fêtes, un arrêt s’impose au Théâtre de Quat’Sous pour le happening poétique Attentat. Sous la direction de Véronique Côté (comédienne, mais aussi auteure de Tout ce qui tombe, notamment) et de sa sœur Gabrielle Côté (comédienne fraîchement diplômée de l’École Nationale de Théâtre), c’est une poignée de jeunes artistes qui s’approprient la poésie québécoise pour mieux la transmettre.
C’est, en effet, une cinquantaine de poèmes qui sont mis en scène ou en musique, ou simplement projetés sur la petite scène du théâtre. Il faut préciser que le choix des poèmes révèle à lui seul une prise de position : des poètes contemporains comme Marjolaine Beauchamp, Catherine Dorion, Jean-Sébastien Larouche ou Geneviève Desrosiers ont une place majeure dans le spectacle. Aucune place pour la nostalgie des génies d’hier, bien que Miron, Godin ou Roland Giguère aient eux aussi leurs « mots à dire » dans le spectacle. Les comédiens ajoutent aussi leur touche personnelle : Véronique Côté et Steve Gagnon, signent chacun un texte, probablement les plus percutants de l’ensemble.
La mise en scène se veut simple et inventive, et y parvient la majeure partie du temps. Chaque poème a sa propre proposition scénique afin de mettre en valeur le texte. En seconde moitié du spectacle, les liens entre la mise en scène et les poèmes semblent moins solides, mais l’ensemble sait tout de même garder une bonne cohérence. La musique de Mykalle Bielinski, habituellement si bien utilisée dans d’autres spectacles vus plus tôt cette année ou même la saison dernière, rate un peu sa cible cette fois, se collant mal aux textes qui lui ont été attribués.
Malgré ce manque de maîtrise de l’aspect multidisciplinaire visiblement recherché et quelques maladresses de mise en scène, il est impossible de rater un seul moment du spectacle. L’ensemble prouve à quel point notre poésie a sa place sur nos scènes et que notre jeunesse n’a rien à envier à personne. Elle compte bien revendiquer sa place dans l’espace public, elle croit en la beauté et voit un avenir au bout de ce tunnel parfois si sombre.
Les jeunes comédiens deviennent ainsi le porte-voix de ces poètes, mais ils le font aussi – et surtout – au nom de toute une génération qui n’a pas l’intention de rester passive face à son implication citoyenne. C’est là toute la force de la proposition ; ce spectacle est un réel manifeste. C’est un appel à user de notre intelligence, de nos passions et de prendre notre place. Visiblement héritiers du Printemps étudiant, cette jeune compagnie porte le désir réel qu’on ne s’arrête pas maintenant. C’est une génération qui croit aux révoltes et à l’amour.
Attentat est certainement l’un des meilleurs événements théâtraux de cette première mi-saison. Revigorant, rafraîchissant et émouvant comme peu de spectacles y parviennent, c’est un hommage à notre jeune poésie, c’est un cri d’espoir d’une génération qui cherche et revendique sa place. C’est un hymne à la beauté, à la révolte et à l’amour.