Dans un dispositif scénique qui marie bien installation et performance, Foreign Radical invite un petit groupe de spectateurs à plonger dans un véritable jeu théâtral qui explore la notion de sécurité.
Qui a déjà signé une pétition ou effectué un achat en ligne? Qui n’a jamais fait sonner le détecteur de métal en traversant la zone de sécurité d’un aéroport? Ou encore, qui ne s’est jamais fait fouiller ou interroger à un poste frontalier ou douanier ? Autant de questions qui non seulement permettent aux spectateurs de mieux connaître leurs partenaires de jeu, mais les poussent à faire état de leur propre rapport aux divers mécanismes mis en place pour assurer notre sécurité, et qui, par le fait même, nous surveillent.
Ayant comme trame de fond une intrigante enquête sur un présumé terroriste, le spectacle oblige les participants à se positionner les uns face aux autres, à prendre des décisions individuelles ou en groupe afn de faire avancer le jeu. Cette expérience soulève des questions bien ancrées dans la société actuelle, à propos de la liberté d’expression, de la protection de la vie privée à l’ère numérique et de la crainte de l’autre à l’heure où se répand la peur du terrorisme.
Section vidéo
Durée 1h10
En marge des spectacles :
Entretien avec les artistes, vendredi 9 juin
Achat à l'unité : 49,50$
* Taxes et frais de service inclus
Production Theatre Conspiracy
Spectacle créé en collaboration avec The Banff Centre, Playwrights Theatre Centre (Vancouver), The Cultch (Vancouver), University of Toronto - Centre for Theatre, Drama and Performance Studies (Bruce Barton, dramaturge) et Cinevolution (Richmond, BC)
Méduse, studio d'Essai
541, de Saint-Vallier Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
À l’ère où les attentats terroristes se multiplient, ou le président des États-Unis ferme les frontières de son pays à certains arrivants de façon unilatérale et où le mot « radicalisation » est utilisé à toutes les sauces, Foreign Radical se joue de nos idées préconçues et nous ouvre la porte à nous interroger sur nos convictions.
La pièce débute alors que les spectateurs-participants, une trentaine de personnes tout au plus, entrent dans une salle où se tient un homme nu, silencieux et immobile pendant de longues minutes. Dès cet instant, la dynamique de groupe s’installe, élément clé de tout ce qui s’ensuivra : certains regardent l’homme ; d’autres fouillent la pièce du regard, gênés ou à l’affût d’indices qui permettraient de comprendre ce qui se passe ; d’autres chuchotent entre eux. Le « maître de cérémonie » entre alors en scène guidant les participants à travers un jeu où l’on suit un jeune homme, peut-être terroriste, peut-être pas, et où les participants sont interpellés, se révèlent, collaborent et se questionnent.
À ce point-ci de la critique, il est nécessaire de préciser quelques points. Tout d’abord, le mot « jeu » peut mener sur une fausse piste – il ne s’agit pas d’une énigme dont il faut trouver la clé, mais plutôt d’un parcours qui mène le participant à réfléchir sur des questions d’actualité. Il faut aussi souligner qu’une compréhension fine de l’anglais est généralement nécessaire, le spectacle n’étant pas surtitré et les notions abordées pouvant être relativement complexes. Enfin, il y a autant de façons de vivre Foreign Radical qu’il y a de participants différents, ce à quoi il faut aussi ajouter la variable de la dynamique du groupe : il devient donc pratiquement impossible de faire une critique neutre du spectacle tant on y est impliqué.
Avez-vous déjà fait des achats en ligne? Êtes-vous croyant? Avez-vous visionné de la pornographie en ligne au cours des dernières 24 heures? Vous êtes-vous déjà fait fouiller aux douanes? Avez-vous déjà subi une fouille à nue? Quelle personne du groupe vous semble la plus digne de confiance? Les participants répondent, le groupe se divise, et les sous-groupes changent de salle, se voyant révéler une partie de l’histoire du soupçonné terroriste ou attribuer une tâche. Et c’est là que la dynamique du groupe opère : lors de notre participation, les gens se sont entraidés spontanément. Certains traduisaient lorsque d’autres ne comprenaient pas certains passages; lors des « missions », les participants se confrontaient en rigolant… Est-ce qu’on le fait? Et si on ne le faisait pas? Si on le fait, qu’arriverait-il? Mais surtout, si on ne le fait pas…
À coup sûr, les artisans de Foreign Radical auront des réactions différentes partout où ils présenteront la pièce : c’est l’humain qui y est à la base, tant par le cœur de sa trame narrative, que par les spectateurs qui en sont les héros. Le contexte et le vécu des participants influencent directement le cours du spectacle – lors de notre passage, nous avons pu constater que les participants, en dépit de leurs profils variés et de leurs choix différents, partageaient le souhait d’un monde où tous sont libres et jouissent des mêmes droits.
Certaines séquences du spectacle semblent inutiles, mais on peut se demander si la compréhension des instructions en anglais a pu gêner le déroulement de la pièce pour certains participants, ou si d’autres, isolés pendant certaines séquences, ont pu manquer des éléments clés à fournir au groupe par la suite. Cela illustre toutefois le propos de la pièce : ce qu’on ne comprend pas semble forcément suspect, que ce soit en farsi ou en anglais, menant parfois à des quiproquos au mieux rigolos, mais qui peuvent se révéler tragiques. La finale de la pièce, plus symbolique que tout le préambule laisse aussi le participant un peu sur sa faim. On aime à croire qu’on le laisse libre de s’imaginer le résultat de ses choix de la soirée.
Foreign Radical s’inscrit dans la lignée de spectacles présentés au Carrefour où les artistes se mettent en danger, car leur création est tributaire des humains qui y participent, qui la reçoivent et qui la vivent. Aucune représentation ne sera identique à une autre, et c’est en soi ce qui fait l’intérêt et l’unicité de ce spectacle.