Un chorégraphe pétri de bonnes intentions veut créer une pièce porteuse d’un message de réconciliation et de coexistence. Après un moment en solo où il tourne en dérision certain discours de la danse contemporaine ainsi que sa propre pensée politique, et après avoir décrété que l’espace lui opposant une résistance appartient forcément à un Arabe, le danseur qu’ila embauché, seul danseur arabe qu’il connaisse, se joint à lui.
We love Arabs! Cette phrase est souvent prononcée avec une vraie ou une fausse candeur par des juifs israéliens. Les arabes dont il est ici question sont ceux qui possèdent un passeport israélien. Même s’ils vivent en Israël en toute légalité, ils sont en général considérés comme des citoyens de seconde zone et on leur accorde rarement la parole, au dire de Hillel Kogan.
Et le chorégraphe parle, parle, parle. Le danseur se tait. Et puis, ils se mettent à danser, duo improbable, éminemment chargé et potentiellement explosif.
Et c’est magnifique. Ils sont beaux, drôles, brillants, ils dansent comme des dieux, et leur rencontre, éclatante de sens, d’humour et d’intelligence, génère tantôt l’hilarité totale et tantôt une émotion fulgurante, sans doute plus puissante que bien des négociations de paix.
Section vidéo
Durée 55 minutes
En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, mardi 30 mai
Achat à l'unité : 49,50$
* Taxes et frais de service inclus
Classe GAGA
Atelier de mouvement Jeudi 1 Juin | 11h
Maison pour la danse - 336, rue du Roi
À l’occasion de la présentation de We love Arabs, l’auteur et chorégraphe du spectacle Hillel Kogan tient une classe Gaga, ouverte à toute personne âgée de 16 ans et plus, quel que soit son niveau d’expérience ou de formation. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait de la danse avant.
Les participants doivent porter des vêtements confortables et danser pieds nus ou en chaussettes.
Pour vous inscrire, communiquez avec L’Artère à l’adresse inscriptions@larteredanse.ca
COÛT : 12$ pour les membres de l’Artère
15$ pour les non-membres
Nombre de participants limité.
En collaboration avec l’Artère, développement et perfectionnement en danse contemporaine
Production DdD/Drôles de dames
Théâtre de la Bordée
315, rue St-Joseph Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
Dans l’obscurité, un projecteur s’allume et éclaire le corps d’un homme, celui du chorégraphe, danseur et interprète Hillel Kogan. Dans un élan artistique inspiré, il souhaite créer une œuvre qui exprimera, sans paroles, l’identité (dans le sens de ressemblance) de deux peuples que tout sépare, les juifs israéliens et les Arabes. Et pour exprimer le tout, il fait appel au seul danseur arabe qu’il connaisse, Adi Boutrous.
S’ensuit alors une véritable danse entre les deux hommes. D’un côté, le chorégraphe, qui parle et explique plus qu’il ne danse (dans un excellent français, malgré les nombreuses hésitations, plutôt comiques), enchaînant les énormités sans s’en rendre compte ; de l’autre, Adi, l’Arabe, qui le regarde, mi-amusé, mi-agacé. On sent chez Kogan une agilité classique et fluide, tandis que l’énergie de Boutrous est athlétique et toute circassienne. Entre les deux, on ne peut s’empêcher de déceler toute une gamme d’émotions, de la sensualité à l’irritation, et une histoire lourde de tragédie et d’agressions, qui s’exprime silencieusement dans les mouvements des deux hommes ou verbalement, dans les sous-entendus des explications du chorégrapge. Les symboles au cœur des mots et des gestes sont nombreux : on parle d’explosion, de murs, de différences dans la ressemblance. Plat typique d’Israël, le houmous sera utilisé comme emblème rassembleur, comme élément d'identification, mais aussi comme arme psychologique. Hillel est le houmous et le houmous est Hillel, dit-il, en s’en mettant plein le visage - un moment qui peut s'avérer tout aussi drôle que repoussant. Mais pour Adi, c’est un geste d’une extraordinaire violence, un sentiment qu’il doit réprimer devant le chorégraphe.
We Love Arabs est une dénonciation du concept même de « tolérance » qui, à peine énoncé, flirte illico avec le racisme, même s’il est pétri de bonnes intentions. Le tout est présenté sous une caricature du monde de la danse, Kogan interprétant un chorégraphe superficiel et imbu de lui-même, condescendant au possible sans même s’en apercevoir, un type de personne qu’on peut aussi imaginer dans bien des domaines culturels (ou en publicité!). On rit, beaucoup, mais surtout à cause de cette dénonciation dont la démonstration nous est faite par le ridicule. Les Israéliens sont un peuple qui démontre énormément d’autodérision, et We Love Arabs en est une preuve inéluctable. La réflexion proposée est à l’image de l’œuvre : légère, aérienne, fluide et naturelle. Un tour de force quand on pense à la lourdeur du sujet.
Le tout se termine dans une véritable communion (dans son sens liturgique du terme) avec le public, point d’orgue d’une satire décapante qui se plait à faire exploser les conventions et le « politically correct », pour notre plus grand bonheur.