Malgré son titre un peu austère, voici un petit opus désopilant, passionnant et tout à fait singulier. L’expression est tirée de la définition légale du sujet abordé, le droit d’auteur. Ce dispositif, mis au point afin de rémunérer le travail des créateurs, protège en e?et toute œuvre de l’esprit ayant une forme tangible et qui présente au moins un faible degré d’originalité…
Ça commence comme une vraie conférence. Antoine Defoort, un des hurluberlus créateurs de Germinal, présenté triomphalement au Carrefour en 2014, retrace donc ici la rocambolesque histoire du droit d’auteur, du 15e siècle à nos jours. S’étant vu refuser par les ayants droits la possibilité de créer une adaptation de la comédie musicale Les Parapluies de Cherbourg, il s’est intéressé à la loi du copyright et a conçu cet objet hybride, ludique, en forme d’exploration philosophico-burlesque.
C’est aussi, donc, un vrai spectacle. Blagues, anecdotes et stratagèmes scéniques parsèment cette « randonnée conceptuelle dans le massif de la propriété intellectuelle, nimbé d’un épais brouillard juridique. » L’idée même du créateur propriétaire de son œuvre a survécu vaille que vaille à trois grandes révolutions médiatiques, celles du langage, de l’écriture et de l’imprimerie. Que deviendra-t-elle maintenant dans le raz-de-marée du numérique ?
Durée 1h20
En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, mercredi 7 juin
Achat à l'unité : 49,50$
* Taxes et frais de service inclus
Production l'Amicale de production
Coproduction le Vivat, Scène conventionnée danse et théâtre d’Armentières / le phénix scène nationale Valenciennes pôle européen de création / Le Centre National de la Danse (cnd- paris) / Bit Teatergarasjen (Bergen, Norvège) / le CENTQUATRE (Paris)/ le Beursschouwburg (Bruxelles, Belgique).
Théâtre Périscope
2 Rue Crémazie E.
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
Il ne faut jamais rater l’occasion d’assister à un spectacle de l’Amicale de production et du génial Antoine Defoort. Plusieurs festivaliers, de Montréal comme de Québec, se remémoreront avec plaisir les superbes Eternal, &&&&& & &&& et Germinal. C’est avec une conférence maintenant aboutie que Defoort se présente devant public, au Périscope, pour parler du fascinant, mais dédaléen sujet du droit d’auteur.
C’est suite au refus par les héritiers de Jacques Demy d’adapter pour la scène Les parapluies de Cherbourg que notre ami plonge au cœur d’un projet bien à lui sur les droits d’auteur. Sous forme de conférence ludique, ou cours magistral déluré, le créateur vulgarise, résume et dessine les bases (comment ça fonctionne ? à quoi ça sert ?) de ce concept intellectuel né en 1710, basé sur la « stimulation de la création artistique par la rémunération des auteurs ». En moins d’une heure 30, l’homme de théâtre aborde les notions de l’œuvre de l’esprit, des droits patrimoniaux et moraux, des procédés de médiation, de reproduction et de représentation, des délais légaux de production, des sociétés de perception, des délais post-mortem, des exploitants et des héritiers, de la rivalité des ressources… grâce à une simple invitation à se balader en montagne. Fort. Defoorte sait créer de superbes images, simples, pour faire comprendre avec une clarté souvent surprenante une multitude de concepts souvent abstraits, juridiques ou philosophico-sociaux. Avec quelques boîtes, il conceptualise la théorie en la montant et la démontant. Même l’exacto vient jouer un rôle dans l’histoire. Il utilisera même un gag, placé en début de parcours, pour expliquer comment concevoir le droit sur une idée. De plus, l'homme fait ses devoir : iI adapte son discours à notre réalité, en comparant à quelques reprises certains faits ou lois au Canada en rapport avec l'Europe, et démontre ce qui distingue le copyright anglais et le droit d'auteur.
Avec vivacité, Defoort gesticule, parle avec tout son corps et rend passionnant son sujet qui pourrait devenir austère – plusieurs personnes du milieu artistique et juridique devraient prendre des notes. Il invite Denis Diderot sur scène (le premier homme, d’ailleurs, à manifester l’idée qu’une rémunération quelconque devrait être attribuée aux auteurs, et que ceux-ci sont de réels créateurs de contenu, et non pas un canal pour la voix de Dieu), nous raconte cette histoire rocambolesque de succession de Maurice Ravel (l'un des moments les plus captivants de la soirée), nous présente un faux dessin animé «emprunté» à Nina Paley sur la copie (copy is not theft, vidéo), mais s’enflamme littéralement quand il aborde la 4e révolution médiatique (après le langage articulé, l’écriture et l’imprimerie) : Internet. Et c’est à ce moment que le spectacle prend tout son sens : pour la première fois dans son histoire, l’humanité se rend compte, en direct, du chambardement extraordinaire de cette révolution. L’accessibilité presque illimitée des œuvres et sa libre circulation remettent en question les règles établies sur le droit d’auteur depuis 200 ans. Un sujet d’une brûlante actualité, d’intérêt public, d'une pertinence indéniable.
Éloquente composition, rigoureuse sans être lourde, la pièce/conférence Un faible degré d’originalité s’avère d'une étonnante simplicité, pleine d’esprit, d’humour et de créativité ; le titre en devient presque ironique. Antoine Defoort termine la représentation sur ces mots : « On vit décidément une époque formidable », il a parfaitement raison.